À Rennes, trois manifestants anti-aéroport NDDL condamnés (prison ferme) pour l’exemple !
- 11 févr. 2016
- Par Jean-Claude Leroy
- Blog : Outre l'écran
Prison de Rennes-Vézin
Des visiteurs inconnus avaient certes dépassé les consignes des organisateurs, lesquelles invitaient aux seuls « chahut, tintamarre et charivari, bataille de farine, joutes sonores, et autres chamailleries », mais surtout, réagissant à des taquineries bouffonnes, la police entreprenait de foutre l’après-midi en l’air. Le préfet, qui ordonna la dispersion du cortège, n’hésitera pas à déclarer le soir même, sans trembler :« les carnavaliers ont montré leur vrai visage, celui de casseurs. » Une perle parmi d’autres ! Car il y a bien sûr autant de visages que de carnavaliers ! Autant de visages que de militants anti-aéroport. S’ils sont mus par une même détermination, ils ont bien sûr chacun leurs expressions et regards propres.
Pour ce qui est de son vrai visage, nous connaissons celui de la police. À Rennes, la brigade anti-criminalité se distinguait il y a quelques semaines par les cinq balles dans la peau infligées à un jeune homme en pleine crise d’angoisse et armé d’un simple couteau de cuisine [voir ce billet]. Une enquête est en cours après ce drame [voir ici]. Chaque année en France, c’est en moyenne une quinzaine de « bavures » de ce type qu’il faut déplorer. Samedi dernier, ces mêmes policiers n’ont pas hésité à utiliser leurs flashball en visant à hauteur de banderoles, de jambes et de thorax [voir un témoignage ici], mais aussi, semble-t-il, de grenades de désencerclement, armes dont, nous dit wikipédia, « l’utilisation est généralement régie par des règles précises car elles peuvent blesser très gravement ».
Prison de Rennes-Vézin
En dépit des assauts répétés des représentants de l’État, le carnaval a tenté de continuer son voyage en ville, sa fête déambulatrice. Le cortège amoindri s’est reconstitué et a pu rejoindre l’esplanade Charles de Gaulle, à deux pas du paquebot dessiné par de Portzamparc, Les Champs libres, haut lieu culturel de l’agglomération rennaise. Mais là encore les gardes mobiles et les policiers de la Bac cassaient l’ambiance. Là encore de nombreux tirs et des nuages de gaz lacrymo ont empoisonné la vie des carnavaliers persistants. La dispersion pouvait finalement être constatée peu après vers République au terme de mouvements divers et d’une course ultime pour, dans les meilleurs cas, échapper aux tirs.
Souvent inspirés, les tags apparus sur les murs et les vitrines ont mis du baume au cœur, cependant l’interpellation de cinq personnes laissait un goût amer à cette journée. Non sans aplomb, l’officier responsable de la Bac déclarera au tribunal : « Les casseurs ne sont pas ici. Vous vous doutez bien que je ne vais pas envoyer mes gars interpeller des personnes potentiellement dangereuses. »
De fait, les trois prévenus (les deux autres interpellés ont été relâchés) sont à la barre pour n’avoir pas couru assez vite. L’un deux a été repéré par la Bac pour sa coiffure rasta, il a suffi qu’on le retrouve un peu plus loin, qu’on le voit « vraisemblablement » lancer une cannette, pour décider de l’appréhender. Comme il résiste un peu on l’accusera de rébellion, seul chef d’accusation au demeurant. Le procureur annonce clairement qu’il faut faire un exemple, il requiert 6 mois de prison ferme, et 2 ans d’interdiction de territoire des départements 44 et 35 (où réside le prévenu). La peine sera de deux mois ferme.
Prison de Rennes-Vézin
Tandis que le second inculpé était en train de se faire tabasser, d’autres policiers intervenaient près d'une marionnette géante représentant Manuel Valls et tentaient d’interpeller les gens autour. Un agent de la Bac tente un “kick” sur un jeune homme et se casse la figure, ses collègues rattrapent l’intéressé qui s’éloigne, ils le plaquent au sol et le molestent. Une femme sort de chez elle pour leur demander qu’on arrête de le frapper, elle est à son tour menacée par un policier. On peut voir cette scène sur une vidéo postée sur la toile. Mais la comparution immédiate ne laissera pas le temps de visionner au préalable ce genre de document. Là encore six mois ferme seront requis par le procureur. Sans compter les dédommagements pour les policiers soi-disant pris à partie. Lui aussi, sous le chef d’accusation de rébellion, il écopera de deux mois ferme. Avec mandat de dépôt pour les trois. Au terme de cette mascarade vengeresse, ils dorment désormais en prison. C'est avec le ventre noué que les nombreuses personnes venues soutenir des camarades malchanceux quittèrent le tribunal. Cependant que, bien sûr, le soutien s’organisait déjà.
En conclusion, on a condamné des militants auxquels on reproche clairement leurs convictions. Le procureur expliquera que toute personne ayant refusé de se disperser lors de la première charge policière se rangeait de fait dans le rang des casseurs. Que pense-t-il des personnes, étrangères à la cause zadiste, qui, révoltées par la brutalité policière, ont choisi d’accompagner le cortège à partir de ce moment ? Car il y en a eu. Le message de la répression voulue par les gouvernants est clair : chaque personne ayant des velléités de contester l’ordre établi autrement que par le biais du bavardage ou d'une activité oiseuse doit s’attendre à être considéré comme délinquante et ne pas s’étonner d’en subir éventuellement les conséquences, c’est-à-dire l’interpellation, l’incarcération, la mutilation par blessure, et même la mort (le cas de Rémi Fraysse est dans toutes les mémoires). Et si c’était cela aussi, ici conduit par les pouvoirs en place, le terrorisme !
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• À propos de l'usage des flash-ball, voir par exemple cet article de Libération, ici
• Blog du Comité ZAD de Rennes, ici
• Voir ce récit avec images, du banquet-carnaval sur le site Lundi matin, ici

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