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Billet de blog 7 févr. 2023

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Staline assassine en Europe - Deuxième partie

Les tueurs au service de Staline que nous avons présentés dans la première partie se mettent aux trousses de Léon Sedov, le fils de Trotsky. Nous verrons aussi que d'autres tueurs de Staline assassinent au même moment les révolutionnaires qui se battent dans la guerre civile en Espagne. Erwin Wolf, qui était le secrétaire de Trotsky en Norvège se propose d'aller en mission en Espagne...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

L’Assassinat d’Erwin Wolf

Dans la première partie, j’ai présenté l’équipe d’agents du NKVD de la rue de Buci à Paris. Nous allons les voir maintenant se mettre aux trousses de Léon Sedov, le fils de Trotsky. Ils vont le prendre en filature, installer des espions dans l’appartement qui jouxte le sien. Ils vont faire venir une équipe de spécialistes de Moscou pour voler des documents. Ils vont lui tendre deux guets-apens…

Nous allons aussi voir ce que devient le secrétaire de Trotsky Erwin Wolf. Nous avons vu qu’il s’est fait expulser de Norvège avant même que Trotsky soit contraint de partir pour le Mexique. Ce fils de bourgeois aurait pu vivre dans l’insouciance, le confort et le luxe mais, conscient des réalités, il a choisi de consacrer sa vie à la révolution socialiste. Il a payé le prix fort.

J’ai voulu lui rendre hommage. Je l’ai fait en reprenant des documents rassemblés par Pierre Broué. C’est donc, en même temps, un hommage à ce grand historien du mouvement ouvrier que je rends ici.

Jean Dugenêt, le 31 janvier 2023

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Les guets-apens d’Antibes et de Mulhouse

Le Groupe Mobile est sur les traces de Léon Sedov. Nous ne savons pas si le but est de l’assassiner ou de l’enlever. Les services secrets russes sont en effet capables d’enlever des personnes à l’étranger et de les transporter en Russie pour les torturer avant de les assassiner. Ils l’avaient notamment fait pour le général blanc Koutiepov qui avait été enlevé en France et transporté en Russie.

Renseigné par Zborowski, le Groupe Mobile apprend que Liova retient une chambre pour passer l’été de 1936 dans la Villa Marie. Cette pension de famille et gérée par Hélène Savanier qui l’avait hébergé provisoirement dans un atelier de peintre lors de son arrivée en France. Aussitôt, Renata Steiner retient aussi une chambre dans la Villa Marie. En même temps deux agents, du Groupe Mobile, Sergeï Efron et Dimitri Smirensky, retiennent un hébergement dans une pension voisine.

A peine arrivé, la jolie suissesse entoure Liova de ses attentions. Elle l’invite à nager avec lui au large, lui propose une promenade en bateau. Mais Liova est loin d’y prêter une grande attention. C’est en vain que Renata Steiner essaie de déployer tous ses atouts car Liova vit en secret une liaison passionnée avec Hélène, la gérante et propriétaire de la pension de famille. La pauvre Renata en est pour ses frais. Avoir un physique agréable ne suffit pas. Il lui manque un peu de personnalité, de charisme, comme on dit maintenant. Or, par comparaison, Liova la trouve fade. Dans une lettre à Hélène, en 1937, il évoque « la petite Suissesse de l’an dernier à l’air innocent et provincial », qui était, explique-t-il « venue pour ma précieuse personne avec d’autres encore ».

« D’autres encore » dit-il. Avait-il donc repéré la présence des deux « amis » de Renata Steiner ? Il reste sur ses gardes.

Finalement, la filature antiboise doit être interrompue avec le retour brusque de Liova pour Paris, à la suite de l'annonce du premier procès de Moscou (août 1936). Pendant ce séjour à Antibes, Liova a sans doute risqué de se faire assassiner ou kidnapper.

A partir de ce moment, Liova suit le premier procès de Moscou au jour le jour et prépare une riposte. Il analyse chaque aveu des accusés et cherche ce qui paraît improbable voire impossible. Quand le procès fut terminé, il était en mesure d’écrire tout un livre et c’est ce qu’il entreprit. Lola, sa collaboratrice-secrétaire raconte :

« Quand le procès (Premier procès de Moscou) fut terminé, Sedov commença à travailler à son Livre rouge. Il voulait donner une analyse détaillée du procès et démonter, avec des faits, tous les mensonges sur lesquels était bâti le procès de Moscou. C'était pour lui un dur travail et j'essayais de l'aider de mon mieux. Etienne (Zborowski) ne prit pas part à ce travail et je me souviens combien il était en colère. Ce ne fut clair que bien plus tard qu'il était furieux de ne pouvoir rendre compte au NKVD de l'avancement du « Livre Rouge ». Le Livre rouge fut d'abord publié dans le Bulletin de l’Opposition n°52/53, en octobre 1936, sous le titre « Le procès de Moscou est un procès contre Octobre ». Plus tard on l'appela Krasnaia Kniga (Livre rouge) et il fut traduit dans de nombreuses langues. »

L’étau se resserre autour de Liova à cette période. En septembre 1936, Pozniakoff, l’un des patrons du Groupe Mobile, fait louer un appartement pour Ducomet et Smirensky, au 28 rue Lacretelle c’est-à-dire juste à côté de celui de Liova qui est au numéro 26.

Raymond Molinier, dirigeant du PCI (l’une des deux organisations trotskystes) qui fait parfois le taxi voit un soir un collègue qui le précède charger Roman Well (Ruvin Sobolevicius), agent du NKVD désormais bien connu. Il les suit et voit le client descendre dans la rue Lacretelle et s’engouffrer dans le couloir du n°28. Cet agent du NKVD bien que démasqué depuis longtemps continue donc bien à travailler pour traquer Liova. Raymond Molinier soupçonne aussi Zborowski mais il ne peut guère convaincre Trotsky avec lequel il a des rapports difficiles. Trotsky craint que Molinier cherche à le contraindre à se séparer d’un précieux collaborateur.

Liova, bien évidemment ne sait pas qu’il a des voisins bien mal intentionnés mais il est alerté par un autre évènement : 80 kg de documents d’archives ayant appartenu à Trotsky ont été volés dans la nuit du vendredi 7 au samedi 8 novembre 1936. Ils ont été volés dans l’annexe parisienne de l'Institut international d'histoire sociale d'Amsterdam, rue Michelet où Lola et Zborowski travaillaient pour Liova. Les lettres entre Trotsky et Andrés Nin faisaient partie des documents volés. Liova les avait fait déposer dans cette institution, sur les instructions de son père, pour qu’ils y soient en sécurité. Les voleurs ont mis en œuvre une technique très perfectionnée qui nécessitait un matériel ultra-moderne. Seuls 4 ou 5 personnes savaient que ces documents étaient entreposés dans cet institut : le directeur de l’institut, Liova, Lola, Zborowski et peut-être van Heijenoort. Il est certain que c’est Zborowski qui a informé ses chefs mais Liova n’arrive pas encore à déduire que c’est lui la taupe.

Heijenoort est insoupçonnable. Cela ne fait que 4 ans qu’il a adhéré au trotskysme mais c’est un proche de Trotsky qui l’a embauché comme secrétaire et garde du corps dès son séjour à Prinkipo principalement parce qu’il maîtrise le français, le russe, l'allemand et l'anglais. Il a quasiment la même compétence que Liova et c’est par ailleurs aussi un grand mathématicien. Il aide Trotsky quasiment au même titre que Liova.

Zborowski, interrogé plus tard, a avoué que c’est lui qui avait renseigné ses chefs mais il ne savait pas qu’il y aurait ce vol et il a protesté auprès de son chef quand il l’a appris car ainsi ils l’avaient exposé au risque de se faire démasquer. Ce à quoi son chef répondit :

« Nous n'informons jamais nos agents subalternes du moment et de la manière dont nous nous apprêtons à organiser le vol de papiers qui nous sont nécessaires. Ils peuvent s'énerver et par conséquent se trahir d'une façon ou d'une autre. Quant au vol proprement dit, nous voulions le commettre précisément cette nuit-là, la nuit du 7 novembre 1936, pour faire un cadeau à notre chef pour l'anniversaire de la révolution d'Octobre »

L’opération a été entièrement menée par le service « Action » du NKVD dont le chef Pavel Anatoliévich Soudoplatov a été formé par Sergueï Spiegelglass. Il prendra d’ailleurs la place de Spiegelglass quand celui-ci sera éliminé. Une équipe de spécialistes dirigée par un agent nommé Iakov Isakovitch Sérébriansky est venue spécialement de Russie pour effectuer le vol.

Quelques jours plus tard, pendant l’enquête sur ce vol, Liova se rendant au palais de justice pour y témoigner remarque qu’un homme le suit. Il l’entraîne dans le palais de justice où il le fait arrêter mais l’affaire demeure sans suite, la plainte de Liova n’étant pas officiellement prise au sérieux. L’homme a cependant dû décliner son identité : Anatole Tchistoganoff. Il s’agit de l’agent « Lunettes » du Groupe Mobile.

Liova sait qu’il est dans le collimateur du NKVD. Il a de sérieux doute sur l’activité de la jolie suissesse « venue pour ma précieuse personne avec d’autres encore ». L’affaire du vol, où très peu de personne était au courant du dépôt des documents, a de quoi l’inquiétait. Il s’aperçoit maintenant qu’il est pris en filature. Mais, au-delà du problème de sa sécurité, il est aussi et surtout préoccupé par le premier procès de Moscou.

Liova afin d’alerter davantage l’opinion publique sur l’infamie de ce premier procès de Moscou veut organiser en Suisse un « contre-procès » c’est-à-dire une grande réunion où seraient exposés toutes les infamies : Ce procès ne repose que sur des aveux alors que rien ne garantit qu’ils soient « spontanés » bien au contraire. De sérieux arguments se font jour pour contredire certains faits avoués.

Trotsky lui-même suit l’affaire alors qu’il est en Norvège. Un avocat bâlois est mis sur l’affaire : maître Erwin Strobel. Léon Sedov se prépare à déposer des plaintes contre la presse stalinienne suisse à propos de ce procès. Il devait se rendre à Mulhouse aux environs du 20 janvier 1937 pour rencontrer l’avocat. Le Groupe Mobile en est averti à la suite des informations données par Zborowski. Renata Steiner qui sera arrêtée par la police suisse dans une autre affaire (assassinat de Reiss) avouera tout ce qu’elle sait sur ce guet-apens (Cahiers Léon Trotsky n°13 p. 5) :

« J'ai eu à m'occuper de M. Sedov en janvier 1937. A cet effet, je suis allée à Mulhouse environ quatre à cinq jours avec Bob et Marcel (Ducomet et Smirenski). Pour ce voyage, Marcel avait reçu les ordres nécessaires de Serge (Sergeï Efron). A Mulhouse, je suis descendue dans un petit hôtel, à droite en sortant de la gare dans une rue principale ; nous y avons pris chacun une chambre. J'ai dû donner mon nom. J'ignore sous quel nom Marcel est descendu à l'hôtel ; je ne l'appelais ou demandais après lui qu'en le désignant sous le nom ou l'appellation du « monsieur du n° X ». Bob est descendu dans un hôtel voisin d'un grand parc, à gauche en sortant de la gare. A Mulhouse, nous avons fait des surveillances à la gare. Marcel et Bob m'avaient dit que Sedov devait venir là, avec quelqu'un. Si M. Sedov était arrivé, Marcel m'aurait dit ce que j'aurais dû faire. Sedov n'est pas venu.

Dans cette ville, j'ai reçu deux télégrammes. Je savais que je devais recevoir des dépêches à mon nom là-bas. Marcel me l'avait dit. Ces dépêches ont été expédiées par Serge, comme je le suppose. La première disait à peu près ceci : « Restez toujours ». La seconde avait ce seul mot : « Rentrez ». Et nous sommes rentrés, les trois ensembles, dans le même compartiment de train. A Paris, il est probable que Marcel a fait rapport à Serge. (…) Pour mes missions à Antibes et Mulhouse, j'ai reçu environ deux mille francs. Des lors, je n'ai plus eu à m'occuper de M. Sedov. »

Smirensky confirmera dans ces termes :

« Serge nous avait donné l’ordre de nous rendre là-bas et d’y attendre l’arrivée, par un train de Paris de Sedov (…) Steiner, Ducomet et moi sommes partis pour Mulhouse, dans le même train. Dans cette ville, Ducomet est descendu à l’hôtel où devait se rendre Sedov, tandis que Steiner et moi avons pris deux chambres dans un autre hôtel ; pendant huit jours environs, nous avons surveillé le train de Paris, mais Sedov n’est pas venu »

C’est donc la deuxième fois que le Groupe Mobile tend un piège à Liova.

Par chance, Liova, malade, a décommandé le rendez-vous. C'était bien, en tout cas, au minimum, son enlèvement qui était prévu. Il aurait certainement été suivi d’un assassinat, probablement en Union soviétique, après un « interrogatoire poussé ». Quand Mark Zborowski sera inculpé, il expliquera (Cahiers Léon Trotsky n°13 »:

« Puis-je déclarer, Sénateur, qu’il ne m’a pas été donné la mission d’attirer Sedov dans un lieu où il serait assassiné. L’idée était, quand elle me fut exposée, d’attirer Sedov dans un lieu où, lui et moi, serions kidnappés pour être transportés en Union soviétique… »

Trotsky se réfugie au Mexique et les tueurs le suivent

Il a souvent été dit que Trotsky était indésirable dans les pays d’Europe parce qu’il voulait y faire la révolution. En réalité, c’est le plus souvent sous la pression de Staline que les pays d’Europe refusaient de l’accueillir. C’est particulièrement clair pour la Norvège. Trotsky va s’y trouvait particulièrement en difficulté à l’issue du premier procès de Moscou parce qu’il a été condamné à mort par contumace ainsi que son fils Léon Sedov. L’autre fils de Trotsky, Sérioja, resté en Russie a été emprisonné en décembre 1935 (ou janvier 1936) mais Trotsky ne l’apprend qu’au mois d’août. Il ne se mêlait pourtant pas de politique. Il s’occupait principalement de mathématiques et il était ingénieur.

Le gouvernement norvégien veut maintenir de bonnes relations diplomatiques avec le Kremlin et c’est pour cela qu’il trouve que la présence de Trotsky sur son sol devient dérangeante. Evidemment les staliniens norvégiens font campagne dans ce sens et ils exploitent l’affaire d’une agression fasciste pour expliquer que la présence de Trotsky est nuisible.

Cette agression s’est produite le 5 août 1936. Un commando de fascistes norvégiens avait pénétré dans la maison des Knudsen et avait tenté de s’emparer des archives de Trotsky. Ils se sont heurtés à la résistance déterminée de la jeune Hjordis et ils « ont dû battre en retraite devant l’arrivée des voisins en emportant tout de même quelques papiers » (Voir « Trotsky » de Broué p. 825). Un journaliste racontera plus tard qu’au cours d’une interview : « M. Trotsky étend ses bras pour montrer comment elle a bloqué le passage de la porte et il y a de l’admiration dans sa voix quand il dit : Une courageuse fille norvégienne ! Elle leur a fait peur ! »

Les ministres norvégiens avaient surtout peur de mettre Moscou en colère en autorisant Trotsky à mener sa défense en public. Dès le second jour du procès, Trotsky avait donné une interview publiée le jour suivant, le 21 août, en première page d’un journal à grand tirage sous le titre « Trotsky déclare que les accusations de Moscou sont fausses ». Il fut tout à coup privé de cette liberté de s’exprimer. Le 26 août, un jour exactement après la fin du procès de Moscou, deux officiers supérieurs de la police norvégienne passèrent chez lui pour lui indiquer que le Ministre de la Justice considérait qu’il avait commis une infraction contre les conditions fixées par son permis de résidence. Ils lui demandèrent de signer un engagement de ne plus s’immiscer à l’avenir, directement ou indirectement, oralement ou par écrit, dans les sujets de politique actuelle relatifs à d’autres pays.

Les ennuis recommencent. Trotsky a contre lui la pression diplomatique des staliniens, la haine des fascistes et la lâcheté du gouvernement norvégien.

Le 28 août 1936, ses deux secrétaires, Jean van Heijenoort et Erwin Wolf, sont expulsés brutalement de Norvège. Trotsky et Natalia, désormais seuls, sont transférés le 2 septembre dans un village à trente kilomètres d’Oslo, au bord d’un fjord, sous la surveillance permanente de treize policiers. Trotsky est quasiment placé en détention. Le 29 août, l’ambassadeur soviétique, avait remis à Oslo une note officielle demandant l’expulsion de Trotsky. La note insistait sur le fait que Trotsky utilisait la Norvège comme base de conspiration.

Le 20 décembre 1936, Trotsky et sa femme durent partirent à nouveau. Ils embarquèrent pour le Mexique. Le peintre Diego Rivera avait, de sa propre initiative, entamé des démarches auprès des autorités pour que Trotsky puisse y être accueilli. Il a obtenu l'appui du président mexicain Lazaro Cardenas qui offre l'asile politique à Trotsky.

Trotsky a quitté la Norvège le 19 décembre 1936 et il débarque au Mexique le 9 janvier 1937.

Deux mois plus tard, en mars 1937, les deux tueurs du Groupe Mobile de la rue de Buci, Martignat et Abbiate, sont en route pour Mexico. Ils font une escale à Cuba. Ils prennent un bateau à La Havane pour Vera Cruz. Ils font la connaissance sur le bateau d’un homme d’affaire américain, M. Caroll George Quinn qui s’est fait voler son portefeuille avec tous ses papiers. Les trois hommes sympathisent et ils continuent à se voir le soir à Mexico pendant plusieurs semaines avant que C. G. Quinn retourne dans son pays.

Erwin Wolf de la Norvège à l’Espagne

Nous allons voir maintenant ce qu’est devenu Erwin Wolf après son expulsion de Norvége mais nous allons commencer par le présenter car nous n’avons dit que quelques mots à son sujet. Le révolutionnaire belge, Vereeken, le décrit ainsi :

« Le visage plaisant et agréable, qui inspirait confiance des mots vifs et énergiques, une élocution facile qu'il utilisait pour défendre franchement ce qu'il considérait nécessaire à la cause et au mouvement (Dans : « Le guépéou dans le mouvement trotskyste ») ».

Voici quelques extraits de la présentation que Pierre Broué donne de lui. (Voir : « Quelques proches collaborateurs de Trotsky » dans les « Cahiers Léon Trotsky n°1 ») :

« II était né en décembre 1902 à Reichenberg (Liberec) en pays sudète d'une famille de riches commerçants juifs (« Wolf und Sohn, Kolomalwaren-Grosshandlung »). Citoyen tchécoslovaque il ne semble pas avoir milité dans son pays d'origine. II avait mené des études supérieures de fils de riche, à Berlin, Paris, Oxford. II avait eu des sympathies pour le « Front de gauche » en pays sudète, mais n'avait jamais appartenu à un parti ouvrier, ce qui était rare à l'époque parmi les membres de l'Opposition de Gauche. C'est en 1932, alors qu'il étudiait à Berlin, qu'il avait adhéré à cette dernière. Après la victoire d’Hitler il décida de ne pas revenir en Tchécoslovaquie, mais d'émigrer à Paris où il arriva en mars 1933. Refusant les sollicitations de son oncle Heinrich, établi aux Etats-Unis, qui voulait lui faire faire à Columbia un doctorat en « business », il décida de devenir militant professionnel. Après une année où il était inscrit en Sorbonne, en statistiques, et où il dirigeait, avec la compagne d'Ackerknecht, un petit atelier de conception de bijoux, un accord avec son frère, qui acceptait de lui racheter sa part d'héritage lui assura l'indépendance matérielle et lui permit de se consacrer à plein temps à l'activité politique. C'est sans doute en 1933 qu'il fut coopté à la direction de l'IKD à l'étranger, sans avoir jusque-là joué de rôle particulier (…). »

Erwin Wolf partage tous les combats de Trotsky lequel veut surtout convoquer une conférence de fondation de la IVème internationale. Il espère rassembler des courants qui ont été partie prenante de la lutte pour la révolution socialiste mais dont certains tendent à s’éloigner de sa politique. Il faut pour cela les convaincre de changer de cap. Ce sont notamment les espagnols du POUM  dirigés par Andrés Nin, mais aussi les hollandais qui sont avec Sneevlet et les belges qui sont avec Georges Vereeken. Il a aussi bien des difficultés avec les deux organisations françaises qui se déchirent sur plusieurs points sans que les désaccords soient toujours clairs. Erwin publie à ce sujet une brochure intitulée « L’organe de masse » sous le pseudonyme de Nicolle Braun. Trotsky écrit la préface. Pour participer à la conférence de fondation, il faudra que chacun choisisse entre le centrisme ou la lutte révolutionnaire. Il faut agir sans sectarisme mais sans céder à l’opportunisme. Seuls ceux qui s’engagent résolument sur la voie de la lutte révolutionnaire pourront participer à la fondation de la IVème internationale. Trotsky est amené à prévoir deux étapes intermédiaires : la « pré-conférence de Berne » qui préparera elle-même la conférence dite « de Genève » (Voir le texte « Pour une préconférence »). Erwin participe au travail préparatoire avec Trotsky et deux militants américains : Walter Held et Max Shachtmann. Il quitte Honefoss en juillet pour se rendre à la conférence de Genève où il est élu au SI (Secrétariat International).

Il rentre ensuite en Norvège au mois d’août en même temps que Van Heijenoort mais ils sont expulsés tous les deux peu de temps après. Ils sont arrêtés le 26 août et expulsés le 28. Quand Erwin arrive à Copenhague, il est à nouveau arrêté. Le gouvernement du Danemark cède aux mêmes pressions que celui de Norvège. Il leur suffit de dire que si Erwin a été expulsé de Norvège c’est qu’il a fait quelque chose de mal et, qu’en conséquence, il faut aussi l’expulser du Danemark. Erwin va alors en Angleterre où il est resté quelques mois.

De sa propre initiative, il mène campagne contre les procès de Moscou en publiant des articles notamment dans le Manchester Guardian. À la nouvelle du deuxième procès de Moscou, le 21 janvier 1937, il envoie à ce journal une lettre dans laquelle il disait qu’il était prêt, en sa qualité d’ancien secrétaire de Trotsky, à comparaître devant tout tribunal qui lui garantirait les moyens de se défendre. Le 17 février 1937, il fait parvenir au même journal une preuve flagrante que les aveux des accusés sont faux sur un point précis. Piatakov a affirmé qu’il s’est rendu en Norvège en avion pour comploter avec Trotsky. Connaissant bien les conditions matérielles de la vie en Norvège, Erwin a été en mesure de prouver qu’il était impossible qu’un avion atterrisse sur les aéroports désignés car les pistes sont gelées à cette époque. Dès lors Erwin est devenu une cible pour le NKVD de même que Léon Sedov qui, pour sa part, rassemblait des arguments dans son « Livre Rouge » contre les procès de Moscou.

Erwin Wolf s’installe ensuite à Bruxelles choisi comme siège pour le SI (Secrétariat International).

Illustration 2

La question espagnole est abordée de multiples fois dans les réunions du SI.

Depuis que Franco a lancé son offensive militaire en juillet 1936, c’est la guerre civile. Le gouvernement de Front populaire a refusé d’armer les travailleurs. Les socialistes et les staliniens cherchent la conciliation avec les militaires et proposent qu’un gouvernement de compromis succède au gouvernement de Front Populaire. Mais la mobilisation populaire est en marche. Le 17 juillet, à Barcelone, les militants de la CNT commencent à s'armer, dans les arsenaux et les chantiers navals. Leur détermination fait basculer de leur côté la garde Civile et la Garde d'Assaut, obligeant les militaires à capituler. Le gouvernement se décide enfin à donner des armes pour compléter le premier armement de la population. Des milices ouvrières en arme interviennent à Madrid, à Valences… Le pays se trouve couper en deux zones à peu près égales l’une aux mains des nationalistes et l’autre aux mains des républicains. C’est la révolution dans la moitié de l’Espagne. Les travailleurs procèdent à de nombreuses nationalisations d’usines. Ils exproprient les biens du clergé. Les paysans collectivisent les terres…

Mais la guerre civile ne se limite pas à la lutte entre le camp des républicains et celui des troupes de Franco. A l’intérieur du camp des républicains c’est aussi la guerre entre d’un côté les réformistes et les staliniens et, de l’autre côté, les anarchistes, les trotskystes et les militants du POUM. Réformistes et staliniens font tout ce qu’ils peuvent pour contrôler puis briser l’élan révolutionnaire. Ils ont en commun de vouloir que les conquêtes ouvrières se limitent à des conquêtes démocratiques dans le cadre du capitalisme en recherchant donc une alliance avec la bourgeoisie « démocratique ». Toute tentative de sortir de la démocratie bourgeoise était, de leur point de vue, non seulement prématuré mais encore funeste. Il fallait certes lutter contre Franco mais sans faire de révolution. Ils s’opposent donc aux conquêtes purement socialistes réalisées, dans les faits, par les travailleurs. En voulant rester dans les limites de la démocratie bourgeoise, ils s’opposent à la révolution.

Mais dans le camp de ceux qui s’opposent aux staliniens apparaissent aussi de profondes divergences. La rupture entre Trotsky et Andrès Nin est consommée. Les propositions « entristes » de Trotsky ont été refusées et la « gauche communiste » (Izquierda comunista) est entrée dans le POUM. La signature du pacte électoral des gauches par Andrade, au nom du POUM, a consacré la rupture. Le fameux article de Trotsky sur « la trahison du POUM » confirme cette rupture. Le POUM est maintenant considéré par Trotsky comme une organisation centriste. Pour mener à bien la révolution en Espagne, il faut regrouper les Bolcheviks-Léninistes dans une autre organisation. Rappelons qu’à l’époque les trotskystes revendiquent l’appellation « Bolcheviks-Léninistes ». Ce sont les staliniens qui parlent alors des « trotskystes ».

Le GBL groupe espagnol des bolchéviks-Léninistes est dirigé par l’allemand Hans David Freund qui a pour pseudonyme « Moulin ». Comme beaucoup de Bolchéviks-Léninistes, et autres militants voulant exprimer activement leur solidarité avec la révolution espagnole, il est venu en Espagne après les journées révolutionnaires de juillet 1936. Au début de 1937, Moulin se trouve à Barcelone, où il tente d'unifier les deux groupes trotskystes : « El Soviet », dont le dirigeant est Bartolomeo, et « Voz Leninista », dont le dirigeant est Grandizo Munis. Même en rassemblant ces deux groupes, la section reste minuscule.

Pierre Naville insiste pour qu’un délégué du SI soit envoyé en Espagne : «Si Moulin, le dirigeant effectif du groupe Bolchévik-Léniniste de Barcelone, s'est bien développé dans les derniers temps il manque toutefois d'expérience, il fait trop de gaffes et a des tendances ultragauchistes ». Il faut donc envoyer un membre du SI sur place pour aider à la réorganisation et à la réorientation de la section Bolchevique-Léniniste. De multiples propositions sont faites puis écartées entre la réunion du 5  janvier 1937 et celle du 20 février : le belge Georges Fux a dû se désister pour des problèmes de santé et parce que son parti (le PSR) a besoin de lui. Plus tard, trois noms sont proposés : Leonetti, Blasco et David Rousset mais ce seront trois refus pour diverses raisons. Ensuite, Walter Dauge sera aussi pressenti mais ce sera un nouveau refus. L’idée d’envoyer Jean Rous est écartée d’un commun accord car il est jugé « indispensable » en France.

Le procès-verbal de la réunion du SI du 7 mars 1937 résume en ces termes les discussions et les conclusions sur la situation des révolutionnaires en Espagne :

«Les trois camarades présents sont d'avis que, dans la situation actuelle en Espagne et vu l’état de nos forces, il n'est pas possible de créer dans un bref délai, par un travail indépendant, le parti révolutionnaire. Ils recommandent donc aux BL (Bolchéviks-Léninistes) d'Espagne d'entrer, sans accepter des conditions de capitulation, dans le POUM pour y œuvrer pour la IVe Internationale (pour que le POUM ou une importante aile gauche se mette sur les positions de la IVe). Ceux des camarades qui ne sont pas admis, sauf à des conditions inacceptables, devront continuer la propagande publique pour la IVe, en exigeant leur intégration dans le POUM et, sans vouloir créer immédiatement un parti révolutionnaire, en arrachant un à un les militants du POUM. Ils feront connaitre la voix de la IVe publiquement en Espagne par un organe propre. Il faut en Espagne combattre la direction du POUM sur le plan politique, mais pas encore rivaliser avec elle sur le plan des organisations indépendantes »

En d’autres termes, les camarades qui peuvent être admis dans le POUM sans avoir à se renier y entrent pour faire du travail de fraction tandis que les autres assurent la façade publique de la lutte pour la IVème internationale. Il reste à convaincre les militants de suivre cette orientation en Espagne.

Dans sa réunion du 17 avril 1937, le SI semble dans l’impasse puisqu’il n’a toujours pas trouvé un délégué à envoyer en Espagne.  C'est alors qu'Erwin Wolf prend la parole, pour se proposer d’y aller. Il est parfaitement conscient que la mission est dangereuse et qu’il risque de ne pas revenir. Son nom est désormais connu. Il est assurément dans la ligne de mire des staliniens car son article prouvant que les aveux des accusés des procès de Moscou sont faux a fait le tour du monde. Il prend la précaution de confier ses archives à un vieux militant.

Erwin Wolf en Espagne

Il prépare son départ minutieusement. Il a pris une couverture solide. Il se présente comme un correspondant du News Chronique. II fait part de sa décision par lettre à sa compagne. Il est certain qu’elle va le rejoindre et que sa présence lui sera précieuse. Il ne lui dissimule pas qu'il s'est porté volontaire parce d'autres, plus aptes à une telle mission, n'ont pas eu la possibilité de l'accepter. II précise qu'il aura traversé les Pyrénées clandestinement pour le 1er mai.

En fait, le 15 mai, une information parvient au SI disant qu’Erwin et Grandizo Munis sont ensemble et qu’ils n’ont pas pu franchir la frontière.

Dans l'intervalle, à Barcelone, l’insurrection spontanée des « journées de mai 1937 » contre le pouvoir et les provocations d’une police infiltrée par les hommes de Staline a ébranlé la ville qui est couverte de barricades. Portés par cette explosion de colère les anarchistes, les militants du POUM et les trotskystes se battent les armes à la main contre les staliniens. Mais, les staliniens finissent par l’emporter et, c’est dans ce contexte, que le NKVD se livre à de multiples meurtres et parfois à des enlèvements pour que les victimes soient torturées en URSS. Cette répression stalinienne en Europe fut la plus importante.

C’est à ce moment qu’Erwin Wolf arrive à Barcelone. Pierre Broué précise :

« Il arrive à Barcelone, avec sa jeune femme, au lendemain des journées de mai, parfaitement conscient, comme l'attestent ses lettres, du danger mortel qu'il court en pleine répression stalinienne contre les révolutionnaires en Catalogne. Nous savons qu'il y fut actif, rédigea plusieurs rapports, dont celui du 19 juillet, et vraisemblablement aussi le manifeste des BL (Bolcheviks-Léninistes) espagnols pour le premier anniversaire de la révolution. Paul Thalmann l'a rencontré dans un café du Barrio Chinon, avec l'espagnol Munis et l'allemand Freund, dit Moulin, et le décrit, très optimiste, trop « orthodoxe » à son goût, mais conciliant dans la forme. »

Broué rapporte ce que fut son action en Espagne et il explique comment il a disparu pour être assassiné par le NKVD : (Voir « La mission de Wolf en Espagne » dans « Les Cahiers Léon Trotsky n°10 »).

« C’est vraisemblablement vers la fin du mois de mai que Wolf est arrivé à Barcelone et c’est peu après que s’est tenue la première assemblée générale du groupe dont il rend compte dans une lettre datée du 6 juillet. II a fait le compte des présents : 23 militants dont 17 Espagnols. Beaucoup d'étrangers sont repartis. II y a une quinzaine de militants au front, aucune communication avec ceux de Madrid ; à Barcelone, il n'y a en permanence que 17 militants dont 5 étrangers, au total une dizaine d'actifs seulement. (…)

Le 19 juillet d'ailleurs, la section bolchevique-léniniste espagnole publie un tract dont Wolf a sans doute été le rédacteur : à la fois manifeste et programme d'action, dont la presse trotskyste mondiale va reproduire de larges extraits. (…) Dès cette époque, Wolf avait sans doute compris que le piège était en train de se refermer sur lui.

Il est probable qu'à cette date Wolf commençait à préparer son retour : sa mission de trois mois touchait à sa fin, il avait fait ce qu'il devait faire et demeurer plus longtemps était encourir des risques inutiles. Son départ était d'autant plus nécessaire qu'il venait d'apprendre que le petit journal qui lui servait jusqu'à présent de mince couverture légale pour son séjour de « journaliste », le « Britannique Spanish News », venait de disparaitre. Wolf et sa femme avaient fixé leur départ au 31 juillet.

Le 27, il fut arrête, à la terrasse du café La Rambla, amené à la police pour interrogatoire, mais relâché le lendemain, sans que les enquêteurs aient découvert qu'il s'agissait du secrétaire de Trotsky, ce qu'ils découvrirent peu après l'avoir relâché. Le jour prévu pour son départ, il reçut un nouveau message de l'homme avec qui il avait été arrêté, un journaliste qu'il avait connu à Barcelone, le Dr Georges Tioli, qui était lié à une camarade d'enfance de Hjordis et servait de « boite aux lettres » depuis quelques semaines. II alla à ce rendez-vous et y fut arrêté. C'était cette fois définitif et sans retour : jamais sa compagne ne parvint à tirer des autorités espagnoles une seule information le concernant.

Comme on sait, le militant suisse Paul Thalmann apprit fortuitement sa présence dans la prison privée de la Puerta del Angel où il était lui-même détenu début août. La légation d'Espagne à Prague annonça officiellement à sa sœur, citoyenne tchécoslovaque aussi, que, selon les informations qui lui avaient été fournies par le directeur de la sureté, Wolf avait été remis en liberté le 13 septembre. II ne devait jamais reparaitre et le mystère ne s'est jamais dissipé à son sujet. C'est à peu près à la même époque, en janvier 1938, que les informations recueillies « officiellement » par un député socialiste français indiquaient que Wolf était « détenu » et accusé d'avoir pris part aux journées de mai. Par ailleurs une dépêche de presse se faisait l'écho de rumeurs persistantes à Moscou selon lesquelles il avait été fusillé à Moscou, en même temps que l'ancien consul général Antonov-Ovseenko, à l'issue d'un procès à huis dos. Les efforts désespérés de Hjordis pour obtenir d'autres informations devaient demeurer vains. Le sort précis d'Erwin Wolf n'a jamais été connu bien qu'il soit évident qu'il fut liquidé par le GPU Le responsable allemand du GBL (Groupe Bolchévik-Léniniste), Freund-Moulin connut, on le sait, le même destin.

Plus heureux, Munis, Carlini et les autres BL du groupe espagnol, bien qu'inculpés d'avoir assassiné un agent du GPU échappèrent finalement à leurs assassins. L'émotion provoquée par l'assassinat de Wolf ne dépassa pas la frontière de son organisation. « 

La blonde norvégienne « aux yeux d’enfant », Hjordis Knudsen avait réussi à se sauver en France quand son mari avait été arrêté. Liova l’a revue et il sait qu’Erwin a été assassiné mais il sait aussi que Hjordis ne peut pas accepter cette vérité. A son retour d’Antibes, Liova raconte à Hélène Savanier qu’il a rencontré Hjordis à Paris.

« Hier je suis sorti, pour la première fois, je crois, depuis mon retour de la côte (que j’ai toujours aimée et dont maintenant je suis amoureux). Nous avons été (naturellement) à l’Exposition ; la famille et une jeune camarade, une ravissante blonde aux yeux d’enfant. Elle est la compagne d’un ami à moi, perdu, enlevé par le GPU. Si je suis sorti, c’est pour la faire sortir un peu, la distraire. Cela était bien pénible, la pauvre enfant ne se rend pas compte de la situation (que je considère sans espoir aucun), elle ne comprend pas parce qu’elle ne peut pas comprendre cette chose terrible pour elle. »

Erwin Wolf a été emporté dans cette vague de répression stalinienne qui fut la plus importante hors de l’URSS. Il n’est pas possible d’en rendre compte dans le cadre de cet article. Il faut lire à ce sujet l’article de René Revol, « Procès de Moscou en Espagne » (Cahiers Léon Trotsky n°3). Il écrit notamment à propos de cette répression :

« Le premier intérêt de ces ouvrages (Il s’agit de plusieurs livres de Julian Gorkin et d'Andres Suarez) est de rappeler au lecteur l’ampleur de la répression stalinienne, la plus importante, sans aucun doute, de celle qui s'est abattue en ces années sur l'avant-garde révolutionnaire en dehors de l’URSS. La liste est longue en effet des victimes de Staline en Espagne : outre Andres Nin dont nous reparlerons, Kurt Landau, militant autrichien qui avait rejoint le POUM , les anarchistes Camillo Berneri et Alfredo Martinez, Marc Rhein, le fils du dirigeant menchévik russe Abramovitch, les trotskystes Hans Freund (Moulin) et Erwin Wolf, ancien secrétaire de Trotsky, tous enlevés et assassinés dans l'ombre. Dans l'armée, pendant la période d'instruction du procès, les militants du POUM  sont fusillés après des jugements expéditifs par des parodies de conseils de guerre ; parmi eux, l'ancien commissaire de guerre de Lerida, Marcial Mena, l'instituteur syndicaliste Jaime Trepat, Juan Hervas, l'ancien secrétaire de l'Ecole unifiée de Catalogne, Jose Maria Arenillas, militant basque dont Franco exécuta le frère au garrot. »

Ajoutons à cette liste, le correspondant du Manchester Guardian à Barcelone, Tioli.

Voici quelques précisions à propos de certaines victimes :

  • Le jeune socialiste Marc Rhein, fils d’un membre russe du Comité Exécutif de l’Internationale Socialiste. Son exécuteur et bourreau, nommé Orlov, sera lui aussi amené à rompre avec le NKVD pour sauver sa peau.
  • Le leader du POUM (Parti Ouvrier d’Unification Marxiste), Andrès Nin. Il avait vécu dix ans à Moscou et appartenu aux milieux dirigeants de l’Internationale des Syndicats Rouges.
  • Le journaliste et militant autrichien, Kurt Landau, connu comme un vieux communiste opposant.
  • Hans Freund (dit « Moulin »), né le 12 mars 1912 à Benzlau en Allemagne, était l'un des principaux dirigeants Bolchéviques-Léninistes en Espagne. Il réussit à échapper au NKVD pendant plusieurs mois après les journées de Mai. Il est arrêté par eux le 2 août dans le déchaînement de répression à Barcelone et disparait sans laisser de traces, vraisemblablement assassiné dans une « prison privée » du NKVD si l’on en croit un témoignage parvenu à sa famille (voir « Cahier Léon Trotsky n°3 » p.135).

C’est dans ce contexte et avec leurs objectifs que les staliniens ont choisi d’assassiner Erwin Wolf.

Cet assassinat n’a pas impliqué le Groupe Mobile de Paris. Il a été commis, comme les autres, par les nombreux tueurs du NKVD qui opéraient alors en Espagne. Cependant, ils ont très probablement été informés de l’arrivée d’Erwin Wolf par Zborowski. Nous reparlerons de cette filière espagnole du NKVD puisque ce sont eux qui ont recruté Ramon Mercader, l’assassin de Trotsky. A cette époque, les tueurs et les tortionnaires du NKVD se déchaînent en Espagne.

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Dans la troisième partie, les tueurs de la rue de Buci se mettront à la chasse d’un autre révolutionnaire : Ignace Reiss. Staline a décidé qu’il fallait qu’il se taise,  définitivement.

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