En préambule, pour écarter les soupçons de corporatisme, l’Association des Inventeurs Salariés (AIS) est bien évidemment favorable à tout ce qui peut améliorer la vie pratique des entreprises et les conditions de travail de tous. Le chômage de masse et l’absence de perspectives pour les jeunes ingénieurs et techniciens sont des inquiétudes que l’association partage pleinement.
Mais est-ce le vrai but de la loi dite « Travail » ? Non à l’évidence
Le cœur idéologique de cette loi consiste à transformer le droit du travail. Celui-ci repose actuellement sur la loi votée par les représentants du peuple, avec un code regroupant un nombre important de règles diverses qui ensuite peuvent être améliorées spécifiquement par des accords de branches puis par des accords d’entreprise. L’idée est de remplacer l’ancien dispositif par un droit législatif limité à des mesures d’ordre public type norme de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) et par un droit formé de normes négociées dans les entreprises entre partenaires sociaux.
Désormais tout pourra être renégocié « à la baisse », et probablement pas à la « hausse », dans la limite des dispositions d’ordre public citées précédemment et qui se limitent à de grands principes propres aux pays développés. C’est d’ailleurs un coup porté à notre droit social, ce qui n’est pas si nouveau puisque pratiqué par petites touches par l’ensemble des gouvernements et par les organisations patronales depuis au moins 2003, comme le rappelle l’article de synthèse de Cédric Mas *
L’Association des Inventeurs Salariés n’a pas la prétention de donner des leçons de droit social au gouvernement, mais force est de constater que les syndicats de salariés et les associations patronales (MEDEF et AFEP) n’ont pas de maturité pour ce changement radical.
L’expérience des inventeurs salariés montre que les accords ou règlements d’entreprises sont dans leur immense majorité mal ou pas négociés par les syndicats de salariés, avec des rémunérations supplémentaires ridicules, ce qui a pour conséquence une démotivation et des conséquences catastrophiques pour l’économie française. Dans les PME c’est encore pire : dans la plupart des cas, c’est le fait du prince qui s’applique.
Quant au cas des inventions hors mission attribuable, l’expérience de notre association, l’AIS, montre une quasi « spoliation » des inventeurs par les entreprises avec un rapport de force analogue à celui du pot de fer contre le pot de terre et cela aussi bien dans les entreprises privées que dans les entreprises publiques type SNCF où les syndicats sont bien présents mais se désintéressent de toute propriété industrielle.
Au lieu de jouer à l’apprenti sorcier, le gouvernement devrait déjà faire appliquer les lois actuelles, et comme dans le cas des inventeurs salariés quand la loi n’est que marginalement appliquée, agir par une loi efficace en s’inspirant de ce qui fonctionne avec succès à l’étranger, depuis des lustres. Le gouvernement devrait, dans son rôle régalien, s’assurer que le système actuel fonctionne avec une véritable démocratie dans le dialogue social au sein des entreprises, système qui pour le moment est tout sauf démocratique.
Le gouvernement devrait s’attaquer aux vrais problèmes des entreprises françaises à savoir le poids des charges, le poids de l’administration (seuils et interlocuteurs trop nombreux), les délais de paiement trop long des grandes entreprises, de la frilosité des banques et la faiblesse chronique de l’investissement privé. Sur ces sujets, sans parler de la problématique des inventeurs salariés, il n’y a absolument rien dans la loi dite « travail ».