Perspectives du XXIIe siècle (32) : projections de résistance
- 18 janv. 2021
- Par Jean-Jacques Birgé
- Blog : Miroir de drame.org
Le virus mute, la liberté d’expression aussi. À l’époque de l’ancien bloc soviétique, on invitait ses amis à des séances artistiques de samizdat underground. Avec la dictature de la pandémie, Jean-Jacques Birgé montrait son film chez lui selon les règles de la morale sanitaire actuelle : rendez-vous pris par Internet. Huit places par séance maximum. Projection continue pendant trois jours aux heures de l’avant-couvre-feu. Ce n’était pas une fête, mais bien un RV local pour voir le film/vidéo/musique/événement/virtuel/folk/pop/jazz/free/image. C’était super. JJ sauve la mentalité créative d’avant le Covid-19 dans une formule spéciale échantillonnée de différentes histoires qui vont des documents folk du musée d’ethnographie musicale de Genève aux fanfares free, synthés trapus et obsessions musicales.

JJ est un musicien obstiné. Il est en train de muter vers une nouvelle direction qui me plaît. Moi, je ne fais plus de disques, ça ne sert à rien à part perdre de l’argent. Plus personne n’écoute de disques sous la forme CD (à part les bons vieux classiques achetés il y a mille ans si le lecteur n’est pas encore tombé en panne). À la place je fais des vidéos enregistrées n’importe comment et je les diffuse sur ma chaîne YouTube. JJ lui, fait une œuvre vidéo musicale avec l’aide de brillants vidéastes qui pourrait être comparables aux films d’artistes très valorisés que l’on voit à Beaubourg et dans toutes sortes de musées. JJ a d’abord fait un CD, « Perspectives du XXIIe siècle », puis il a combiné les 16 pièces du disque en une vidéo d’une heure. D’autres gens l’ont déjà fait auparavant bien sûr, mais avec la musique créative de notre époque merdique il bascule dans une voie nouvelle et nous montre une direction intéressante. La mutation du virus créatif n’est qu’au début.

JJ pourrait tout à fait transformer ses intertitres (conçus comme à l’époque du cinéma muet) par des intertitres racontant au hasard « cent mille milliards de poèmes » comme un Queneau de l’époque numérique. L’intelligence artificielle réglée en random sortant chaque fois au hasard un commentaire narratif différent. Du coup l’esthétique free pourrait déboucher sur une sorte de jeu paravidéo ouvrant les méninges. Excusez cette chronique non critique. J’ai abandonné la critique « pro » depuis longtemps. Je déteste cette façon de causer de son ego masqué. Moi et mon ego sommes enchantés par l’œuvre de JJ. Les œuvres marquantes donnent envie de se remettre soi-même à créer en attendant le siècle XXII. Si vous souhaitez partager cette chronique, merci d'utiliser ce lien : http://etiennebrunet.fr/chronique-du-xxiie-siecle
Photographies de l'écran par Étienne Brunet dans la salle de projection :
Ensemble Ratatam (John Sanborn), Renaissance (Jean-Jacques Birgé), Aksak Tripalium (Sonia Cruchon)
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