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Billet de blog 17 août 2021

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Talibans: Nous les avons tant aimés

L'image a frappé le monde, un hélicoptère américain évacuant son personnel diplomatique de l'ambassade de Kaboul, rappel tragique de celle d’Avril 1975 et de l'évacuation de la même ambassade à Saïgon, au Vietnam. Pourtant nous les avions tant aimés, non les hélicoptères, mais les talibans et le nom qu'ils portaient alors, celui de moudjahidine.

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par Jean Casanova

Vous nous pardonnerez certainement ce petit clin d'œil à l'inoubliable film d'Ettore Scola, C'eravamo tanto amati (Nous nous sommes tant aimés).

Kaboul tombée aux mains des talibans (il y a bien longtemps, on les appelait moudjahidines). Les talibans sont entrés dimanche matin dans la ville. Retrouvant le pouvoir au terme de 20 ans d'intervention militaire américaine et européenne, deux fois plus longue que celle de l'intervention soviétique et qui aura coûté des milliards de dollars et la vie à des milliers de soldats américains. Sans compter celle de dizaines de milliers de civils.

L'image a frappé le monde, un hélicoptère américain évacuant son personnel diplomatique de l'ambassade de Kaboul, rappel tragique de celle d’Avril 1975 et de l'évacuation de la même ambassade à Saïgon, au Vietnam.

Pourtant nous les avions tant aimés, non les hélicoptères, mais les talibans et le nom qu'ils portaient alors, celui de moudjahidine. Et, pour cela, avons recherché dans nos archives, du côté du Monde Diplomatique daté de Février 2016.

Étiez-vous vous aussi tombés dans le panneau ? C'était au tout début de l'année 1980. Si oui, quelle cruelle désillusion aujourd'hui ! Mais avant d'aller plus loin, quelques éclaircissements sur le sens de cette locution, « tomber dans le panneau ».

Le code de la route n'a rien à voir avec cette expression si courante « tomber dans le panneau » : être dupé à cause de sa crédulité. Elle remonterait au Moyen-Age et viendrait du langage cynégétique, celui de la chasse. A cette époque, les « panneaux
» désignaient des morceaux d'étoffe tendus verticalement entre deux arbres pour y attraper le petit gibier, vous en faisiez partie, lièvres et pigeons ou tourterelles qu'on y avait rabattus en faisant grand tapage, disons tohu-bohu. L'expression s'apparente à cette autre, issue elle aussi de la chasse, « tomber dans les filets ». Mais cette dernière s'utilise plutôt aujourd'hui pour désigner une victime de la séduction. Dans le panneau, c'est plutôt de sa sotte crédulité que l'on est victime.

On avait alors cherché à vous abuser, malheureuses et crédules créatures. C'était au début des années 80. Vous en êtes largement revenus depuis et la fée Amnésie vous ayant touchés de sa baguette, vous n'en avez plus souvenir. Au point d'ailleurs que beaucoup d'entre vous continuent à accorder crédit aux enchanteurs Merlin de ces années - là, nous vous en donnerons les noms dans quelques lignes

Pour vous délivrer du sortilège, nous vous renvoyons aujourd'hui à la lecture des pages 14 et 15 du Monde Diplomatique (Février 2016), l'avez- vous encore dans vos archives, ces belles pages intitulées : Quand les djihadistes étaient nos amis.

Vous trouverez là quelques extraits du florilège de notre presse écrite et audiovisuelle de ces années, au lendemain de ce qui était nommé, avec toute l'angoisse que l’abominable formule pouvait charrier, « l'invasion soviétique de l'Afghanistan » en Décembre 1979. Quelques extraits donc. Honte et mépris à leurs auteurs, car, plus qu'à leur anticommunisme, ces mots renvoient à leur perversité.

- « Comme en 1936, nous avions avec les Brigades Internationales un devoir d'ingérence en Espagne, nous devons aujourd'hui nous ingérer dans les affaires intérieures afghanes. » (Bernard Henri Lévy - TF1, encore chaîne publique, le 29 Décembre 1981).