Dans le nid de coucou
Thanasis Karteros, le 25/04/2015
Il pourrait s’agir aussi bien d’une discussion dans l’aile réservée d’un hôpital psychiatrique. Un hôpital européen, doté même de toutes les normes modernes. De quoi voulons-nous parler ? Prenons les choses par le commencement : « Dépêchez vous de conclure un accord avec nous, les créanciers », disent les créanciers. Bien. « Et pourquoi nous dépêcherions nous ? -Parce que vous manquez d’argent ». Bien, bien, admettons. « Et pourquoi manquons-nous d’argent ? -Parce que nous ne donnons pas l’argent que nous étions tenus de donner il y a un bon bout de temps ».
Allez, dis moi, toi qui ne perds jamais ton calme : est-ce que ce ne sont pas des scènes toutes tirées du nid du coucou ? Nous vous étranglons, tout en vous avertissant que sous peu la mort arrivera. Nous vous tenons la tête sous l’eau, tout en vous avertissant de votre noyade imminente. Nous vous bombardons de coups, tout en vous avertissant que sous peu vous crèverez. Si vous ne vous dépêchez pas. Encore et toujours si vous ne vous dépêchez pas. Vite, un accord avec nous !!!!!
Voilà pour une vue d’ensemble du problème. Mais le plus beau, c’est que les nôtres, ici, ceux d’avant, les gens de la Rivière, les Leonidas des réformes répètent tous la même chose. Tous en chœur, avec fifres et trompettes, au milieu des cris et des chuchotements. Dépêchez vous de conclure un accord. Et pas un pour montrer la moindre inquiétude sur le fait que jusqu’à la conclusion de l’accord, ils nous gardent prisonniers dans leur asile. De quoi nourrir le soupçon qu’en parlant d’accord, ils pensent camisole de force.
Seulement voilà, leur camisole, nous l’avons déjà essayée. Sans compter toutes leurs méthodes barbares, les électrochocs, les bains glacés. Et la « rationalité » qui en a découlé, nous l’avons vécue et nous la vivons toujours. Pourquoi diable les psychiatres, les gardiens, et bien sûr la cruelle infirmière Mildred, s’en tiennent-ils, toujours et toujours, aux mêmes obsessions ? Eh bien parce qu’à l’évidence, comme dans le film mentionné, la question n’est pas de soigner. Elle est de faire plier le malade, qu’il fasse preuve de soumission. Qu’il signe ce qu’on lui met sous les yeux.
Quelqu’un peut-il fournir une autre explication rationnelle, à ce qui se déroule ces temps derniers dans les institutions et leurs troupes ? Si oui, elle sera la bienvenue. Sinon, de deux choses l’une : ou bien nous brisons la vitre pour échapper aux rationalités de l’asile. Ce qui s’appelle un accord politique. Ou bien nous finirons tous avec une belle petite lobotomie. Histoire de rebaptiser les réductions de salaires et de retraites en réformes, la jungle sociale en déréglementation, et le nid de coucou en régulation rationnelle. Et aussi accélérée...
NdT :
Les « partenaires » européens usent de l’asphyxie monétaire et financière pour obliger le gouvernement de Syriza à reconduire la politique d’austérité des gouvernements mémorandaires. En Grèce, la presse et les partis de l’opposition reprennent en chœur l’idée qu’il faut signer à tout prix, et donc accepter les diminutions drastiques des salaires et des retraites, les licenciements de masse, la remise en questions des conventions collectives, la privatisation des biens publics, c.-à-d. tout ce qui a plongé la Grèce dans la crise économique et humanitaire actuelle.
Les billets d’humeur de Thanasis Karteros sont publiés dans le journal de Syriza, http://www.avgi.gr/article/5490874/sti-folia-tou-koukou
Mes remerciements à Panaghiotis Toumas, http://www.lexi-logos.gr