Celle ci sera composée pour moitié par des membres des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui rassemblent des combattants kurdes et arabes opposées à Damas, le reste des effectifs seront composés de nouvelles recrues dont sans doute des forces spéciales de l'armée américaine, déjà présentes en Syrie. D'ores et déjà, le Pentagone a maintenu un contingent de 2.000 hommes de l'armée américaine, qu'ils n'ont pas l'intention de rapatrier.
Après avoir proclamé la défaite de l'Etat Islamique EI, et s'en attribuant d'ailleurs le mérite, Washington n'a donc pas l'intention de quitter la Syrie. Il veut conserver sous son contrôle une partie du territoire syrien. Ceci n'est manifestement pas pour éviter, comme proclamé, une résurgence de l'EI, mais pour en faire une base arrière à partir de laquelle poursuivre le projet de renverser Bashar al Assad et obtenir le départ des Russes installés dans les bases de la côte syrienne. Cette BSF mettra nécessairement les Etats-Unis en conflit direct avec la Russie et l'Iran, qui soutiennent Bashar.
Réaction turque
Dans l'immédiat, la BSF annoncée par Washington met directement celui-ci en conflit avec la Turquie. Les FDS sont dominées par les Unités de protection du peuple kurde (YPG), une milice kurde considérée par la Turquie comme l'extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), une organisation kurde qui livre une guérilla contre Ankara depuis 1984.
Le président Erdogan n'a pas tardé à réagir: « Un pays, que nous qualifions d'allié, insiste pour implanter à notre frontière une armée terroriste, en dépit de toutes nos objections, de nos mises en garde et de nos recommandations bien intentionnées » a-t-il affirmé le 15. Son porte-parole, Bekir Bozdag, a accusé Washington de "jouer avec le feu" en constituant cette force.
Dans ce contexte de tensions, Erdogan a affirmé que l'armée turque était prête à lancer une opération à tout moment contre les bastions des YPG à Afrine et Minbej, dans le nord de la Syrie. L'armée turque vient d'ailleurs d'envoyer un convoi d'une vingtaine de blindés à la frontière avec la Syrie, selon l'agence de presse étatique Anadolu
L'annonce de la création de la nouvelle force frontalière en Syrie a également fait réagir la Russie, dont le ministre Sergueï Lavrov a dit attendre « des explications détaillées ». Il a réaffirmé que la Russie n'accepterait jamais une partition de la Syrie. Précédemment, Moscou avait accusé les Américain de protéger et de réarmer des combattants de l'EI supposés vaincus par l'alliance américaine.
Très probablement, Vladimir Poutine, pour ne pas attiser les inquiétudes turques, renoncera à une éventuelle participation des YPG à un congrès qu'il souhaite organiser les 29 et 30 janvier dans la station balnéaire de Sotchi afin de trouver une issue à ce conflit qui a fait plus de 340.000 morts.
Tout aussi inquiétant est le fait que Washington reconnaît ouvertement vouloir s'opposer avec cette force à l'influence grandissante de l'Iran. Devant la Commission du Sénat pour les Affaires étrangères, le vice secrétaire d'Etat David Batterfield en charge du Moyen Orient, a indiqué que son gouvernement était « très préoccupé » par la part que prenait désormais l'Iran à la lutte contre le djihadisme. Mais il a refusé de commenter ces propos. Nul n'ignore cependant que l'Iran est alliée à la Russie et à la Syrie.
Ajoutons que Washington, avec la création de cette force de sécurité frontalière, escompte une intervention militaire turque contre elle, comme promis par Erdogan. Cette intervention serait très mal vue par Damas et surtout par Moscou. Washington espère ainsi fragiliser l'alliance turco-russe.