… quarante ans plus tard ?
Le 21 février 1973 à l'heure du déjeuner, par un froid vif, mais sous un beau ciel bleu, je discutais avec mon patron de l’époque, au « Pub Winston CHURCHILL » à côté de L’Etoile, de la façon de concrétiser un bon contact commercial que nous avions eu quelques jours plus tôt. Exactement au même instant, un Boeing-727 des Libyan Airlines provenant de Benghazi était abattu par la chasse israélienne au dessus du Sinaï, alors qu’il s’apprêtait à repasser le canal de Suez en direction de l’aéroport du Caire, sa destination. Un peu plus de cent personnes moururent lorsque l’avion, privé de sa dérive par les roquettes qui l’avaient atteinte, toucha brutalement le désert caillouteux de l’extrémité occidentale du Sinaï.
Ceci se passait, moins de six ans après la « guerre des six jours », huit mois avant la « guerre du kippour » et à un moment où le colonel KADHAFI menaçait régulièrement Israël de destruction et, au moins, d’attentats visant les principales villes de ce pays. Délire d’un côté, paranoïa permanente de l’autre, conduisirent Golda MEIR et Moshé DAYAN à décider d’envoyer au tapis un avion civil pourtant en train de quitter l’espace aérien israélien, dans lequel il avait pénétré par erreur en raison d’une tempête de sable qui avait perturbé les liaisons radio et la vue du sol dans la zone du delta du Nil.
Rien n’a vraiment changé depuis cette date sauf que, dans le désordre, il y eut deux attaques d’Israël contre le Liban pour tenter en vain d’éliminer la menace que représente le Hezbollah; une initiative courageuse d’Anouar EL SADATE, payée ensuite de sa vie, pour établir des relations apaisées avec Israël; la création de colonies juives un peu partout en Cisjordanie qui rendent inextricables, au sens propre, ces territoires dans une hypothèse, toujours repoussée, de création d’une Palestine indépendante; un espoir de paix marqué par le Prix Nobel du même nom dont l’un des récipiendaires, Yitzhak RABIN, tomba ensuite sous les balles d’un extrémiste refusant cette vision pacifique; la création d’un monstrueux « mur de la honte » dont le tracé tarabiscoté exprime visuellement le caractère totalement artificiel; une minuscule et surpeuplée bande de Gaza où l’on peut se demander comment le sort qui lui est fait ne conduit pas tous ses habitants à un extrémisme à côté duquel le Hamas passerait pour un mouvement d’enfants de chœur.
Au cours des dernières années, on a vu progressivement Israël plonger dans un coma politique aussi profond et long que celui dans lequel est Ariel SHARON depuis début 2006. Il semble que, de façon extrêmement surprenante, depuis quelques temps, Ariel SHARON ait eu des réactions permettant de penser qu’il est conscient du monde qui l’entoure.
Peut-on espérer qu’il en aille de même pour Israël ?
Quarante ans après l’événement dramatique par le souvenir duquel j’ai débuté ce billet, c’est mon vœu le plus cher … et je crois que ça aurait aussi été celui du pilote de ce Boeing-727, qui avait la mission de former les équipages de Libyan Air Lines. Ce pilote qui s’appelait Jacques Bourgès, commandant de bord d’Air-France … était mon grand frère. L’un de ses petits-fils participa, en 2011 aux bombardements du palais et des casernes de KADHAFI … étrange roue qui tourne, mais inacceptable sur-place d’Israël dont la roue reste désespérément figée !
Le grand courage c’est dans le fait de faire la paix qu’on le prouve … beaucoup plus que dans le fait de faire la guerre.
Au nom d’amis israéliens, libanais, palestiniens … et au nom de ce frère et de ceux qui moururent avec lui dans la caillasse du Sinaï, je supplie ceux, de tous bords, qui ont la paix au Proche-Orient entre leurs mains de quitter le chemin en impasse de la haine, où ils piétinent stérilement depuis plus de quarante ans, pour s’engager sur celui de la réconciliation.
Grand sera celui qui trouvera le chemin pour établir la paix au Proche-Orient.
Jean-Paul Bourgès 21 février 2013