
En janvier 2014, pour les dix ans du groupe flamand Berlin, aussi exquis d’inclassable, le Centquatre, qui compte le groupe parmi ses artistes associés, avait programmé trois de leurs productions (lire ici) : Moscou et Bonanza ( minuscule village des Etats-Unis où plane l’ombre de Bonnie and Clyde) relevant de leur cycle « holocène » et Perhaps all the dragons... fleuron, lui, du cycle « horror Vacui » . Ce dernier travail empruntant son titre au poète allemand Rilke traduit en anglais, langue qui tient lieu le plus souvent de langue d’usage dans la préparation et le rendu des « spectacles » du groupe Berlin, les guillemets s’imposent car les dits- spectacles remettent en jeu à chaque fois les notions de dispositif scénique, de jeu et d’enquête . Le terme de « performance » serait tout aussi réducteur, enfin cataloguer cette aventure atypique dans le xac à puces du « théâtre documentaire » serait une hérésie.
Bref, les membres du groupe Berlin ont formé une façon de faire qui leur est propre, chaque création rebattant les cartes de leur jeu en ajoutant de nouvelles cartes . C’est ce que l’on a pu constater au fil des années en s’en réjouissant et en étant toujours agréablement surpris, en voyant d’autres merveille du groupe Berlin comme Tagfish (lire ici), Land’s end (lire ici) ou encore Zvizdal , nom d’un village proche de propos de Tchernobyl (lire ici) sans oublier True Copy (lire ici) , une histoire autour d’un peintre faussaire . Fil conducteur : qu’est ce qui sépare le vrai du faux, le vraisemblable de l’improbable ?
Le groupe Berlin était ces jours-ci au Centquatre dans le cadre du Festival « Les singuliers » (pour l’être, ils le sont) avec The making of Berlin qui clôt leur cycle « holocène ». Cette création 2022 n’a été, hélas, programmée que quatre fois, faisant chaque soir salle comble. Espérons que pour les vingt ans du groupe Berlin la saison prochaine, le Centquatre programmera plus longtemps leur cher artiste associé.
The making of Berlin joue merveilleusement sur l’ambiguïté du titre désignant à la fois le nom de la compagnie et la ville où cette dernière est allée (enfin) enquêter.
The making of Berlin le bien nommé est au carrefour de deux démarches.
D’une part, la cinéaste et metteure en scène belge Fien Leysen réalise un documentaire sur la fabrication du prochain spectacle du groupe Berlin lequel se rend à Berlin pour interroger l’histoire de Friedrich Mohr, un allemand qui dit avaoir régisseur d’orchestre au Berliner Philharmoniker en 1945. Grace à elle C’est la première fois que l’on entre aussi intensément dans les coulisses de la fabrication d’une production du groupe Berlin.
D’autre part, en avançant dans son enquête, le groupe Berlin a l’idée de réaliser le rêve du vieil Allemand. Ce dernier raconte en effet à Yves Degryse (l’un des fondateurs du groupe Berlin et le metteur en scène de Making of Berlin) qui le répercute aux antres membres ( musique, scénographie, production, etc) comment, comme le raconte Friedrich Mohr, aux derniers jours en 1945, avant l’arrivée des Russes à Berlin, l’orchestre de la Philarmonie aurait voulu interpréter une dernière fois La marche funèbre de Siegfried ( extraite du Crépuscule des dieux de Wagner). Leur théâtre ayant été bombardé, les musiciens auraientt été répartis dans sept bunkers. Le projet n’aurait pas pu être mené à son terme en raison de sa complexité techniques et des bombardements.
Chemin faisant, de voyage à Berlin en voyage à Berlin un doute s’installe au sein du groupe. Faut-il croire tout ce que raconte Friedrich Mohr ? Est-il bien ce qu’il dit avoir été ? Cependant, vrai ou imaginaire, le rêve de Mohr en restait un, et le groupe Berlin, avec la complicité de différentes radios et télévisions, l’a réalisé en Belgique comme on le voit sur différents écran autant d’écrans que de soit disant bunkers . On voit le grand acteur allemand Martin Wuttke dans l’appartement de Mohr jouant le rôle de ce dernier, et Mohr lui-même ou un acteur tenant son rôle (l’ambiguïté perdure jusqu’au générique) dans l’un des sept lieux tenant lieu de « bunkers », écoutant, comblé La Marche funèbre de Siegfried comme si sa vie et la fiction de sa vie se rassemblaient enfin dans un ultime et sublime tour de passe passe. Le groupe Berlin n’a pas son pareil avec sa baguette magique et diabolique pour orchestrer la symphonie entre fiction et réalité. Les deux démarches entremêlées constituent le formidable Making of Berlin .
Les représentations au Centquatre se sont tenues du 1er au 4 février. The making of Berlin poursuit sa tournée en Belgique , aux Pays-Bas et en Allemagne : Cc de Laasmechelen (BE) le 15 fév, Westrand ism Kaaitheater – Dilbeek (BE), le 17 fév, De blauwe kei – Veghel (NL) le 2 mars, Theater Rotterdam (NL) es 14 et 15 mars, Pact Zollverein – Essen (DE) les 17 et 18 mars, De spil – Roeselare (BE) le 13 avril, De grote post – Ostende (BE) le 9 mai , Viernulvier – Gand (BE)
du 11 au 13 mai.
Mais aussi : Zvizdal le 8 fév à Liers (BE), True copy les 9 et 10 fév à Blankenberge (BE) puis du 20 fév au 5 mars au Hong Kong arts festival et le 30 mars à Saint Sebastien sur Loire le