
Vous en avez marre des masques, des tests, des emmerdeurs, de l’avenir bouchonné ? Vous en avez votre claque des amours d’un jour, des rêves évaporés ou de voyages qui partent en couille ? Allez donc boire un bon coup à la taverne Lazare. Le robinet à mots est toujours ouvert, il vous suffit d’ouvrir votre gosier, vos esgourdes et vos mirettes. C est bon par où ça passe, ça vous submerge et ça gigue de partout. Musique et bagout à l’auberge Lazare, c’est tout un. Ça se cumule se tripote, se contamine, s’ émoustille dans une ivresse commune.
Cela porte un nom dit de compagnie : la Vita nova. C’est tout dire. Une bande de gars et de filles qui décanillent les attendus, renouvellent le patrimoine, enculent parfois des mouches car on n’a rien sans rien, ne font pas des plans sur la comète car ils ne manquent pas de planètes à explorer. Faut qu’ça pulse , faut qu’ça saigne aurait chanté Boris Vian.
Tous autant qu’ils sont et venant de partout, ils agissent, surgissent, rugissent et préfèrent la zizique avant toute chose. Lazare est leur chef, leur idole, un poète bateleur, un maudit, un iroquois.
Sorti du ventre d’une femme admirable, modeste sous son foulard, algérienne, analphabète et terriblement aimante, sa mère. C’est par là que Lazare s’est fait connaître, via ses origine et son parlé premier , une trilogie des commencements qui n’a pas perdu une ride : Passé- je ne sais où qui revient en 2009 (lire ici), Au pied du mur sans porte en 2011 (lire ici) et Rabat Robert- touche ailleurs que là où tu es né en 2013 (lire ici). Depuis ça n’a pas arrêté. Jusqu’ à Sombre rivière (lire ici) et Je m’appelle Ismaël en 2019(lire ici). Sans parler du reste. Lazare, l’homme dont le le nom tient lieu de prénom et de légende, apôtre du trop plein, pratique un théâtre du débordement permanent.
La preuve, présentement, avec son nouveau poème dramatique Coeur instamment dénudé , spectacle frappadingue et infini dont la « première époque » (qui se fout des époques) vient d’être créée au Théâtre National de Strasbourg, établissement où Lazare a le statut enviable d’ « artiste associé » ce qui ne l’empêche pas de de se creuser les bajoues, d’arborer une tignasse bigoudis et des sourires crispés, signes patents de cet irréductible perpétuel comme disent les juristes. Rien de tel pour attiser les braises de sa lyre que de se poser en victime. Il fait peur au ministère de la culture qui lui donne tout de même de la thune mais ne veut surtout pas de lui à la tête d’un établissement où , en arrivant, il commencerait pas arracher la moquette d’une programmation trop bien tempérée. A Strasbourg, ce fauve est protégé par le dompteur chef du TNS , Stanislas Nordey, qui aime voir ses amis les bêtes de scène sauter dans un cercle enflammé.

Ah si l’on avait dit un jour à celui qui, naguère, déchirait les billets d’entrée au TGP de Saint Denis, qu’il écrirait une pièce rêveuse et déglinguée autour de Vénus, Psyché, Cupidon and co ? Et bien la voici cette pièce inspirée librement du mythe. Foutraque et emballante à tout va, généreuse et charmeuse as usual, une bestiole en surchauffe. Aux côtés du loustic depuis le début de l’aventure, en scène et en coulisses, l’indispensable Anne Baudoux, Entourée d’une jeune garde rapprochée chopée au hasard d’ateliers, de rencontres et des précédents spectacles : Ava Baya, Laurie Bellanca, Ella Benoit, Paul Fougère, Louis Jeffroy, LoïcLe Roux, Veronika Soboljevski. Bons en tout : Jeu, musique, manipulations. Scénographie en mouvement d’Olivier Brichet . Sans oublier une cohorte de musiciens amateurs.
Il y a un grand-père qui dit du Françoise Hardy sans le savoir, il y a « le petit canari est mort »de Psyché qui parodie Molière. « Voulez- de vos doigts tremblants caressez mon cou » demande l’oracle à Vénus, et la déesse de répliquer du tac au tac « Non merci je veux juste la peau de Psyché » laquelle ne va pas tarder à prendre Cupidon, le fils à Vénus, dans son filet à papillons.Tout est prétexte à chansons, à boxon. Un désir chasse l’autre. Psyché confie à l’Oreiller (l’ancêtre des psy) qu’elle s’ennuie un peu, même en lisant Marguerite Duras. Et ça défile, et ça défile . Des attractions, du strip-tease forain, ça bouge tout le temps. Tout se déglingue, tout se requinque, tout se dédouble. « Urgent crier » lançait naguère André Benedetto, « urgent aimer » reprend Lazare en dansant le zouk avec le mythe de Psyché. Le château brûle comme celui de madame la marquise. Musique ! Chaos mon beau credo ! On les retrouvera pour la deuxième époque, tous ensemble, tous ensemble. Dansons la carmagnole, dansons la camarde, et hop ! « Ta gueule Vénus ! » osent les mouettes. Laisse les fées et les fêlés s’amuser !. C’est un spectacle qui dépote et qui rempote l’air du temps en lançant des bordées de pointillés et des brassées de confettis. Tiens, un chat qui parle...
Les représentations au TNS viennent de s’achever. MC93 du 23 février au 3 mars, Grand T de Nantes du 9 au 11 mars.