Les résultats du baromètre UNSA éducation 2023 apportent, d’après les réponses des plus de 34000 participants, une confirmation de la crise de confiance dans leurs ministères et de la perte de sens de leur travail chez une majorité des personnels, notamment les personnels d’encadrement (chefs d’établissement, inspecteurs)[1]. Mais cette année, les personnels ont été également interrogés sur trois grands défis sociaux : transition écologique, crise démocratique, mutation numérique. Leurs réponses ne manquent pas d’intérêt, notamment en matière d’enseignements et d’éducation sur les deux premières préoccupations[2].
Leur préoccupation numéro 1 est la question démocratique. Quand on leur demande comment l’éducation et la formation peuvent contribuer à résoudre la crise, 8% seulement des personnels considèrent que cela ne relève pas de leur rôle. 41% demandent de mettre en place une véritable éducation à la démocratie pour les enfants et les jeunes, ce qui passe notamment par faire vivre la citoyenneté et l’engagement dans les lieux d’éducation et de formation (37%), par éduquer à la coopération et à la recherche du compromis (31%), favoriser la participation démocratique des élèves aux différents niveaux de leur scolarité (30%) mais aussi renforcer l’enseignement du droit et de la politique (19%). On retiendra notamment de ces indications le fait que l’éducation à la démocratie, qui fait partie des missions de l’école n’est pas considérée par les personnels comme "véritable" dans l'école réelle d'aujourd'hui : moins que des cours et des discours, les élèves ont d’abord besoin de vivre la démocratie, à travers la coopération, la participation démocratique à la vie de la classe et de l’établissement. Il suffit de se demander ce qu’il en est des 10 heures annuelles de vie classe dues aux élèves tout au long de la scolarité pour se faire une petite idée de l’état de la question dans les collèges et les lycées. Mais, en termes d’enseignement, le droit et la politique pourraient faire partie du tronc commun de la formation donnée à tous. En novembre 2020 la journaliste Marie Dupin, participant à la journée d’étude du CICUR à la bibliothèque nationale de France[3] soulignait, que ce qui la frappait dans son émission sur une radio populaire, c’était que les auditeurs ne connaissaient pas leurs droits de citoyens[4].
La préoccupation numéro 2 est la transition écologique. 64% pensent que les programmes d’enseignement ne traitent pas de façon satisfaisante des enjeux écologiques à tous les niveaux et 71% que les formations destinées aux personnels soit ne sont pas dispensées soit ne répondent pas aux enjeux actuels . 41% pensent que ce n’est pas la priorité de leur employeur et 30% affirment donc s’organiser seuls. Comme l’observait Denis Meuret lors de la même rencontre du CICUR, « il n’est pas du tout évident pour quiconque (et pour l’Ecole en premier) de penser que cette dernière puisse avoir un rôle à jouer vis-à-vis du réchauffement climatique mondial, plus encore de se réorienter pour aider à y faire face. Or, il n’est aucune des grandes missions de l’Ecole que le réchauffement n’impacte : il faudra qu’elle forme à des métiers différents, qu’elle réponde à des menaces nouvelles sur notre capacité à faire société, qu’elle dote les citoyens de capacités pour partie différentes, elle sera confrontée à des inégalités nouvelles (…) En France, que ce soit dans la définition du socle commun de connaissances et de compétences ou dans les programmes scolaires, le réchauffement occupe une place tout à fait mineure, ses conséquences sociales ne sont pas abordées. De plus, l’enseignement vise à faire comprendre aux élèves leur « responsabilité » dans la lutte contre le réchauffement, mais n’évoque aucune capacité à leur transmettre en ce domaine, comme si cette lutte réclamait frugalité, mais non connaissances et compétences. Ces programmes ne représentent pas l’élève comme inquiet du réchauffement, comme se demandant quoi faire. Ils visent surtout à le rendre « conscient », ce qui est aussi le but de la « semaine de l’éducation au développement durable », qui mobilise les élèves une fois par an[5] ».
Les lignes de force qui se dégagent des réponses des personnels à ces questions sont une confirmation qu’il y a bien lieu de s’interroger sur la nécessité de repenser les savoirs scolaires à la lumière notamment de la question démocratique et de la question climatique. Quelle politique des savoirs pour les années qui viennent ? Tel est le chantier prioritaire pour qui voudrait qu’en sortant de leur parcours de formation, les jeunes de France aient les moyens de se repérer efficacement et d’agir, collectivement et personnellement, dans un monde en profonde révolution.
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[1] https://www.unsa-education.com/article-/barometre-unsa-education-2023-devalorisation-et-defiance-se-cristallisent/
[2] https://www.unsa-education.com/article-/barometre-unsa-2023-les-personnels-du-service-public-face-aux-grands-defis-sociaux/
[3] https://curriculum.hypotheses.org/rencontre-cicur
[4] https://www.youtube.com/watch?v=llZDLZBh9uk&feature=youtu.be