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Billet de blog 26 juin 2017

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TOUT CHANGER POUR QUE RIEN NE CHANGE

Dans un article du figaro d’avril 2016, presque 70% des français estiment que la lutte des classes existe toujours. Peu importe la sensibilité politique, le ratio reste le même. D’ailleurs, pour le milliardaire Warren Buffett "Il y a une lutte des classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui fait la guerre. Et nous gagnons."

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Dans un article du figaro d’avril 2016, presque 70% des français estiment que la lutte des classes existe toujours. Peu importe la sensibilité politique, le ratio reste le même. D'ailleurs pour le milliardaire Warren Buffett "Il y a une lutte des classes, bien sûr, mais c'est ma classe, celle des riches, qui fait la guerre. Et nous gagnons." Evidemment, la lutte, inégale, permet aux riches de gagner toutes les batailles. Mais, la vraie question est de savoir s’ils vont finir par gagner la guerre. Pour l’instant, la classe politicienne penche plutôt vers un libéralisme qui favorise les capitalistes. En sera-t-il toujours ainsi ou les moins favorisés reprendront-ils un jour la main ?

Des inégalités croissantes

« L’histoire de toutes les sociétés jusqu’à nos jours est l’histoire de lutte de classes ». Parue, dans le manifeste du Parti Communiste en 1848, cette phrase de Marx et Engels est la première d’un texte qui décrit brièvement les rapports dominants-dominés au travers de différentes époques de l’histoire. Dans l’Antiquité tout d’abord, les classes sociales distinctes et hiérarchisées « utilisent » des esclaves. Ensuite, les seigneurs du Moyen-Age asservissent leurs sujets. Puis, les sociétés modernes qui, au travers du capitalisme, permettent à une petite classe sociale de s’enrichir en exploitant les travailleurs. Mais au fond, le ressort est toujours le même, l’attrait pour l’argent et le pouvoir qu’il procure : pouvoir sur les autres et sur les choses. Finalement, l’évolution vers un système politique plus représentatif et une économie plus égalitaire est très lente.

Depuis les années 80, l’OCDE rassemble des données chiffrées sur la richesse des différents pays. Le constat est terrible puisque les inégalités ne cessent de croître entre les riches et les pauvres. Ces inégalités se retrouvent à tous les niveaux : entre continents, entre pays mais aussi au sein d’un même pays. L’écart ne cesse de se creuser entre les pauvres et les riches d’une même nation. Nos sociétés modernes capitalistes sont donc de plus en plus inégalitaires. La raison principale, selon l’OCDE toujours, se caractérise par les politiques budgétaires. Les impôts ont augmenté et les aides sociales se sont réduites pour diminuer les dépenses publiques. L’effet de nivellement des politiques de redistribution des richesses s’est amenuisé, accentuant l’écart riches-pauvres.

D’ailleurs, la France est l'un des pays développés où les inégalités se sont le plus creusées avec la crise.  La montée des emplois précaires, qui a fait pression sur les salaires, a aggravé les écarts entre les ménages les plus aisés et les plus pauvres depuis 2007. Les femmes sont particulièrement vulnérables. Non seulement leur salaire est inférieur à celui des hommes de 25 %, mais en plus elles représentent une grande partie des contrats précaires ou à temps partiel.

La crise a fait basculer 440.000 enfants dans la pauvreté en France ces dernières années. Notre pays compte désormais 9 millions de pauvres, 14 % de la population française. Voici des données dont nous n’avons pas à être fiers.

Pendant ce temps, et sans que cela semble gêner les principaux intéressés, les rémunérations des patrons du CAC 40 ont bondi de 10% en 2014 et continuent de flamber comme le montre la rémunération de Carlos Ghosn (patron de Renault Nissan) dernièrement. Sa rémunération de 7 millions d’euros au titre de l’année 2016 représente 580 000 euros par mois, c’est-à-dire plus de 400 fois le SMIC brut !

L'ensemble des rémunérations attribuées au principal dirigeant exécutif dans les sociétés du CAC 40 a atteint une moyenne de 4,2 millions par dirigeant. Comparée à l’année 2014, la hausse est de 11,4%.

Du nouveau dans la continuité

Dans l’espoir que les problèmes trouvent des solutions, nous avons élu un nouveau Président. Cette élection s’est soldée par un constat alarmant. 20 % d’abstentions, 20 % d’Insoumis, 22 % de Frontistes et les votes blancs et nuls portent le total à 65% de mécontents qui ont tourné le dos à la politique pratiquée depuis 30 ans. L’explosion du Parti Socialiste et la déliquescence du parti Les Républicains ne fait que prouver et accentuer ce malaise. Les politiques libérales menées par ces partis sont responsables de la paupérisation d’une partie de la population au profit d’une petite classe riche ou très riche.

Bien sûr, l’émergence de la classe moyenne ou les aides sociales pour les plus pauvres dans les sociétés industrielles ont amélioré le niveau de vie globale. Les différents droits, obtenus de haute lutte pendant des siècles, participent à l’émancipation des classes populaires dans les démocraties. Pourtant, les citoyens aujourd’hui éduqués et conscients réclament d’autres avancées. Ils pressentent depuis longtemps que la classe dirigeante, politique et capitaliste, travaille à un bonheur qui s’oriente d’abord vers eux-mêmes. Elle s’organise également pour conserver le pouvoir. Cette notion fut très bien décrite par Visconti dans « Le Guépard ». Au cours de la révolution Garibaldienne en Sicile, l’aristocratie pactise avec les nouveaux riches, des petits bourgeois locaux pour conserver leur domination sur les gens du peuple. La phrase clé de cette œuvre, « Il faut tout changer pour que rien ne change », représente en partie l’esprit de ce chef d’œuvre. C’est une formule appliquée encore de nos jours. Nous l’avons vu avec le passage de témoin entre les présidents Hollande et Macron : une impression de nouveauté, qui masque très mal la continuité.

Ce fût un magnifique lever de soleil

Cependant, nos dirigeants de tous poils devraient se méfier et prendre en compte le désespoir des uns, la colère des autres et la résignation des oubliés. Le réveil pourrait être douloureux. En effet, dans un article du Figaro de Pauline Chateau du 29 avril 2016 intitulé « Pour une majorité de Français la lutte des classes existe toujours », 70 % des français perçoivent la lutte des classes comme une réalité, et ce, quelle que soit la tendance politique. Ceci fait dire à l’auteur que le risque d’explosion est plus proche qu’on ne le pense.

Jusqu’à présent, ces dernières années, la lutte a pris des formes qui ne furent pas violentes. Le niveau d’éducation des citoyens, leur conscience politique et sociale les poussent au contraire à rechercher une voie pacifique. Nous ne sommes plus au temps de la révolution prolétarienne de Marx bien sûr. Il n’en demeure pas moins que l’exaspération, le sentiment de ne jamais être entendu et la défiance à l’égard des élites risquent de faire basculer une simple manifestation en échauffourée.

Capitalistes et politiques, qui main dans la main ne recherchent que leur intérêt, seraient fort avisés de tenir compte des revendications du peuple, au risque que celles-ci ne deviennent des exigences. Tous les pauvres, les « mal-logés », les « sans-abris », les « sans-horizons », les « sans-espoirs », les « sans-titres », les « sans-projets » et tous les « sans-quelque chose » s’élèveront-ils contre les quelques-uns qui ont tout. Les évolutions réclamées par les citoyens pourraient se transformer en révolution, qu’il faut espérer non violente. A propos de la révolution française Hegel a prononcé cette phrase : « Ce fût un magnifique lever de soleil ». Les classes populaires pourraient bien avoir envie de revoir dans leur sombre vie, un de ces levers de soleil qui donne à la fois de l’espoir et un vrai changement.

En ces temps de Bac philo, un sujet récurrent apparaît lors de cette épreuve : « La violence est l’arme des faibles ! Qu’en pensez-vous ? ». Nous sommes en droit d’en poser une autre : Les faibles « économiquement » vont-ils utiliser la violence comme seul recours à leur désespoir ?

Finalement, pour notre nouveau Président l’équation est simple. Il lui faut réussir. Il incarne la dernière chance du libéralisme avant que les citoyens prononcent son licenciement pour causes économiques.

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