J’ai honte et je pleure. Vraiment. Les assassinats racistes et antisémites de Toulouse et Montauban, atroces, inadmissibles, épouvantables, dégueulasses, me révulsent, comme la plupart d’entre nous. Enfin, j’ose l’espérer...
Franchement, je n’aime pas trop le président sortant, mais je trouve que là, en ce lundi 19 mars, il a été très bien, il a trouvé les mots qu’il fallait, et il a eu l’attitude appropriée. Il a fait montre d’une émotion que je crois sincère et il a en tout cas tenu son rôle de président de la République dans ces circonstances extrêmement graves.
Il a également décidé de suspendre sa campagne, ce qui est parfaitement respectable, suivi en cela par François Hollande, non moins respectable également.
Mais j’ai plus honte encore d’entendre quelques seconds couteaux des deux prétendus favoris dans la course à la présidentielle s’offusquer du fait qu’un autre candidat, François Bayrou, ait osé dire ce que lui inspiraient ces assassinats: «je crois que ce type de folie s'enracine dans l'état d'une société et dans la société française, ce type d'atteintes, d'actes se multiplient».
«Il y a un degré de violence et de stigmatisation dans la société française qui est en train de grandir, c'est inacceptable", a-t-il déploré en soulignant la responsabilité des hommes politiques qui "ont le devoir de veiller à ce que les tensions, les passion, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues. Le fait de montrer du doigt les uns et les autres en fonction de leur origine, c'est faire flamber les passions et on le fait parce que dans ce feu-là il y a des voix à prendre».
«On lance des sujets dans le débat, on prononce des mots qui roulent comme une avalanche et parfois tombent sur des fous. Nous ne savons rien sur celui qui a perpétré cette tuerie mais nous sentons bien que cela n'est pas sans lien avec une certaine évolution de la France», a-t-il ajouté, se gardant bien de citer nommément qui que ce soit. Et alors? C’est ça, un dérapage? En quoi est-ce indigne? En quoi est-ce indécent? En quoi est-ce une «récupération»? Qui récupère quoi dans cette affaire, et qui manipule qui?
UMP et PS crient haro sur le Bayrou parce qu’il les emmerde tous les deux, alors ils vont tenter, armés d’une bien-pensance d’ailleurs discutable, de faire peser sur lui la pire des disqualifications, le soupçon de profiter d’une tragédie pour gagner des voix.
Eh oui, le candidat du MoDem «a parlé alors que la campagne était suspendue», a-t-on entendu sur les radios et les télévisions relayant la «polémique». On nous prend vraiment, nous les électeurs, pour des crétins : que certains candidats décident de suspendre leur campagne, c’est une chose, mais ce n’est en rien une obligation. Même morale. Et d’ailleurs, contrairement à ce qu’ont laissé entendre nombre de médias, tous les candidats n’ont pas suspendu leur campagne, et Bayrou n’a pas été le seul à ne pas le faire.
Jean-Luc Mélenchon, courageusement, n’a pas dit autre chose: "Poursuivre la campagne, c'est un acte de résistance morale, intellectuelle et affective", a-il déclaré. "C'est montrer qu'en toutes circonstances, la vie l'emporte sur la mort", a poursuivi le candidat du fr(ont de Gauche qui n’a pas modifié son agenda.
"Il ne faut pas mettre notre bouillante démocratie entre parenthèses du fait d'un odieux dégénéré assassin", a-t-il ajouté. "Nous ne sommes pas à la merci d'un dégénéré, il ne fait pas la loi, il ne nous impose pas son rythme, nous le rattraperons et il paiera. Des dégénérés criminels ne doivent pas avoir l'illusion qu'ils puissent acquérir une espèce de notoriété de l'infâme, en ayant réussi à bloquer tout le pays en ayant assassiné des enfants".
Interrogé sur la «récupération» de ces assassinats, Mélenchon a sereinement répondu que "tout le monde essaye de bien faire", ajoutant, quand même, que «chacun doit faire attention à ses citations».
Sur le fond, Mélenchon et Bayrou ont dit la même chose, à quelques nuances près. Je relève qu’au delà de leurs désaccords, ces deux-là semblent viscéralement attachés à la démocratie. Mais pour le coup, personne dans les camps des deux «pressentis», n’a relevé ni monté en épingle la déclaration du candidat du Front de Gauche. Normal : côté sortant, on estime que Mélenchon prend des voix à Hollande. Quant au PS, il ne veut pas froisser quelqu’un avec qui il faudra bien passer une forme d’accord électoral au deuxième tour. Voilà comment les thuriféraires zélés des deux candidats les plus en vue tentent de «récupérer» des voix, avec l’air de ne pas y toucher, sur le dos de sept personnes assassinées
Personne n’a relevé non plus qu’une certaine fille à son père, oubliant un certain bal néo-nazi récemment en Autriche, a déclaré qu’en de tels moments «il n’y a plus de politique, il n’y a plus de campagne, il n’y a plus ni de droite ni de gauche». Ca, c’est passé comme une lettre à la poste... Pourtant, ça ajoute «l’ignoble à l’horrible», non?