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Billet de blog 1 novembre 2013

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Gérard Mauger : « L’ordre social qui apparaît inébranlable est plus fragile qu’on le croit… »

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Gérard Mauger

Directeur de recherche émérite au Centre de sociologie européenne, créé par Pierre Bourdieu, Gérard Mauger appartient au cercle d’intellectuels de la « gauche de gauche » à qui il appartient de penser les alternatives au néolibéralisme. Dans son dernier livre, Repères pour résister à l’idéologie dominante (éditions savoir agir), il évoque des sujets aussi divers que la place des intellectuels dans les médias, les clivages au sein des classes populaires ou l’avenir de la « gauche de gauche ». Nous l'avons rencontré.

Pourquoi avoir utilisé le concept d’idéologie dominante dans le titre de votre livre ?

J’ai hésité à l’employer car il suggère l’existence d’un corpus doctrinal cohérent. Or je n’ai pas vraiment étudié la pensée de droite contemporaine, comme l’a fait récemment Emmanuel Terray (Penser à droite, Galilée, 2012). J’aurais pu dire « la doxa » c’est-à-dire l’ensemble d’idées, de représentations, de stéréotypes considérés comme allant de soi dans les classes dominantes : c’est, d’une certaine façon, l’objet du livre. En fait, le matériau sur lequel je m’appuie est le discours politico-médiatique diffusé au jour le jour. Or, s’il est vrai que les politiques et les journalistes qui contribuent à faire la doxa ne sont pas des « théoriciens », soucieux de cohérence, il me semble que le genre de discours qu’ils tiennent se situe quelque part entre la vulgarisation d’un corpus théorique – aujourd’hui la vulgate néo-libérale – et le sens commun : la notion d’idéologie dominante m’a semblé être la plus adéquate pour désigner ce registre.

Comment l’idéologie dominante se diffuse-t-elle ?

Pour pouvoir vous répondre, il faudrait étudier les trois univers qui contribuent à la production et à la diffusion de représentations du monde social. Le champ intellectuel et le champ politique contribuent activement à la production de l’idéologie dominante. Les politiques sont des « représentants » à un double titre : ils sont censés « représenter » leurs électeurs, mais ils sont aussi des producteurs de « visions du monde », de « représentations » dont les enjeux sont proprement politiques. Enfin, le champ médiatique puise chez les uns et les autres des ressources discursives et leur permet d’avoir accès à l’espace public. C’est dire que les journalistes ont un rôle stratégique dans la production et la diffusion de l’idéologie dominante. Les enquêtes de Julie Sedel (Les médias et la banlieue, Le Bord de l’eau, 2013) ou de Jérôme Berthaut (La banlieue du « 20 heures », Agone, 2013) sur la mise en scène médiatique des « banlieues », mettent en évidence les mécanismes de cette co-production de « représentations ».

Justement dans votre dernier ouvrage vous vous interrogez sur l’opportunité pour un intellectuel d’aller dans les médias au risque de se faire piéger. Pouvez-vous résumer votre position ?

Pour tenter de sortir du rôle de « sociologue pour sociologues », il faut élargir son audience au-delà de la sphère des professionnels : le passage par les médias est alors obligatoire. Mais, c’est là que les problèmes commencent. Il y a des raisons « nobles » de vouloir se faire entendre - comme l’intention pédagogique de rétablir des « vérités » malmenées par les médias -, il y en a aussi de moins nobles comme la promotion commerciale ou la valorisation narcissique des egos.

Et d’un point de vue personnel ?

Mon expérience en la matière est très variable. Il m’est arrivé d’avoir le sentiment de pouvoir faire entendre ce que j’avais appris en faisant mon travail, mais parfois aussi le sentiment inverse que c’était tout-à-fait impossible. Récemment, lors de l’affaire de la pétition de soutien au bijoutier niçois, j’ai été contacté par une attachée de presse de France Inter. Je lui ai expliqué que, faute d’avoir enquêté sur cette pétition - sur son ampleur réelle, sur les propriétés sociales des signataires, sur le sens de ce soutien - je n’avais rien à dire. Elle m’a répondu que je pouvais justement dire ça à l’antenne. J’ai accepté un peu bêtement. Dire que je n’avais rien à dire, c’était aussi dire que le journaliste n’avait sans doute rien de plus à dire que moi et qu’il aurait mieux fait de se taire. Mais la mise en cause médiatique des médias s’avère être un genre scabreux : j’ai eu la parole pendant à peu près trente secondes… J’aurais dû refuser…

Quelles leçons tirez-vous de vos deux passages dans l’émission « C dans l’air » d’Yves Calvi ?

Les deux expériences furent totalement différentes. La première fois, je me suis retrouvé avec cinq autres intervenants qui n’avaient plus grand-chose à dire après leur première prise de parole. Comme l’émission durait une heure, j’ai eu suffisamment de temps pour essayer de faire entendre ce que j’avais à dire : c’était une conjoncture exceptionnellement favorable. La deuxième fois, la répartition du temps de parole était très différente. Les « hommes de terrain » avaient la priorité sur le sociologue implicitement assigné à la position du « théoricien » qui ne connaît rien au « terrain ». Mais il n’est pas interdit de se demander depuis combien de temps le porte parole d’un syndicat de policiers n’a plus mis les pieds « sur le terrain »… Outre le casting, la possibilité de se faire entendre dépend évidemment aussi d’un savoir-faire médiatique inégalement distribué.

Comment maîtriser ce savoir faire ?

Pour un chercheur, il faut s’adapter à des contraintes comme le temps court - qui suppose d’aller très vite à l’essentiel - ou le fait de s’adresser à un public profane - qui impose d’énoncer clairement ce qui est parfois compliqué. Il faut donc être à la fois clair et concis sans trop déformer pour autant ce que l’on a à dire. C’est souvent plus facile à dire qu’à faire : pour être compris, il faudrait, par exemple, reformuler, dans la plupart des cas, une question mal posée… Or, pratiquement, c’est à peu près impossible…

Alain Finkielkraut

Reste la question de l’accès aux médias ?

L’accès aux médias suppose l’entretien d’un capital social spécifique… Il faut figurer dans le carnet d’adresses des attachés de presse et, pour ce faire, accepter d’intervenir à n’importe quel moment sur n’importe quel sujet… C’est ainsi qu’on se métamorphose en « intellectuel médiatique »… Ce qui me semble contradictoire avec le sens-même de ce genre d’interventions… On peut alors, bien sûr, se résigner à la position académique de « sociologue pour sociologues »… Mais cette attitude me semble difficilement conciliable avec le caractère proprement « politique » du métier de sociologue (c’est-à-dire la production de représentations du monde social). D’où une tension perpétuelle entre la position-refuge de « sociologue pour sociologues » et la position scabreuse de « sociologue pour tout le monde »…

De façon générale, l’analyse du champ médiatique qu’a proposée Bourdieu (Sur la télévision, Raisons d’agir, 1996) permet de comprendre l’essentiel de ce qu’il y a à comprendre en la matière... La plupart des journalistes y ont vu une critique virulente : à mon sens, on peut y voir, à l’inverse, une défense de la déontologie que certains revendiquent. Bourdieu montre, en effet, que ce sont les contraintes qu’exerce le champ médiatique qui empêchent les journalistes de faire leur métier comme ils prétendent (ou comme ils voudraient) le faire… C’est dans le cadre de cette analyse qu’il me semble possible de comprendre l’hégémonie de « la pensée unique »... C’est ainsi que TF1 et Le Figaro traite « le problème des banlieues » de la même façon que France 2 et Le Monde…

Restons sur les banlieues. Qu’est ce qui est à l’origine de la violence sur ces territoires ?

Schématiquement, la paupérisation de masse, qui s’est mise en place en France depuis une trentaine d’années, est au principe de ce qu’on appelle dans les médias « le problème des banlieues ». Cette paupérisation s’explique elle-même par la désindustrialisation, le chômage de masse, la précarisation associés au fonctionnement du système capitaliste mondialisé et financiarisé qui s’est progressivement mis en place au tournant des années 1980. La paupérisation frappe d’abord « les classes populaires » qui restent majoritaires au sein de la population active (20 % d’ouvriers et 32 % d’employés soit 52 % du total). Elle a provoqué un clivage entre « classes populaires établies » et « classes populaires précarisées » qui prend la forme d’un clivage « ethnique » ou « racial » entre « Français » et « immigrés » et d’un clivage « spatial » entre « ouvriers pavillonnaires » et « ouvriers de cités ». Schématiquement, les ouvriers et employés français et stables ont fui « les cités HLM » pour des pavillons périurbains. Dans « les cités », ne restent plus que les ouvriers et employés immigrés et précarisés, où ils sont, en quelque sorte, « assignés à résidence ».

Chaque fait divers - inscrit dans les rubriques « délinquance » et/ou « immigration » - permet de réactiver et de creuser symboliquement ces clivages au sein des classes populaires. Il s’agit d’un enjeu politique majeur, dans la mesure où il permet aux « partis de gouvernement » - UMP et PS - de se maintenir au pouvoir. C’est sur ce clivage que prospèrent le FN et l’UMP en ralliant une partie des classes populaires « établies » à la cause des classes dominantes. C’est ce clivage qui permet au PS d’accéder ou de se maintenir au pouvoir en appelant à « dégager Sarkozy » ou à « faire barrage au FN ».

Et finalement comment votent les classes populaires ?

Tout porte à croire que l’expérience faite de l’alternance au cours des trente dernières années a conduit les électeurs des classes populaires à penser que l’UMP et le PS, « c’est du pareil au même ». Ce genre de constat ne peut que conforter leur peu d’intérêt pour la politique et renforcer leur propension à l’abstention. C’est sans doute pourquoi l’abstention est devenue « le parti des classes populaires », même s’il est vrai que le Front National y trouve un écho en réactivant le clivage entre « ouvriers pavillonnaires » et « ouvriers de cités » (« immigrés », « assistés », « délinquants », etc.).

Comment Nicolas Sarkozy est-il parvenu en 2007 à capter les voix des classes populaires ?

En 2007, Nicolas Sarkozy (comme les Républicains américains) a trouvé un écho dans les classes populaires « établies » en allant chasser sur les terres désertées par le PS. Mais son succès n’a pas survécu aux épisodes du Fouquet’s et du yacht de Bolloré. Les « déçus du sarkozysme » se sont réfugiés dans l’abstention ou dans le vote FN.

Comment le FN parvient-il à progresser dans les votes ?

L’écho trouvé par le FN repose sur trois piliers : le discrédit des partis dits « de gouvernement » (« l’UMPS » dans le lexique du FN), le discrédit de l’Europe (devenue synonyme de paupérisation) et l’immigration dont le FN fait un bouc émissaire (en s’appuyant sur le clivage entre « established » et « outsiders »).

Comment la gauche de gauche peut-elle renverser cette tendance ?

Je ne pense pas que la réplique consiste à prendre systématiquement l’exact contrepied de ce que dit le FN. Quand le FN dénonce l’uniformisation des « partis de gouvernement », il exprime le point de vue des classes populaires et il dit aussi la vérité. La riposte ne consiste pas à le nier, mais à opposer une ligne « de gauche » à la ligne « ni droite, ni gauche » de l’extrême droite (Zeev Sternhell, Ni droite, ni gauche, Gallimard, 2012). Quand le FN dénonce la construction européenne, la « gauche de gauche » ne doit pas lui laisser le monopole d’une dénonciation qui rencontre l’assentiment du plus grand nombre et celui des classes populaires en particulier, mais opposer à la dénonciation « nationaliste » du FN, celle du néo-libéralisme dont la construction européenne est l’instrument privilégié. Chacun sait, en effet, qu’on ne saurait s’opposer au fonctionnement du capitalisme néo-libéral (la « règle d’or », « la concurrence libre et non faussée », etc.) dans le cadre des institutions européennes.

On a parfois des difficultés à comprendre pourquoi les Français stigmatisent plus la fraude à l’aide sociale (une « fraude du pauvre » selon la Cour des comptes) que l’évasion fiscale ?

L’explication se trouve, me semble-t-il, dans la plus grande distance qui sépare les classes populaires « respectables » (comme disent les Anglais) de la grande bourgeoisie et ses « évasions fiscales » que celle qui les sépare des classes populaires « précarisées » (qu’ils disent « assistées ») et leurs petites « fraudes à l’aide sociale ». La dénonciation politico-médiatique permanente des « assistés » qui va de pair avec celle des « délinquants » et des « immigrés » (aujourd’hui « les Roms »), n’arrange évidemment pas les choses. D’où l’urgence d’un travail d’éducation populaire à grande échelle : ce qui repose la question de l’accès aux médias…

Vous avez précédemment enquêté sur le phénomène des bandes. Pourquoi certains jeunes en viennent à intégrer des bandes pour commettre des actes de délinquance ?

Dans « les cités » dont je viens de parler, 30 % d’une génération sort du système scolaire sans aucun diplôme. Leur taux de chômage dépasse souvent 60 %. Que peuvent-ils faire ? Les « bandes » sont la forme de sociabilité traditionnelle - celle des « blousons noirs » des années 1950-60 ou celle des « loubards » des années 1970 - des jeunes hommes des classes populaires où, de 14 ans à 21 ans, c'est-à-dire de la fin de la scolarité au service militaire, ils faisaient l’apprentissage collectif des valeurs de virilité. Aujourd’hui, on eut distingué deux catégories de bandes des « jeunes de cités » : les « bandes » des plus jeunes (« les petits ») sont très proches de celles des « loubards » ou des « blousons noirs » d’autrefois, celles des plus âgés s’en distinguent par leur investissement dans le « bizness » (il s’agit pour l’essentiel, de trafic de drogue).

La direction d’ATTAC vous avait commandé une étude sur les émeutes de 2005. Quelles conclusions en aviez-vous tiré ?

Sans pouvoir enquêter sur le coup, je m’étais efforcé d’établir à la fois une reconstitution contrôlée des « faits » et un répertoire des interprétations proposées. Par ailleurs, j’avais suggéré une description possible : « une révolte protopolitique » (L’émeute de novembre 2005. Une révolte protopolitique, Croquant, 2006). « Politique » dans la mesure où elle était prioritairement dirigée contre la police (contre « le bras armé » de « la violence physique légitime », comme dit Max Weber). « Protopolitique » dans la mesure où son « répertoire d’action collective » s’apparentait à celui des « primitifs de la révolte » étudiés par Hobsbawm.

Ultérieurement, il s’est avéré que les émeutiers se recrutaient parmi les plus jeunes : sans doute parce que les plus âgés, ceux qui sont investis dans le « bizness », n’avaient aucun intérêt à attirer l’attention.

Quant aux interprétations de l’émeute, on trouvait, à un pôle, l’ensemble de celles qui récusaient tout caractère politique de l’émeute et y voyaient le fait de « délinquants » et, au pôle opposé, l’ensemble diversifié des interprétations qui y voyaient une révolte « politique ». Certaines la décrivaient comme celle de l’avant-garde du « précariat » (un nouveau prolétariat confronté au chômage et à la précarité). D’autres, déplaçant « la question sociale » vers une question spatiale, voyaient dans l’émeute une « révolte des ghettos ». D’autres encore y voyaient l’expression d’une révolte « ethnique », celle des « Indigènes de la République ». Les premières interprétations (celles du gouvernement en place) furent démenties par les faits : les émeutiers - jeunes - étaient rarement délinquants. La thèse de « la révolte du précariat » fut également invalidée par les faits : les jeunes émeutiers étaient plus souvent scolarisés ou en apprentissage qu’exposés à la précarité. La thèse de « la révolte des ghettos » méconnaît que la ségrégation spatiale procède plus d’une relégation économique que d’un projet politique et que, par ailleurs, ces cités, lorsqu’elles ont été construites, étaient synonymes de progrès social. Quant à la thèse de « la révolte ethnique », elle ignorait que, si les jeunes émeutiers étaient tous issus des classes populaires, leurs origines « ethniques » étaient très diversifiées et elle leur attribuait une « conscience des discriminations » qui ne s’est diffusée qu’ultérieurement.

Revenons à ATTAC, ne pensez-vous pas que cette organisation a « raté le coche » après la victoire du « non » au Traité Constitutionnel Européen de 2005 ?

Il est certain qu’ATTAC avait une formidable opportunité politique après le référendum de 2005 : l’association occupait virtuellement une position stratégique pour fédérer « la gauche de gauche ». Certains y étaient d’ailleurs favorables : de toute évidence ils étaient minoritaires... On peut le regretter… Mais les divergences au sein de « la gauche de gauche » sur des sujets comme « la mondialisation » ou l’Europe, restent actives aujourd’hui… En tout cas, c’est ainsi que, lors des élections présidentielles de 2007, « la gauche de gauche » s’est éparpillée entre les candidatures Besancenot, Bové, Buffet… Cet échec est la queue de comète de l’implosion d’ATTAC à la suite de la victoire du « non » au Traité Constitutionnel Européen de 2005.

Peut-on voir dans le score du Front de Gauche à la présidentielle de 2012 un début de résurrection de « la gauche de gauche » ?

Le score de Jean-Luc Mélenchon pour le Front de Gauche aux élections présidentielles de 2012 (11% des suffrages) peut apparaître, en effet, comme un véritable « bond en avant » de « la gauche de gauche ». Mais le risque de scissions n’est pas écarté : les tensions qui menacent aujourd’hui le Front de gauche sont la conséquence de la lutte pour leur survie de vieux appareils politiques.

Pourtant le Front de Gauche apparait stratégique dans la mesure où il est l’un des rares à s’opposer à un phénomène de droitisation ?

La montée de l’extrême droite s’observe partout en Europe. On peut y voir - entre autres -une conséquence différée de l’effondrement de l’Union Soviétique. La « menace communiste » limitait le champ des possibles du capitalisme occidental. Il a désormais le champ libre… Dans le paysage politique contemporain, de Gaulle ferait presque figure de « gauchiste »... En fait, le contexte actuel évoque sous plus d’un rapport celui des années 1930 : ce qui laisse peu de place à l’optimisme. D’autant plus que le Front de Gauche peine à dépasser des divisions internes essentiellement « boutiquières ».

Pourquoi ces divisions sont-elles souvent plus fortes à gauche qu’à droite ?

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot (La Violence des riches, La Découverte, 2013) ont montré que la grande bourgeoisie est « individualiste en théorie » et « collectiviste en pratique ». Le travail de construction politique des classes populaires est beaucoup plus difficile : le travail de mobilisation se heurte en particulier au clivage que j’évoquais précédemment entre « established » et « outsiders ». Comme il se heurte à la croyance intériorisée au « TINA » - « There is no alternative » - de Margaret Thatcher que semble valider l’effondrement du « socialisme réel ».

N’a-t-on aucune raison de se montrer optimiste ?

La situation actuelle n’incite guère à l’optimisme… Mais l’expérience montre que les grandes révoltes populaires sont, sinon imprévisibles, du moins imprévues… Ce fut le cas en Mai-Juin 68 : « La France s’ennuie », écrivait alors Pierre Vianson-Ponté. L’ordre social qui apparait inébranlable est plus fragile qu’on le croit… En Mai-Juin 68, les classes dominantes ne sont parvenues à éviter l’effondrement que grâce à l’absence d’une offre politique alternative. A une moindre échelle, qui aurait pu prédire que Jean-Luc Mélenchon réunirait tant de monde à la Bastille lors de la campagne pour l’élection présidentielle de 2012 ?...

Theux  

NB: Cet article a été publié dans RAGEMAG

http://lespoir.jimdo.com/2013/10/31/g%C3%A9rard-mauger-l-ordre-social-qui-apparait-in%C3%A9branlable-est-plus-fragile-qu-on-le-croit/

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