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Billet de blog 16 mai 2025

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Les banlieues érogènes - Esméralda fracturée (1)

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 Esméralda fracturée


Il faisait encore presque nuit en ce matin d’hiver, malgré l’heure avancée. 9H30. C’était l’heure de son café au zinc de la rue du Faubourg Saint-Martin, à l’angle de la rue du château d’eau. Paris Xème. Gris uniforme sur toute la capitale, un vent froid par rafales. C’était un temps à neige. A travers les vitres du café, il regardait la rue, les voitures, les camions de livraison, les passants couleur de mur et les pigeons qui se tenaient serrés au rebord des gouttières. La petite tasse de faïence lui brûlait un peu les lèvres tandis qu’il aspirait son expresso serré. Le ticket, déchiré sur la soucoupe, témoignait qu’il avait déjà payé.

Il reposa la tasse sur le laiton du comptoir, entre l’inévitable sucrier en fer blanc – rond comme un ballon, et un cendrier déjà bien gavé de mégots. A l’autre bout du zinc, un vieillard alcoolo tout vibrant de tremblotte tétinait à deux mains son tout premier blanc sec. Au fond du bar, assis à une table entre le juke-box et la porte de service, un type entre deux âges lisait l’Equipe en laissant refroidir son double expresso devant lui sur le formica. A la radio, ça racontait une histoire de météo.

Il sortit du café. L’humidité glaciale le surprit. Il ferma le bouton du col de son parka, glissa les mains aux poches et longea rapidement le trottoir jusqu’au feu rouge de la rue du Chateau d’Eau. Ca allait encore être une journée de plus à tirer en longueur. Il traversa le carrefour, croisant une femme brune aux cheveux courts qui laissa derrière elle un parfum piquant, ue senteur aérienne dans les plis de son manteau clair. La pendule au mur indiquait 9h50 dans la cuisine, quand il ouvrit la porte de son appartement, rue Bouchardon.

C’était quel jour déjà ? Quand on est au chômage on sait plus les jours, certains jours. Il jeta son parka sur le portemanteau de l’entrée où était accroché un calendrier. On était mardi, mardi 12 février. Dehors à travers les deux fenêtres étroites du living, la neige hésitait à tomber – quelques flocons épars dansaient dans l’air anthracite. Sur la table de la pièce entre le nescafé et les mots croisés, traînaient deux trois journaux avec les petites annonces et les demandes d’embauche cochées au stylo. A côté, près d’un fauteuil aux joues fatiguées, le téléphone sommeillait au milieu des papiers où s’inscrivaient les ébauches d’embauche avortées.

Ca faisait huit mois qu’il était sans travail, et rien, rien qui venait. Auparavant il était technicien dans une imprimerie qui sortait des journaux de pub et d’annonces gratuites. Il y a deux ans ça avait commencé à péricliter, et puis on faisait le maquettage par ordinateur maintenant. Alors voilà. Une fois pourtant, il avait fait un stage pour les nouvelles techniques, pour le maquettage automatique, mais on trouvaient des types moins chers, des jeunes sans boulot qui prenaient le job comme on s’accroche à une bouée. Alors voilà.

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