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"Je lance aujourd'hui un appel aux maires de France, pour qu'ils fassent vivre, par le nom de nos rues et de nos places, la mémoire de ces hommes qui rendent fière toute l'Afrique" Emmanuel Macron, 15 aout 2019
Monsieur le président, cet appel que vous venez de lancer à l’occasion du 75e anniversaire du débarquement de Provence du 15 août 1944, rejoint le combat que de nombreux citoyens français mènent en faveur d’une signalétique urbaine plus respectueuse des valeurs républicaines.
Nos villes sont ainsi parsemées de vestiges d’une période où la légalité de l’esclavage, de la traite des noirs et de l’exploitation coloniale a encouragé les honneurs rendus à ceux qui étaient les bras armés d’une politique capitaliste qui a abouti à un véritable crime contre l’humanité.
En effet, depuis plus de dix ans, des actions pédagogiques et citoyennes portent sur les rues et places qui honorent des personnalités françaises qui ont participé aux crimes coloniaux de la France.
Nos villes sont ainsi parsemées de vestiges d’une période où la légalité de l’esclavage, de la traite des noirs et de l’exploitation coloniale a encouragé les honneurs rendus à ceux qui étaient les bras armés d’une politique capitaliste qui a abouti à un véritable crime contre l’humanité.
C’est ainsi qu’en invitant les maires de nos villes à « faire vivre la mémoire » des tirailleurs africains, vous participez à rééquilibrer un récit local et national inégalitaire que nous sommes nombreux à dénoncer.
Pour autant, cette œuvre de mémoire que vous dessinez en ce 75e anniversaire du débarquement de Provence, devrait, pour être bien comprise par la jeunesse, intégrer la nécessaire réparation de la signalétique déjà existante honorant ceux qui ont participé aux crimes coloniaux de l’esclavage et de la traite des noirs.
C’est pourquoi nous appelons à ce que ces rues et places soient accompagnées de plaques explicatives. Un tel dispositif critique ferait œuvre de respect, de pédagogie et de mémoire.
Oubliés parmi les oubliés, ces soldats africains, victimes du naufrage du paquebot Afrique dont le centenaire approche, attendent toujours l’hommage que leur doit la nation.
Une mémoire que réclament les 192 tirailleurs naufragés de la plus grande catastrophe maritime française, le 12 janvier 1920. Oubliés parmi les oubliés, ces soldats africains, victimes du naufrage du paquebot Afrique dont le centenaire approche, attendent toujours l’hommage que leur doit la nation.
En effet, vous auriez dû, Mr le président, avoir une pensée pour ces jeunes hommes de 20-25 ans qui montent, ce 9 janvier 1920, sur les quais des Chartrons de Bordeaux, à bord du paquebot Afrique, indifférents à l’entrepont nauséabond où ils sont entassés, hébétés d’être revenus d’une grande guerre qui a avalé tant de leurs compagnons, impatients de retrouver leurs foyers et de demander des comptes de justice, d’égalité et d’indépendance.
Monsieur, le président, le pire c’est l’oubli du sacrifice dont les filles et les fils d’Afrique ont été contraints. Le pire c’est le mépris.
Les plages Atlantiques de Vendée, de l’Ile de Ré et de l’Ile d’Yeu sont les tombeaux fatals des corps de ces colonisés qui ostracisés sur leurs propres terres seront requis par la nation pour une guerre si loin de chez eux. De cette catastrophe, on parlera surtout, quoique de façon très confidentielle, des 400 autres passagers : équipage, administration coloniale, missionnaires, employés, familles françaises, femmes et enfants partis rejoindre les pères sur ces territoires d’outre-mer exploitées par la Métropole.
Des controverses judiciaires, techniques et politiques surviendront par la suite, sans qu’on ait accordé aux 192 douze soldats indigènes disparus en mer, dans l’exercice de leur devoir, l’attention, l’hommage et la reconnaissance pour services rendus à la France.
Monsieur le président, en 2020, cela fera cent ans que ces tirailleurs attendent reconnaissance et respect pour la double peine qui les frappe. Morts pour la France, ignorés de tous, ces tirailleurs gisent toujours au fond de l’Océan.
Monsieur, le président, le pire c’est l’oubli du sacrifice dont les filles et les fils d’Afrique ont été contraints. Le pire c’est le mépris.
Ce plaidoyer pour réhabiliter les tirailleurs naufragés fait le pari d’une mémoire consciente mais réconciliée.
Karfa Sira DIALLO
Fondateur-Directeur de Mémoires & Partages