Invoquons « l'ordre libertaire » d'Albert Camus contre la guerre interculturelle globalisée.
Par Sergio M., économiste (posté sur Facebook le 17/01/2015 à 11:26).
Ce qui a changé en 40 ans, c’est qu’il ne s’agit plus désormais de « guerres civiles in vitro » dans un laboratoire confiné à un seul pays (un pays-frontière entre deux blocs en guerre froide par exemple). On assiste aujourd’hui à une guerre des images et des slogans qui, pour être essentiellement médiatisée par des écrans, n’est plus simplement virtuelle mais bien réelle, concrète et violente, et qui assume les contours d’une guerre civile mondialisée.
Il ne s’girait pas tant d’une guerre entre états (encore que) mais d’une guerre entre humains : entre une poignée de libres-penseurs anarchistes d’un côté, revendiquant une liberté d’expression et de conscience totale, y compris celle de conchier l’absence de liberté de conscience, et de l’autre de fondamentalistes ne jurant que par des Idées et abjurant tout droit des corps à une existence libre et heureuse.
Il est vraisemblable que la question de la responsabilité ait à se poser, au moment où l’on assiste avec effroi à l’émergence d’une guerre civile et interculturelle mondialisée. Et ce même à des anarchistes, pourvu qu’ils soient pacifistes et non-violents. Soyons laïques oui, avec détermination, mais pas intégristes de la laïcité et de la liberté, au mépris de la liberté de l’autre, fut-elle celle de choix aliénants. Il n’y a que la culture qui puisse jeter des ponts et offrir des portes de sortie à la pensée aliénée et aux corps meurtris. Il semble que la question de la non-violence soit d’une brulante actualité. Il faudrait sans doute quitter le monde des Idées et préparer un grand festin de Babette mondialisé, qui parle aux corps et accouche de nouvelles idées, concrètes et bienfaisantes pour les corps et les esprits. Rétablir ce faisant les équilibres planétaires en réalisant les objectifs d’une écologie politique globale qui préserve les ressources et redistribue la richesse. Relocaliser l’économie et en faire le centre de l’utilité sociale et de la démocratie. Faire de la laïcité l’outil de paix et de fraternité qu’elle est, mais sans frontières s’il vous plaît, et surtout au-delà des nations. Nous invoquons l’ordre libertaire d’un Albert Camus contre le désordre des Idées qui méprisent la Vie et l’Altérité. Oui, la paix est un combat, mais on doit l’atteindre par des moyens non-violents (sauf dans les guerres défensives face à une réelle invasion comme dans le cas des guerres européennes du XXè s.). Défendons le principe selon lequel les moyens doivent préfigurer la fin contre celui, tragique et mortifère, de moyens que la fin justifierait au mépris du but poursuivi et des valeurs en jeux : liberté, fraternité, égalité, laïcité et attention à l’autre, paix, solidarité et justice.
Cette « guerre civile in vitro mondialisée » apparaît comme la guerre spectaculaire des Idées – avant tout sociétales et culturelles – qui sépare et divise, pour permettre à l’horreur économique et écologique de continuer à spolier la planète et la majorité de ses habitants, y compris de classes moyennes des pays riches.
Elle déplace l’enjeu du terrain économique et social à celui idéologique. La défense de la « liberté d’expression », voire d’une laïcité « à la française » dans le contexte des enjeux réels qui régissent l’avenir de l’humanité mondiale (la redistribution des richesses et la protection des ressources), risquerait ainsi de constituer une guerre idéologique et un alibi « cosmétique » qui cache la forêt : celle de la criminalisation de l’économie, de la connexion mondiale en cours entre crime organisé et oligarchies économiques, de l’attaque généralisé contre ce qui reste de l’Etat social dans les économies avancées. Une attaque qui constitue la seule entreprise de destruction réelle à l’œuvre et la seule menace de « remplacement » réel : le remplacement de la civilisation et des conquêtes sociales par la barbarie des mafias du capitalisme ordinaire, et pas seulement financier.
Alors, espérons. Espérons que le soulèvement pacifique du peuple français finisse par être compris pour ce qu’il porte de meilleur : l’esprit de tolérance. Espérons aussi, et surtout travaillons, pour que demain les peuples se lèvent ensemble pacifiquement pour porter la cause commune de l’humanité : la réappropriation de l’économie, en fédérant des républiques sociales, dans la diversité des cultures, pour la paix, la coopération et le progrès civil.