[Archive] Comment s’opposer à des campagnes idéologiques qui s’inspirent de thématiques fascisantes ? Menacé·es par la censure, accusé·es de gangréner l’université, les universitaires doivent assumer leurs positions, soit à la fois faire une recherche engagée et mener une interrogation sur l’université comme lieu de discriminations et de violence institutionnelle.
Il faut penser ce qui nous arrive. L’enseignement supérieur et la recherche sont l’objet de menaces politiques ; c’est pour mieux en prendre le contrôle. Mais les menaces viennent aussi de l’intérieur : des « savants » peuvent non seulement participer à la violence institutionnelle, mais aussi légitimer les campagnes contre les collègues, fût-ce au nom de la liberté d’expression.
Si les savoirs sont situés, et donc incarnés, les représentations font tout autant surgir l’importance du corps comme lieu du politique : c’est la possibilité de passer d’un corps à un autre par le jeu de la performance et de la transposition. Les points de vue minoritaires libèrent les arts, les lettres et les langues d’un regard supposé neutre dont ils dévoilent la partialité.
La deuxième journée du colloque La Savante et le Politique interroge ce partage. Le savoir serait d’autant plus scientifique qu’il serait moins politique ; la neutralité axiologique, attribuée à Max Weber, serait donc la condition de la scientificité. Or la première table ronde de la journée prend le contrepied de cette injonction en prenant appui sur les épistémologies féministes du point de vue.
Dans l’hexagone, on accuse certains champs d’études d’importer d’« Amérique » un supposé « maccarthysme de gauche » qui diviserait la nation. Or, paradoxalement, les idées qui semblent le mieux circuler aujourd’hui sont celles de l’alt-right états-unienne dont les détracteurs des savoirs critiques reprennent la grammaire.
Du Brésil à la Turquie, de l’Europe aux États-Unis, les attaques contre les savoirs critiques convergent avec une vision des sciences sociales au service de l’État et des politiques néolibérales qu’il défend aujourd’hui. Les corpus idéologiques venus de la droite radicale semblent ainsi les mieux armés pour servir un modèle économique commun aux démocraties pluralistes et aux régimes illibéraux.
Les libertés académiques sont menacées - au Brésil ou en Hongrie, mais aussi en France. Relayant les réseaux sociaux et les magazines, le président de la République et le gouvernement ont lancé une offensive contre les savoirs critiques. Du 7 au 10 juin, notre colloque en a fait un objet de réflexion. Nous en publions les 7 vidéos pendant l’été, une par semaine, annonçant un eBook en septembre.