C'est la lecture du très bon billet de Franck Bergerot sur le site de Jazz Magasine qui m'a donné l'impulsion de revenir ici ce matin, et aussi parce que cela fait un moment que je n'ai plus rien posté, faute d'actualités en rapport à ce blog. Car que dire de l'exercice de l'État depuis un an, sinon notre consternation ? Quelle tristesse que ce ministère de la Culture qui illustre par son silence l'impuissance de l'état face aux grands défis qu'il est censé relever.
J'apprends ces jours-ci que notre ministre Aurélie Filippetti serait intervenue dans le processus de désignation du prochain directeur de l'Orchestre National de Jazz (ONJ) pour déplorer l’absence de candidature féminine. Vite, il a fallu trouver quelqu'un(e) et ce fut Airelle Besson qui n'a aucune expérience de direction de grand orchestre (je ne demande qu'à me tromper), nonobstant ses qualités musicales incontestables. Voilà résumé ici l'action du ministre de la culture en faveur du jazz depuis un an, alors qu'au moment où elle prenait ses fonctions, un rapport tout chaud sur l'état de ce secteur en France attendait Aurélie Filippetti sur son bureau, fruit de longues heures de travail et de consultations avec plus de 80 intervenants. Heures qui je rappelle ici furent totalement bénévoles et strictement mises au service de l'intérêt général. Rapport dont le principal tort sans doute aura été de porter le nom de son prédécesseur et non le sien.
En conséquence, elle ne l'aura pas lu, et il faut avoir le courage de reconnaître aujourd'hui que c'est un rapport pour rien, un de plus. Voila ici résumé tout le désastre des politiques culturelles. Quant tout un secteur se mobilise pour avancer des propositions concrètes afin de répondre à une crise sans précédent, la seule réaction qui vient d'en haut, c'est il faut une femme candidate à la direction de l'ONJ. Ce serait amusant de ridicule si ce n'était désolant de gravité dans un contexte si inquiétant.

Évoquons maintenant l'ONJ, cet espèce de paquebot France qui croise en mers lointaines - de l'ensemble de notre communauté, quand ce n'est pas carrément de nos contrées - pour porter haut les couleurs de notre pays, et qui pompe à lui seul un part énorme du budget de l'état pour le Jazz : une structure administrative lourde - et donc qui coûte cher - qui œuvre à faire tourner une quinzaine de musiciens. Pendant longtemps j'étais de ceux qui pensaient qu'il fallait mettre un terme à cette gabegie, et qu'il fallait plutôt utiliser cette ligne de crédit dans un souci d'en faire profiter le plus grand nombre. Jusqu'au jour où j'ai compris que ce budget ne serait pas alloué ailleurs si l'ONJ devait s'arrêter.
Car ce qui compte ici, c'est l'affichage, le prestige, cette vieille idée de la culture au plus haut niveau de l'État qui se moque des artistes, et leur préfère les œuvres, la création. Ce souci d'intervenir pour imposer une candidature de femme ne procède pas autrement. C'est une politique de la vitrine, et les musiciennes ne doivent pas être dupes et devraient plutôt se sentir insultées d'être considérées uniquement pour leur sexe. Avec cet épisode, nous avons la preuve qu'il ne faut plus rien attendre de ce ministère (je rappelle que toutes nos demarches auprès du cabinet, comme de la DGCA sont restées lettres mortes depuis des mois), et que l'année que nous avons passée à travailler ensemble n'aura pas d'autre effet que le souvenir qu'elle nous a laissé... d'avoir travaillé ensemble.
C'est déjà ça.
Quant à moi, je renonce à participer à cette mascarade plus longtemps et retourne désormais à la musique.