Olivier Pillevuit et Les pentes du ciel
- 2 janv. 2021
- Par Laurent Galley
- Blog : Laurent Galley

Le poète Olivier Pillevuit nous offre son deuxième opus, Les Pentes du ciel, aux Editions de l’Aire. Autant dire que la pente est ascendante ; elle s’ouvre d’ailleurs sur un arpenteur célèbre des pentes et des cimes, l’Ecce Homo de Nietzsche :
Avec la solitude en bandoulière
Comme seule pureté
Je ne citerai pas ici l’intégralité des poèmes, bien qu’ils le vaillent, mais me contenterai de ses lignes directrices comme autant de lignes de forces.
Confiants au matin net d’un astre qui s’exclame
Le poète emprunte ici les « Chemins de traverse Sur lesquels on se découvre », usant avec plus encore de délié dans les images, sans perdre pour autant le fil d’un discours sensé, infusé ou diffusé de sagesse.
De l’itinéraire de la chute aux pentes du ciel, la première fait état de la lassitude d’un temps numérique où le rapprochement des êtres, dans un monde sans culture, ne rime plus qu’avec l’inutilité et l’égotisme :
Litanie d’un quotidien
Qui n’a plus rien à nous dire
Sous le dôme de constellations en parade
L’écran tactile pour seul confident
Envoie par ondes et nuages
Nos messages inutiles et creux
En cette période de fin d’année, le festival des mots inutiles et creux ne peut pas sonner plus juste ; hypocrisie triomphante où l’on envoie nos meilleures vœux et pensées à tous ceux dont l’existence nous indiffère tout du long de l’année. Mais le remède à cette farce est contenu dans sa propre lassitude :
Et ne plus être l’otage
De l’ennui des autres
Alors que l’enfer est en nos cités, le poète doit s’arranger avec l’oubli pour continuer à s’approcher d’autrui sans arrière-pensées :
Comment faire table rase pour se donner et se prendre ?
Ne compter que sur soi, de prime abord, c’est consolider le jour.
Aussi malgré l’oxyde inexorable
Je coïncide au miroir de mon ciel
Les constellations regroupent jusqu’aux astres isolés ; les perspectives se font toujours aux alentours du mirage d’autrui :
Ainsi invité aux mirages des autres
Nous comprenons l’illusion des perspectives
Sur lesquelles s’échafaudent nos rencontres
Le désert est un effet d’inhumanité générale ; sa brisure demeure dans la rencontre, dans la présence.
Ce n’est pas tant la mort qui nous tue
Mais l’usure d’une vie négligeant
Ce formidable aiguillon de présence
Le feu de soi-même est une braise dans la nuit, un feu conjugué pour l’amitié, un brasero pour l’amour.
Atteindre son midi
Ne plus faire d’ombre
(…)
Je suis une braise ordinaire
Qu’attise l’extraordinaire
L’extraordinaire est un danger commun qui se résume à vivre puisqu’il est avant tout mortel d’être déjà vivant.
Cheminant sur des lignes de crêtes
Il nous faut choisir
Entre les dangers du vide
Et ceux du sommet
L’espoir est à la promesse de l’instant ; tout y est contenu à ceux qui savent l’investiguer.
Si rien ne vient
C’est que tout est là.
N’attendons pas
Cherchons !
On ne gagne pas
La saison
Qui nous a rejoints
La vitesse ne mène à rien ; elle esquive la vie, rate ses opportunités. Patience et lenteur appartiennent à la floraison des fleurs.
Les choses importantes
S’invitent tranquillement
Ce qui nous ressemble
Souvent nous perd
On fréquente longtemps son existence
Avant de l’épouser
La disponibilité n’est pas un gain mais un accueil ; le bienfait est opportun, heureux coup du sort.
Nul besoin de savoir pour connaître
Nul besoin de prétendre pour participer
Nos seuls bonheurs se grappillent
Par surprise
La solitude est faite pour gagner la guerre, mais guère pour semer (s’aimer).
Solitude qui nous sème et nous moissonne
Chaque rencontre importune la misère
Victoire vaincue par le partage
Comme seule gloire acceptable
Là où nous sommes
Se déprendre pour se reprendre, là où la poésie rassemble le réel éclaté, se loge une plénitude.
Peut-être que le bonheur
C’est d’être possédé ?
Possession de l’éphémère, peu de choses font l’essentiel.
Qui sait retrouver l’oasis d’un sommeil
Où se puise la joie de n’être rien
La guerre du tous contre tous cesse sitôt le retour à ses terres cultivées.
Le domaine du paysan
N’est pas le royaume du tigre
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