LES VOLONTES POLITIQUES
-A la fin de ce billet un tableau résume l’ensemble, il se veut « opérationnel »… autant que faire se peut. Nous tenons à préciser qu’il n’est pas nécessaire de relire trois ou quatre fois ce tableau final avant de prendre chaque petite décision, « qui délibère trop oublie de vouloir ». « A l’auberge de la décision les gens dorment bien » (proverbe peu connu mais souvent vérifié).
-« Technocrates, c'est les mecs que, quand tu leur poses une question, une fois qu'ils ont fini de répondre, tu comprends plus la question que t'as posée ! " On pourrait paraphraser Coluche : « J’ai demandé à quelqu’un qui écrivait des « billets » ce qu’étaient les volontés politiques, à la fin de la réponse je ne comprenais plus la question que j’avais posée »…
Introduction
« Petite » ( !) question :
Comment faire naitre et mettre en œuvre des déterminations personnelles et collectives pour résister à l’intolérable et pour construire un monde humainement viable ?
Innombrable est le nombre de fois où de multiples acteurs,(citoyen(ne)s, auteurs, partis politiques, ONG …) en public et en privé, à tous les niveaux géographiques, en appellent aux volontés politiques , soit pour déplorer leurs absences, soit pour affirmer qu’on en a été, qu’on en est, ou qu’on en sera porteurs, contrairement à d’autres « qui n’ont pas de volontés politiques. »
On entend souvent répondre que les volontés de changement, de mise en œuvre de moyens démocratiques, justes, écologiques, pacifiques, ne sont pas aux rendez-vous à cause des intérêts, des habitudes, des peurs, des indifférences, des impuissances, de la fuite en avant, de l’absence de courage…
On pourrait certainement résumer de multiples situations en affirmant que les récessions des volontés sont des marqueurs de nos puissances et de nos impuissances.
On pourrait s’arrêter là, nous proposons d’essayer d’aller plus loin.
Dans cette introduction nous partirons de deux clarifications nécessaires, l’une terminologique relative au terme « politique » (1), l’autre méthodologique relative au choix d’une analyse pour essayer de comprendre comment fonctionnent les volontés politiques(2).
1-Quel sens attribuer au mot politique ? Quels effets ce choix peut-il avoir sur l’analyse des volontés ?
a) Il y a au moins quatre façons d’appréhender la notion de politique.
Au sens restreint il s’agit de l’action gouvernementale, du pouvoir d’Etat.
Au sens plus large il s’agit de la scène politique avec ses partis politiques, ses autorités publiques, ses personnalités, ses luttes pour le pouvoir.
Au sens large, et d’ailleurs étymologique, il s’agit de la vie de la cité, celle-ci peut-être prise au sens de vies aux niveaux locaux, nationaux, continentaux, internationaux, autrement dit « du monde des cités et de la cité du monde », expression reprise depuis des siècles par de nombreux auteurs.
Il s’agit enfin, proche du sens précédent mais exprimé d’une autre façon, de l’ensemble des relations humaines à l’occasion du pouvoir. Ainsi les lieux de pouvoirs dans la cité sont multiples, à titre indicatif depuis la famille, le village, l’association, l’université, l’entreprise, l’administration, la profession, jusqu’aux mégapoles, aux Etats, aux regroupements d’Etats, aux réseaux scientifiques internationaux, aux complexes médiatiques, aux firmes multinationales, aux marchés financiers…
Nous choisirons ces deux dernières conceptions, elles sont proches de deux formules célèbres « si vous ne vous intéressez pas à la politique… la politique s’intéresse à vous » et l’autre formule ( d’Emmanuel Mounier, philosophe 1905-1950) « Même si la politique est en tout, la politique n’est pas tout ».
b) Ce choix d’une conception large de la politique peut nous amener à une conception globale des volontés. Complexité de ce point de départ discutable.
Concrètement nous réfléchirons donc aux volontés de l’ensemble des acteurs, personnes dans de nombreuses situations très différentes et multiples collectivités.
On pourrait et on devrait( ? ) bien sûr partir sur deux séries d’analyses, l’une relative aux volontés des personnes, l’autre relative aux volontés des collectivités, et aller par exemple, dans une série comme dans l’autre, des plus faibles aux plus puissantes ou le contraire, sans oublier de montrer les articulations entre ces deux séries d’acteurs. Cette façon de réfléchir est souvent utilisée par des journalistes, des sociologues, par des chercheurs de nombreuses disciplines … Elle est légitime et porteuse pour démonter des rapports de puissance, pour dénoncer des situations injustes. On ne peut très certainement pas( ?) ou probablement pas ( ?) analyser le manque de volonté d’une remise en cause d’une personne de la même façon que celui d’une conférence internationale d’Etats, d’une firme multinationale ou d’un groupe bancaire.
Deux questions nous amènent pourtant à proposer une analyse différente.
Les personnes vivent en collectivités, petites, moyennes, grandes, gigantesques, et réciproquement ces collectivités sont composées de personnes. Dés lors ne faut-il pas se demander s’il y a des mécanismes communs qui forment les volontés ou qui y font obstacles, et s’il y a aussi des mécanismes spécifiques aux personnes et spécifiques à telle ou telle collectivité qui forment des volontés ou qui y font obstacles ?
D’autre part, et surtout, une seconde question a clairement pour réponse les théories et les pratiques d’une partie de la société civile. En effet beaucoup d’ONG, de façons variables, en appellent aux changements et des collectivités et des personnes. Cela s’exprime par exemple sous formes de pressions sur de puissants acteurs, et sous forme d’alternatives citoyennes. Ainsi il ne faut pas oublier que, par exemple, si ce sont les pays et les entreprises producteurs d’énergies fossiles qui constituent l’essentiel des rapports de forces qu’il faut faire bouger et remettre en cause par rapport aux émissions de gaz à effet de serre, il n’en reste pas moins que les consommations des populations sont , elles aussi , bien présentes dans ces circuits, elles aussi doivent bouger et se remettre en cause, et d’abord les personnes qui sont en situations de surconsommation.
Les choses risquent d’être compliquées si l’on veut approcher un sens des ensembles sans confusionnisme et si l’on veut proposer une vision reflétant une partie de la complexité mais voulant rester opérationnelle.
Dès lors quelle truelle choisir pour construire une réflexion qui ait une certaine cohérence ?
2- Quelles analyses peuvent exister ? Pourquoi ne pas en proposer une qui se voudrait opérationnelle ?
a) Les analyses des volontés sont très nombreuses.
Il n’est pas rare que l’on s’interroge sur les effets et les causes de l’absence ou de la présence de ces volontés politiques.
On peut le faire à partir d’un grand nombre de disciplines,à titre indicatif peuvent intervenir la psychologie par exemple des personnes et des foules, la sociologie par exemple celle des organisations, les sciences de l’éducation par exemple des courants nouveaux de la pédagogie. D’autres disciplines également traitent de la volonté, ainsi les sciences politiques par exemple à travers la loi conçue comme expression de la volonté générale ou par exemple à travers les mécanismes de la démocratie représentative et participative ou à travers les idéologies politiques. Ainsi les sciences juridiques par exemple dans les volontés qui concourent à l’élaboration et à l’effectivité du droit, les sciences économiques par exemple à travers les différentes conceptions économiques du rôle de l’Etat. Ainsi les relations internationales qui étudient les volontés des Etats et celles d’autres acteurs…
On peut analyser tel ou tel domaine, on affirme, par exemple, que plus une activité est au cœur du productivisme, plus ses remises en cause sont difficiles.
On analyse le champ d’application des volontés politiques, ainsi la démocratie, la justice (au sens de luttes pour les égalités), l’environnement et la paix.
On peut aussi raisonner sur les circuits des volontés des pouvoirs aux divers niveaux géographiques. Il y a probablement au moins quatre schémas.
Soit on pense et on agit dans le sens de systèmes centralisés dans lesquels les volontés vont du « haut » (gouvernants, « élites ») vers « le bas »(gouvernés, peuple), la démocratie est peu présente ou bien elle est absente (parti unique, ou pouvoir militaire).
Soit on se prononce et on agit dans le sens d’un va et vient entre les gouvernés et le peuple, à travers des influences réciproques, reste à savoir comment se déroulent ces rapports de forces et ce qu’ils produisent.
Soit on pense et on agit à partir de « la base », on veut faire remonter des micro expériences, des actions à la base, on veut faire émerger des autogestions, une certaine démocratie participative existe à des échelles variables.
Soit on veut aller dans le sens de volontés qui, partant de la base, vont essayer de s’étendre, plutôt que de monter, c’est un schéma proche d’une démocratie participative à des échelles variables.
Sur le terrain les circuits peuvent être compliqués puisque certains schémas, par exemple dans un pays donné, peuvent fonctionner ensemble avec des ampleurs et des conflits variables.
On peut analyser aussi les types d’acteurs, par exemple locaux, nationaux, continentaux, internationaux. Ce sont les volontés de personnes, d’associations, de réseaux, d’entreprises, de collectivités territoriales, d’Etats, d’ONG, d’organisations internationales et régionales, de firmes multinationales, de complexes ( médiatiques , scientifiques, technologiques, militaires), de peuples, de générations présentes…
On peut également analyser des périodes historiques et se demander comment des volontés apparaissaient, disparaissaient à telle et telle époque, on peut aussi comparer des périodes.
On peut avoir enfin des analyses en termes de systèmes, on raisonne par exemple sur tel ou tel type de mondialisation (irresponsable et compétitive ou responsable et solidaire) et sur les forces qui vont dans un sens ou dans l’autre. On se demande si des volontés contribuent à créer et à renforcer des structures et des pratiques autoritaires, injustes, anti écologiques, violentes, ou bien si elles contribuent à penser et à mettre en œuvre des moyens démocratiques, justes, écologiques, pacifiques.
b) Une analyse proposée
Toutes ces analyses ont leurs intérêts, celle qui suit peut leur être complémentaire ou bien avoir sa spécificité. Elle voudrait contribuer surtout à avoir un certain caractère opérationnel , essayer d’être globale, critique et créatrice.
Il s’agit de proposer une vision des volontés, personnelles et collectives, en prenant en compte leurs points communs et leurs différences, cela de leur naissance jusqu’à leur mort ou… leur « résurrection » éventuelle. Comment chez tel ou tel acteur politique naissent, vivent, meurent, renaissent des volontés politiques ?
A chaque mécanisme rencontré par la volonté d’un acteur politique (au sens large) n’existe-t-il pas un contre- mécanisme permettant de le surmonter ?
Nous entendons par « mécanismes » des logiques profondes liées au système productiviste, cette expression n’a rien de fatal puisque des contre-mécanismes, des contre- logiques doivent et peuvent voir le jour.
Nous envisagerons ainsi d’abord les mécanismes qui produisent des volontés étouffées, mais aussi des contre-mécanismes qui produisent des volontés naissantes(I).
Nous envisagerons ensuite les mécanismes qui produisent des volontés dépassées mais aussi des contre-mécanismes qui produisent des volontés résistantes(II).
Nous envisagerons enfin des mécanismes qui produisent des volontés essoufflées mais aussi des contre-mécanismes qui produisent des volontés à la recherche de nouveaux souffles(III).
Ière partie- Face à des volontés étouffées : des volontés naissantes.
« Eclore est une fracture, naitre est un effort. »(Shakespeare, dramaturge anglais, 1564-1616).
"Là où se trouve une volonté il existe un chemin."(Winston Churchill,homme d'Etat britannique,1874-1965).
Comment se manifestent des volontés étouffées ?(A) Face à elles que sont des volontés naissantes ? (B)
A- Des volontés étouffées
Des volontés ont été sont ou peuvent être étouffées par au moins sept séries de mécanismes.
1-Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce alors à travers l’apprentissage d’une l’obéissance omni présente, d’une soumission très forte à de multiples hiérarchies, l’intégration très vive de la fatalité, la déresponsabilisation qui amène à dire « je n’ai fait qu’obéir aux chefs »(quitte à désobéir à sa conscience), le discours-vérité auquel on doit se soumettre sans douter et sans poser de questions. Participent à ces éducations, et cela de diverses façons, certaines familles, une partie des institutions scolaires et universitaires, certaines formations, une partie des médias, certaines hiérarchies professionnelles qui peuvent être pesantes ou étouffantes …
2-Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant, avec obsession , le peloton de tête, l’excellence, les gagnants, le droit du plus fort, le culte de la croissance. On étouffe des volontés qui pourraient aller dans le sens de la coopération, de la solidarité, on oriente des volontés vers l’obsession de la puissance, « être ou ne pas être puissants », si vous n’êtes pas puissant (personne ou collectivité) vous êtes mort. On en arrive ainsi symboliquement à qualifier un Etat de « puissance », le mot n’est pas neutre. L’idéologie de la puissance a vraiment colonisé une partie des esprits.
3-Volontés étouffées par l’administration des peurs
L’administration des peurs repose sur l’idéologie sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, on élimine ou on gomme des différences, on organise la fabrication de l’image des ennemis intérieurs et ou extérieurs à une unité donnée. A l'extrême c'est l'utilisation de moyens de terreur par une personne,par un réseau,par un Etat, pour arriver à ses fins.
4- Volontés étouffées par l’appel au grand remède miracle. On fait croire qu’il faut s’en remettre les yeux fermés à « La » solution qui va tout régler, ce remède miracle va sauver les êtres humains de tous les malheurs. Ainsi l’homme providentiel, l’élimination de boucs émissaires, la grande technique miracle (qui, par exemple, va « mettre la Terre à l’ombre » et nous dispenser des politiques de réduction des gaz à effet de serre),le grand sommet miracle (oui , un sommet peut parfois faire avancer des éléments d’une situation mais c’est au mieux un pas important, il en reste beaucoup d’autres.)
5-Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de prise de conscience des caractères destructeurs du productivisme, de dictature de l’instant consacré au « toujours plus ». L’accélération du système international n’est pas sans conséquences sur les décisions qui, souvent, n’ont pas le temps d’être muries, ou bien sont repoussées à une autre date, voire dans un autre lieu, on s’estime alors débordés par l’ampleur du dossier ou par d’autres décisions plus urgentes.
6-Volontés étouffées par des oppressions, celles-ci sont politiques, économiques, sociales, culturelles.
7-Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits. Il s’agit soit de la violence d’oppression par laquelle on dicte sa loi, soit de la violence de soumission par laquelle on exerce une violence contre soi-même par rapport à des valeurs qui sont pour nous importantes mais que l’on enterre provisoirement ou définitivement.
B- Des volontés naissantes
Des volontés sont nées ou peuvent naitre, elles répondent aux logiques qui étouffent des volontés, là aussi existent sept séries de contre mécanismes.
1-Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance c’est-à-dire la formation à l’esprit critique, à l’autonomie, à la prise de conscience des responsabilités personnelles et collectives.
2-Volontés naissantes à travers l’éducation à la solidarité, cela à tous les niveaux géographiques et d’abord avec les plus faibles dans chaque société.
3-Volontés naissantes à travers le principe de non-discrimination, fondé sur la mise en œuvre des égalités et sur le respect des différences. Nous naissons « égaux en dignité et en droits »(art.1 DUDH), il faut lutter pour préserver et conquérir ces égalités, et nous sommes différents.En ce sens le "vivre ensemble",le "faire ensemble" est une des réponses pour apprivoiser les différences,dépasser les peurs qui peuvent nous être imposées.
4-Volontés naissantes à travers les apprentissages des responsabilités, apprentissages adaptés aux âges, aux lieux de vie, aux situations.
5-Volontés naissantes à travers la prise de conscience des aspects destructeurs du productivisme, c’est-à-dire de ses aspects autoritaires, injustes, anti-écologiques, violents.
6-Volontés naissantes à travers la gestation de libérations politiques, économiques, sociales, culturelles.
7-Volontés naissantes à travers l’apprentissage du règlement non-violent des conflits, cela de la maternelle à l’université et dans d’autres lieux de vie. Ce règlement repose sur la résistance puisqu’on se montre assez fort pour être reconnu par les autres, il repose aussi sur la solidarité et la justice puisque l’on veut, ensemble, dans le respect des personnes, trouver des solutions justes.
IIème partie- Face à des volontés dépassées : des volontés résistantes
« La volonté est ce pouvoir de surmonter qui est tout l’homme.» ( Emile Chartier, dit Alain, philosophe, 1868 -1951)
Comment se manifestent des volontés dépassées ? (A) Face à elles que sont des volontés résistantes ?(B)
A-Des volontés dépassées
Les volontés ont été sont ou peuvent se trouver dépassées par au moins six séries de mécanismes.
1-Volontés dépassées par la complexité et la technicité du système productiviste. La complexité est liée à un grand nombre d’acteurs, à des interdépendances entre les activités, entre les niveaux géographiques, à une quantité impressionnante de données fournies par de nombreuses disciplines. Cette complexité est niée par le discours-vérité, par le discours sur le grand remède miracle, par le discours en vase clos. La technicité du réel est liée à la technique planétaire qui se répand, de façon inégale, à travers d’énormes complexes scientifico-technico- industriels, elle fait sentir son poids dans les processus de décision.
2-Volontés dépassées par un processus de décision compliqué par un grand nombre de participants à la décision.Ainsi un nombre important de membres d’une famille, ainsi un nombre important de partenaires sociaux autour d’un dossier, ainsi un nombre important d’Etats dans une conférence internationale. Par exemple dans ce dernier cas il n’est pas rare que l’on décide… que l’on décidera plus tard, on reporte alors plusieurs fois les décisions qui seront ensuite plus douloureuses à prendre si le problème, la menace ou le drame s’est aggravé.
3-Volontés dépassées par la rapidité du système mondial, liée par exemple à certaines technologies, à la banalisation de la vitesse, à l’omniprésence du court terme, aux interactions qui se développent très vite.
4-Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se manifestent par de multiples concentrations de savoirs, de pouvoirs, d’avoirs.
5-Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme, que se soit par rapport à la dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences, aux aspects autoritaires du système international. Moyens souvent dérisoires dans la mesure où ils s’attaquent aux effets des problèmes des drames et des menaces et beaucoup moins à leurs causes. Moyens souvent dérisoires, par exemple financièrement, dans la mesure où des besoins criants ont pour réponse un linceul de silence.
6-Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin de toujours tirer la pédagogie. Souvent soit on ne remonte pas aux causes, soit si on le fait on annonce des chemins de bonnes intentions mais ils seront ensuite pavés de renoncements successifs.
B-Des volontés résistantes
Face aux logiques qui amènent des volontés à être dépassées, on retrouve des volontés résistantes qui peuvent répondre aux six logiques précédentes par six séries de contre mécanismes.
1-Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des techniques,de façon plus globale les remises à leurs places de la techno science et du marché mondial.
2-Volontés résistantes prenant en compte un nombre important de participants à la décision. D’abord la démocratie en appelle à la reconnaissance et au respect de tous les participants. Ensuite l’efficacité de la décision face à des problèmes, des drames et des menaces en appellent à des processus porteurs de décisions. Il s’agit ici non seulement d’alliances entre les participants pour avancer, mais de possibilités laissées à certains, dont les décisions sont mûres, d’avancer avec d’autres, en attendant que tous les participants fassent de même.Enfin les processus participatifs ont vocation à voir le jour ou à se développer dans les régimes politiques(référendum d'initiative citoyenne etc...),encore faut-il et faudra-t-il qu'ils respectent le socle des droits de l'homme.
3-Volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme. On est débordé par les urgences parce que l’on n’a pas pris en compte le long terme .Il faut arriver à la fois à répondre aux urgences et à élaborer des politiques à long terme.
4-Volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en communde divers acteurs. L’imagination politique relative aux types d’alliances et aux types de stratégies ne devrait-elle pas se développer ?
Existe également une idée forte selon laquelle, pour construire ces visions stratégiques, il ne faut pas seulement s’interroger sur les forces des adversaires mais aussi sur ses propres faiblesses qui freinent ou empêchent ces regroupements, ces visions alternatives et ces mises en oeuvre parfois communes de moyens .
5-Volontés résistantes à travers la capacité de propositions relatives aux moyens de remettre en cause ici et là le productivisme.
6-Volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aux causes de ces catastrophes.
IIIème partie- Face à des volontés essoufflées : des volontés à la recherche de nouveaux souffles
« C’est au moment où il n’y a plus d’espoir qu’il faut commencer à espérer. » ( Jacques Ellul, 1912-1994, historien du droit, sociologue, penseur de la société technicienne, théologien).
Des volontés peuvent s’essouffler. (A) Des volontés sont à la recherche de nouveaux souffles(B).
A-Des volontés essoufflées
On trouve ici au moins quatre séries de mécanismes.
1-Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, il peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui se voulaient différentes ou qui étaient en rupture avec lui.
2-Volontés essoufflées par des échecs personnels et collectifspour changer l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur (personnes ou collectivités) lorsque c’est nécessaire.
3-Volontés essoufflées par le sentiment du statu quo d’une petite avancée locale mais un statu quo global, ou bien d’une avancée globale qui ne se traduit pas localement.
4-Volontés essoufflées par une érosion, par un épuisement des motivations personnelles et/ou collectives qui poussaient à agir.
B- Des volontés à la recherche de nouveaux souffles
Face aux logiques précédentes on trouve ici au moins quatre séries de contre-mécanismes.
1-Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des politiques agissant sur les faiblesses et sur les contradictions du système productiviste.
2-Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer de tirer les leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens.
3-Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas mais aussi en sous estimant pas les avancées du « local » et celles du « global », sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent apparaître tôt ou tard.
4-Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre. En ce sens existent au moins (il y en a d’autres !) deux motivations qui peuvent être porteuses : le fait d’être fraternisés par des périls communs, le fait de vouloir donner aux générations futures la chance de vivre et d’aimer.
Remarques terminales
Pour passer d’un système international productiviste autodestructeur à une communauté mondiale humainement viable, comment faire naitre, vivre, et revivre des déterminations personnelles et collectives ?
Qu’est-ce que cela signifie et pour les acteurs(1) et pour le contenu des volontés(2) ? Ces volontés ne sont-elles pas accompagnées de risques(3) et de limites(4) ?
1/ Les acteurs des volontés :
a) Tous les acteursont des chemins (réformes, remises en cause) à parcourir. Ils doivent tous mettre au monde des volontés naissantes, résistantes, à la recherche de nouveaux souffles.
Dans cette mise en œuvre des volontés Il y a des acteurs plus importants ou beaucoup plus importants que d’autres. Plus l’acteur est puissant et proche du productivisme, plus les réformes et les remises en cause sont nécessaires et difficiles. Il ne faut cependant pas sous-estimer les réformes ou les remises en cause des acteurs plus modestes, par exemple ils peuvent faire preuve d’une imagination très vive qui peut être reprise par des acteurs plus puissants.
b) Les volontés communes peuvent donner plus de force : stratégies communes, alliances, fronts communs, mises en commun de moyens peuvent être porteurs d’autres possibles. Pour des rencontres d’ONG , pour des conférences internationales d’Etats il y a là des avancées qui peuvent voir
le jour.
c) Les volontés sont souvent vécues à l’intérieur de réalités qui s’accélèrent. Une impression de dépassement des acteurs par l’accélération du système peut se traduire par le sentiment d’une certaine impuissance qu’il faut essayer de surmonter.
Vient un moment où il faut commencer le chemin, ou tracer d’autres chemins, on connait cet autre proverbe : « même un chemin de mille pas commence par un pas. »
Vient un moment où il faut continuer le chemin, « la volonté suit la ligne de la plus grande résistance » disait William James ( psychologue et philosophe américain, 1842-1910).
2/ Le contenu des volontés
a) Les domaines des volontés personnelles et collectives sont gigantesques sur ces quatre terrains : démocratie, justice, environnement, paix.
b) Les portées et les organisations des volontés se situent à tous niveaux géographiques, locaux, nationaux, continentaux, internationaux.
c) Les volontés doivent se traduire par la mise en œuvre de moyens démocratiques, justes, écologiques, pacifiques.
d) L’imagination personnelle et /ou collective est un des ressorts des volontés, elle peut permettre de trouver des leviers pour faire bouger des situations que l’on croyait bloquées.
3/ Les risques pouvant accompagner des volontés
a) D’une façon générale risque et prudence se retrouvent souvent face à face, on bascule d’un côté ou de l’autre, il arrive aussi qu’ils cheminent côte à côte, on veut être à la fois courageux et prudent.
b) Il n’empêche que, dans des moments personnels et/ou collectifs, il peut arriver que se pose un retournement plus ou moins important de la question du risque. Au lieu de se demander « qu’est-ce que je risque si je veux intervenir dans telle ou telle situation ? » on est amené à se demander « qu’est-ce que l’Autre (famille, amis, population proche ou lointaine…) risque (risques secondaires, importants ou vitaux) si je ne veux pas être à ses côtés, à leurs côtés ? »
4/ Les limites des volontés
Nous avons voulu identifier des obstacles à lever pour que des volontés naissent, résistent, trouvent de nouveaux souffles.
a) Mais, même lorsque des volontés sont en route, la réforme ou la remise en cause n’est pas complètement sûre, pourquoi ?
Parce que cette analyse se veut claire dans le choix du type de discours, il y a ceux et celles qui choisiront d’être sur le terrain d’un discours-vérité c’est-à-dire qui n’admet pas du tout le doute, ceux et celles qui choisiront le terrain de la prévision, c’est-à-dire un discours qui se fonde sur des données passées et présentes en les projetant en avant avec telle ou telle évolution, enfin ceux et celles, dont nous serons, qui choisiront une intervention fondée sur la prospective c’est-à-dire un mélange de hasards, de nécessités et de volontés, dans des proportions variables, discours qui admet donc une pluralité de possibles.
Nietzsche (philosophe et poète allemand, 1844-1900) écrivait : « Nous autres nains malins avec nos volontés et nos fins, nous sommes molestés, renversés et souvent piétinés à mort par ces géants imbéciles, les hasards. »(…) « Nous luttons pied à pied avec le géant hasard. »
Il y a donc une certaine pluralité de possibles : des pires, des entre-deux, des meilleurs.
b) Même avec nos volontés nous sommes loin de maitriser complètement un changement modeste,(nous le savons dans certains de nos vécus sous différentes formes), à plus forte raison le changement d’un système puissant. Mais ce système a ses faiblesses et, loin de maitriser lui aussi son avenir, le voilà devenu un géant aux pieds d’argile dans la mesure où ses logiques d’autodestruction sont en marche.
C’est une raison de plus pour unir nos faiblesses, « s’unir ou périr »disait Einstein (physicien, allemand, suisse, américain,1879-1955). Nous voilà peu à peu fraternisés par les périls communs, pour les surmonter ensemble.
5/ Les volontés intergénérationnelles.
a) C’est une force de penser et de rendre un hommage concret aux volontés des générations qui nous ont précédés, lorsqu’elles ont lutté pour des sociétés démocratiques, justes, écologiques, pacifiques. Une des volontés ici est celle du respect, de la préservation et de mise en valeur du patrimoine culturel et naturel mondial qu’elles nous laissent.
b) C’est une force de penser et de rendre un hommage anticipé aux volontés des générations qui vont nous suivre lorsqu’elles lutteront pour une société humainement viable.(voir le billet sur les générations futures et surtout le site "générations futures" heureusement souligné par l'un d'entre vous.)
…Mais ce sont nos volontés que l’on attend, celles des générations présentes, vivantes.
Et ce sont nos volontés qui nous attendent.
TABLEAU RECAPITULATIF ET OPERATIONNEL
DES OBSTACLES ET DES DYNAMIQUES
DES VOLONTES POLITIQUES
ou Vision globale des logiques de mort et des logiques de vie des volontés politiques
Maladies et morts des volontés Forces et résurrections des volontés
Mécanismes Contre-mécanismes
Volontés étouffées Volontés naissantes
1 /Educations aux soumissions1/Educations à la résistance, à l’esprit critique, à l’autonomie
2/Educations à la compétition 2/Educations aux solidarités
3/Administrations des peurs 3/Apprentissages du respect des différences
4/Appels au remède miracle 4/ Apprentissages des responsabilités
5/Fuites en avant,dictature instant présent5/Habiter le temps, réponses aux urgences et politiques à long terme
6/Oppressions politiques, éco.soc.culturelles 6/Libérations politiques,économiques, sociales, culturelles
7/Règlements violent des conflits7/Règlements non-violent des conflits
Volontés dépassées Volontés résistantes
1/Complexité technicité du productivisme1/Apprivoiser complexité,remettre à sa place technoscience 2/Processus de décision compliqués 2/ Prises en compte des acteurs par des solutions imaginatives
3/ Rapidité du système international 3/ Elaborer des politiques à long terme, lenteur à penser
4/Absences de moyens ou moyens dérisoires4/Capacité de proposition, moyens conformes aux fins
5/Arrivées des catastrophes 5/ Pédagogie des catastrophes quant aux causes et aux effets
Volontés essoufflées Volontés à la recherche de nouveaux souffles
1/Force de récupération du système productiviste1/Agir sur les faiblesses et les contradictions du système
2/ Survenance des échecs personnels et collectifs 2/ Tirer des leçons des échecs personnels et collectifs
3/Sentiment de statu quo 3/ Tenir compte des avancées du « local » et du « global »
4/ Erosion et épuisement des motivations4/ Recherche de motivations à trouver ou à renouveler
« IL FAUT COMMENCER PAR LE COMMENCEMENT
ET LE COMMENCEMENT DE TOUT C’EST LE COURAGE »
Vladimir Jankélévitch.