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Billet de blog 14 février 2022

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Les papas en danger ?

Livre écrit à partir de la thèse de l’auteur( pour laquelle il a assisté à des permanences des associations et à fait des entretiens avec des pères présents). Ce livre très dense en informations est facile à lire et évoque tout un pan du masculinisme.

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Les papas en danger ?

Des pères à l'assaut des droits des femmes

De Edouard Leport aux éditions de la Maison des sciences de l'homme

« Trahir ce groupe dominant pour donner à voir les rouages du système hétéropatriarcal d’oppression peut participer à en saper la légitimité, à les changer, voire à les faire disparaître. »

La souffrance des pères est écoutée dans les médias, par les politiques et est mise en valeur dans la culture populaire.

Le mouvement des droits des pères

C’est dans les années 70 qu’apparaissent en France les associations du mouvement des droits des pères (MDP), dont les principales revendications sont la garde alternée « par défaut » et la réduction des pensions alimentaires.

Ces mouvements réclament une plus grande application des pères dans la parentalité, bien que cela semble féministe, ces mouvements sont souvent qualifiés d’antiféministes.

Les associations du MDP organisent des permanences collectives, sous forme de cercles de parole entre pères au cours des quels les militants les conseillent ; c’est leur type d’actions principale.

Les actions spectaculaires sont rares, ils font aussi du lobbying, de l’aide par téléphone,…

L’auteur à vus parmi les pères mobilisés, uniquement des hommes cis hétéro, majoritairement blanc et plutôt aisés.

La résidence alternée

Le MDP prône la résidence alternée (RA), estiment qu’il n’y en a pas assez et que cela serait dû aux actions de la justice aux affaires familiales (qui bien souvent est leur premier contact avec le monde de la justice).

La RA concerne 12 % des enfants de parent séparé·es.

Les associations essaient de faire passer dans la loi la RA automatique, notamment grâce à des propositions de lois portées par des parlementaires de tout typé de partis, sans pour autant y parvenir.

Dans les faits :

  • 80 % des divorces sont par consentement mutuel.
  • Les désaccords portent pour 75 % sur les pensions alimentaires, 50 % sur les droits d’hébergement et 25 % sur les lieux de résidences.
  • 80 % des affaires où des enfants sont concerné·es, il n’y a pas de conflit sur le lieu de résidence et dans 9 % l’un des 2 parents n’a pas exprimé de préférence

« 93 % des demandes des pères ont été satisfaites (…) 96 % des demandes des mères » (Ministère de la Justice)

Les associations attribuent la non demande de RA aux faits que les pères seraient découragés par la justice, par la peur d’une confrontation avec la mère qui serait dommageable ou par un manque d’argent.

Elles dénoncent aussi la féminisation des juges aux affaires familiales qui d’après les militants, avantageraient les mères. Cette idée se base sur un biais sexiste et est démonté par l’absence de différence de décisions selon le genre des juges.

Les analyses et arguments du MDP ne tiennent pas face aux réalités pratiques.

Le MDP demande aussi : plus de sanctions en cas de « non-representation d’enfant »(le fait d’empêcher les droits de visites ou d’hébergement), la limitation des « éloignements géographique volontaires » (les déménagement de grande distance).

Communication

« Le sentiment d’injustice (des pères du mouvement) provient de la certitude acquise au fil des expériences de vie d’avoir droit à tout ce que l’on souhaite du fait de son appartenance au groupe des hommes et aux catégories sociales plus aisées ».

C’est sur ce sentiment que fonctionnent les associations et leur médiatisation, même si cela ne correspond que très peu d’hommes.

Dans leur communication, les actions spectaculaires seraient faites en derniers recours, car cela serait le seul moyen pour les pères, d’être écoutés.

Les enfants dans la communication

Initialement les associations revendiquaient d’abord et avant tout le droit des pères puis dans les années 2000 les droits des enfants est venue s’ajouter et le remplacer dans la communication. Le MDP assimile la cause des pères à celle des droits des enfants.

Les associations utilisent la non-representation politique des enfants pour se proclamer portes paroles et transformer la norme en un besoin des enfants (ce que fait aussi la manif pour tous). Ces mouvements prétendent savoir ce qu’est la cause des enfants et ainsi la définissent.

Le MDP dit vouloir faire reconnaître les droits des enfants et leurs avis mais dans les faits il remet en question les avis des enfants vus comme influençables, et affirme que les enfants aiment naturellement leurs 2 parents.

Des "droits des pères" sans devoirs

Les militants vont inciter les pères à demander des droits d’hébergements même si ils ne peuvent pas les mettre en place, en faisant reposer la prise en charge de l’enfant sur l’ex-conjointe ou sur la famille sous prétexte qu’un droit n’est pas un devoir.

Ils voient la pension alimentaire comme une punition et quand ils la paient ils y voit un droit à voir leur enfant.

Le MDP favorise le droit des pères sur ceux des enfants et des mères. Les militants conseillent aux pères d’adapter leur vie familiale à leur vie professionnelle et non l’inverse, ainsi ils ne militent pas pour des réformes de l’organisation du travail (plus de congé parentale,horaire adapter,…).

Pour eux le privé n’est pas politique.

« Le Syndrome d’Aliénation Parental » 

Cela fut inventé en 1985 par Richard Gardner et soutient que 90 % des enfants dont les parents se disputent la résidence souffre d’un « trouble » les faisant se ranger du coté du parent qui se livrerait à un conditionnement ; en plus d’affirmer que la majorité des allégations de violences sexuelles sur les enfants seraient fausses.

Or cela est faux, les accusations de violences sexuelles pendant les séparation ne sont pas plus nombreuses et non sont pas moins vrai. Se référer au SAP comme le font les associations est « criminel » et cela invisibilise et nie la réalité de l’inceste.

Une vision essentialiste

Dans la vision du MDP, la complémentarité père/mère est vue comme un fondement social. L’absence des pères serait néfaste pour l’enfant, les militants parlent de « coparentalité » et non de parentalité, ainsi ils affirment leur attachement à la famille nucléaire hétéro et à l’idée de différence sexué des rôles parentaux.

Les pères seraient alors investis de 2 rôles : séparer les enfants de leur mère (tel un sevrage) et faire des garçons (initiés à la masculinité).

La figure des « nouveaux pères » est mise en avant par le MDP, laissant alors penser que les couples seraient égalitaires, mais bien que les hommes fassent un peu plus de travail domestique qu’avant, les femmes en font toujours le double.

Féminisme?

Certaines associations du mouvement se prétendent féministes, en se référant à des personnalités perçus/se revendiquant féministe, ou en mettant en avant la présence de femmes au sein des associations.Au final, ils vont défendre certaine positions féministes tant quelle ne menacent pas leurs intérêts.

Ils utilisent un concept d’égalité réduit à une égalité de traitement laissant de côté la réalité des pratiques.

La plus part des militants estime que l’égalité des genres est acquise, le mythe d’une « égalité déjà-là » (pensé par Christine Delphy) apporte l’idée que toutes avancées féministes seraient alors discriminantes pour les hommes. La lutte des militants du MDP « pour les droits des pères » se considère pour l’égalité voir son « rétablissement » et s’ancre alors « dans la logique de l’antiféminisme ».

Sur les violences domestiques

Les militants mettent en avant la violence des femmes pour minimiser celle des hommes et font des femmes les causes des violences masculines. Ainsi ils nient le caractère systémique des violences domestiques.

D’après Louise Brossarel, cette mise en équivalence permet :

  • de banaliser les violences faites aux femmes
  • de dénigrer le travail contre ces violences
  • de présenter les hommes comme victime des femmes
  • de demander plus de moyens pour les hommes (tout en critiquant les ressources contre les violences masculines)
  • de nier l’hétéropatriarcat.

« Le mouvement français pour le droit des pères défend les intérêts des hommes contre ceux des femmes »

Antiféminisme et masculinisme

L’antiféminisme :

mouvement s’opposant aux luttes pour l’émancipation et les droits des femmes. Il en existe plusieurs types (catholique, d’extrême droite, de droite, communistes, anarchiste,…)

Masculinisme :

mouvement social de haine envers les femmes (perçus comme ennemis à dominer) et affirmant qu’il y aurait une « crise de la masculinité » (malgré le fait que les arguments soutenant cette hypothèse soit démonté par les faits). Une autre définition du masculinisme est la (re)production « des pratiques d’oppression envers les femmes (…) à partir de la masculinité » (Léo Thiers-Vidal)

Le MDP , par ce qu’il défend et par ce qu’il décide de ne pas défendre, est antiféministe et masculiniste.

L.Thiers-Vidal propose 4 types de positionnement éthique, morale et politique des hommes par rapport aux femmes :

  • Masculinisme explicite : instrumentalisent sciemment les femmes pour préserver leurs privilèges et refusent de voire les femmes comme égales aux hommes.
  • Masculinisme implicite : dominent consciemment les femmes et pensent agir de façons juste au nom de l’égalité dans la différence.
  • Antimasculinisme désincarné : reconnaissent l’inégalité et voient la domination masculine comme une structure subie par les femmes et les hommes. Les hommes seraient alors sexistes sans le vouloir.
  • Antimasculinisme incarné : reconnaissent l’oppression et le rôle actif des hommes. Ils s’opposent à cette oppression et prônent la disparition de la masculinité/du genre.

« Le fait de grandir, de se construire et de vivre dans la société française actuelle comme homme cisgenre implique nécessairement d’intégrer des valeurs relevant du masculinisme ».

« L’enjeu est de limiter jusqu’à faire disparaître les possibilités que nous avons, en tant qu’hommes (et d’autant plus en tant qu’homme cisgenre hétérosexuel), d’opprimer les femmes et les minorité de genre et de sexualité ».

Et pour cela il faut une lutte politique collective.

Autres ressources

  • Les interviews de l’auteur chez Les Couilles sur la table (« Au nom des pères ») et sur streetpress (« Antiféminisme et violences conjugales, bienvenue chez les assos de défense des droits des pères »)
  • Le sexisme, une affaire d’homme et Une culture du viol à la francaise de Valerie Rey-Robert (alias Crepe jorgette) chez Libertalia
  • La brochure « Contre le masculinisme » disponible sur infokiosque.net
  • Mélissa Blais : « Le masculinisme est un contre-mouvement social » sur Ballast
  • Hommes anarchistes face au féminisme (par Francis Dupuis-Déri)
  • Le Hors Serie avec Francis Dupui-Deri sur « la crise de la masculinité »
  • Sortir du capitalisme sur « la crise de la masculinité
  • Les podcasts Les couilles sur la table « il n’y a pas de crise de la masculinité »,  « contre la rhétorique masculiniste », « la ligue du lol... »
  • Quoi de Meuf 46 « Ouin ouin le retour de bâton »
  • Mansplaining « Attentat de Polytechniques »

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