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Billet de blog 27 avril 2020

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La solidarité nationale par les entreprises, c’est au Gouvernement de l’organiser !

Alors que les entreprises sont en train d’approuver leurs comptes 2019, et se distribuent pour certaines de copieux dividendes, aucune mesure gouvernementale n’oblige les entreprises - qui le peuvent - à contribuer à l’effort de solidarité nationale. Nous avons décidé de ne pas actionner le chômage partiel mais déplorons que cela relève d’une décision d’entreprise.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Lucille Gréco, Vincent Josso, Daphné Lecointre, Fanny Rahmouni, Flore Trautmann

Associés de la coopérative Le Sens de la Ville, conseil en urbanisme 

Nous sommes une petite structure coopérative de conseil en urbanisme (SCOP) de 6 salariés et, comme nombre d’entreprises, nous approchons de la tenue de notre assemblée générale annuelle pour approuver nos comptes de l’année 2019. Dans la période actuelle, nos discussions prennent forcément une autre teneur : la crise sanitaire et la nécessaire anticipation de temps probablement plus durs à venir se sont invités dans les échanges entre associés de notre SCOP. À notre petite échelle, beaucoup d’interrogations émergent que nous partageons ici sans autre prétention que celle d’alimenter un débat - celui de la contribution des entreprises à la solidarité nationale -  qui devrait davantage exister. 

Au cours de ce confinement, nous pouvons ET solliciter des aides publiques (chômage partiel) pour passer le cap du ralentissement lié au Covid ET - en même temps - acter un résultat très positif pour 2019.

Alors que la crise sanitaire s’aggrave et que s’y ajoute une crise économique et sociale de grande ampleur, il y a quelque chose de très gênant dans ce « en même temps » …

Face à la baisse de notre activité, nous avons décidé de diminuer les primes distribuées aux salariés (donc à nous-mêmes) pour l’année 2019, de passer une partie de nos congés payés en confinement et de ne pas avoir recours au chômage partiel quitte à puiser dans nos réserves. C'est une décision qui, individuellement, nous pénalise mais n’est-ce pas cela aussi contribuer à la solidarité nationale ?

Aujourd’hui, toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, n’ont pas les mêmes états d’âme[1]. A cela rien d’étonnant puisque nos gouvernants ne les y incitent que mollement : ainsi, les employeurs bénéficiant du dispositif de chômage partiel sont simplement appelés à « la plus grande modération » en matière de dividendes[2]. Non seulement ce n’est pas une obligation mais cela ne touche QUE les dividendes  - pour les bonus et autres primes, cette incitation n’est même pas à l’ordre du jour !   Or, un tel arbitrage ne devrait pas relever d’une décision d’entreprise (et donc bien souvent de la poignée de personnes qui la dirigent). Dans ce contexte de crise économique, nous ne devrions tout simplement PAS avoir la possibilité de percevoir des aides publiques en même temps que nous touchons des bonus et/ou dividendes.

Pourquoi le gouvernement n’impose-t-il pas clairement des contreparties (absence de dividendes et de bonus) face à l’octroi du chômage partiel voire, une vraie contribution de la sphère économique à l’effort de solidarité, par exemple  via le gel des dividendes de 2019 (une manne de 359 milliards d’euros à l’échelle de l’Europe qui est en train de partir en profits et non en solidarité) et/ou par un impôt exceptionnel ? Cette aide du chômage partiel est évidemment fondamentale. Mais elle doit soutenir des structures qui n’ont pas les reins assez solides pour passer cet épisode de confinement... pas rendre indolore la crise à ceux qui ont les moyens de la passer.

C’est la responsabilité du gouvernement devant la récession qui nous attend.  

En l’absence d’une telle décision gouvernementale, nous, petite entreprise, nous contribuons certes à l’effort collectif, à notre modeste niveau, mais nous le faisons avec amertume en regardant d’autres sociétés puiser dans (et épuiser ?) une solidarité nationale dont toutes n’ont pas besoin. Et dans un monde où les crises et les catastrophes se multiplient, il serait temps que les enjeux de cette solidarité nationale - que chacun appelle de ses vœux - soient enfin clairement explicités, à l’échelle individuelle, collective, et dans la sphère économique, pour en faire un véritable levier de résilience plutôt que de perpétuation d'un ordre économique inégalitaire et à bout de souffle.

[1] Les quelques rares groupes qui les partagent font l’objet d’articles de presse, c’est dire !  https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/03/27/coronavirus-chanel-renonce-au-recours-au-chomage-partiel_6034693_3234.html

[2] Le gouvernement impose le blocage partiel des dividendes pour les entreprises qui auront bénéficié d’aides publiques pendant l’épidémie, le Monde, 28 mars 2020

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