Castagniccia-Casinca : à Nocario un "Hors-les-murs" multi-critères

Opération Hors-les-Murs en Castagniccia-Casinca pilotée par la Maison de l'Architecture de Corse (MAC ) et le Conseil Architecture Urbanisme Environnement de Corse (CAUE).

Quelles sont les attentes de l'intercommunalité Castagniccia-Casinca ( 42 villages) , dans le cadre d’une équation tourisme-patrimoine-paysage? Comment recréer des flux actifs entre littoral et montagne? Bien plus qu’un voyage en terre inconnue… ces constats Hors-les-Murs, et en juin des projets finalisés de l'ENSA-Nantes, conduisent à des propositions  et des solutions. La Communauté de Communes Castagniccia-Casinca pourra s'en inspirer pour ses réalisations architecturales  ses équipements, ses partenariats et ses politiques publiques dédiées au tourisme. 

Première étape:  les visites des villages et des sites, pour mettre en lumière et ensuite traiter, sans déni, ni fatalisme, tous les maux et les atouts de la ruralité.

A Nocario, à la Casa Paoletti du Parc Naturel Régional, le maire Paul Battesti et les étudiants et professeurs de l'ENSA-Nantes élaborent un diagnostic multi critères des projets et handicaps de la Castagniccia-Casinca. Ce 15 mars, après Campile et Folelli, ce « Café-Archi » pédagogique et ultra documenté a rythmé la semaine d’immersion panoramique offerte aux étudiants architectes de l’Ecole Nationale Supérieure d'Architecture ENSA-Nantes dans le cadre d’un Hors-Les-Murs en Castagniccia-Casinca. 

Dans la perspective de leurs projets de fin d’études (PFE-ENSA), cette visualisation globale des étudiants induit des pistes de réflexions, depuis l’histoire des domaines agricoles et de leur drainage en plaine…jusqu’aux partenariat avec le PNRC et le Plan national Avenir Montagnes de la Castagniccia-Casinca. Stephane Orsini Directeur du Patrimoine de la Castagniccia-Casinca: « il ne s’agit pas de commandes en architecture de l’intercommunalité, les premiers intéressés sont les étudiants qui s’exercent ainsi, en direct et en temps réel, sur un territoire pris dans sa globalité. Ce qui nous intéresse? Ce regard neuf de jeunes professionnels, en lien avec notre plan de relance de la montagne. A priori, ils sont plus créatifs et plus inspirés que nous, qui sommes immergés au quotidien dans une réalité que nous ne voyons plus…Cette opération est une pépinière de projets et comme nos anciens qui ont greffé des châtaigniers, nous pourrions nous aussi greffer quelques idées! ».

Résultats de ces premiers repérages titrés « Sentiers du Savoir »? Stephane Orsini : « les étudiants-architectes constatent que nos sentiers ont perdu la totalité de leurs fonctions originelles de liens entre lieux de vie et activités économiques. Que leurs survies ne sont dues qu’aux loisirs outdoor et sports de pleine nature. Comment re orienter ces chemins ancestraux vers les fonctions apprentissage et transmission de l’identité des territoires et vers quels publics? Comment compenser cette perte d’utilité par d’autres usages pour recréer des connexions, y compris immatérielles, entre sentiers, habitants, territoire ? » Elu depuis 1983, le maire Paul Battesti, castanéiculteur, a dressé le tableau de sa commune à travers l’évocation passionnée et émouvante de ses hameaux, de sa géographie, de son patrimoine religieux, de sa population passée et actuelle.

Hector Giudicelli, qui cultive des châtaigniers sur « 12 hectares non mécanisables » a synthétisé les handicaps de la châtaigneraie : vieillesse du verger, absence d’une pépinière opérationnelle, tentatives manquées de greffage, rendements en baisse, cynips et chancre, sécheresse et divagation animale, qui impacte les replantations et les coûts des clôtures.François Geronimi, directeur du PNRC, a évoqué l’installation d’un point d’information touristique en collaboration avec l’intercommunalité.  Jacques Casta (Service Randonnée), a détaillé les missions des sentiers, l’accompagnement des communes, de l’intercommunalité au profit des associations de trails dont la Via Romana. Loisirs sportifs: quel équilibre installer entre la fréquentation et la préservation des sentiers, les capacité d’accueil des villages voire l’acceptabilité des habitants? Comment faire évoluer les refuges du GR 20, la limitation des capacités, les enjeux environnementaux, les milieux fragiles abritant des espèces à forte valeur patrimoniale ? Hector Giudicelli et Pantaléon Alessandri ont évoqué les Sentiers des Arbres (Nocario) et le projet Sentier des Moulins . 

Jean-François Stefani a présenté le trail de Piedipartino et la piscine naturelle communale L’Onda : « la Castagniccia est passée de l’état de verger à celui d’une jungle où les milieux se ferment, recouvrant les traces de civilisation. Les trailers permettent de réouvrir les espaces, de se déplacer sur le territoire,  pour les visiteurs et les populations locales. »

Vannina Bernard-Leoni de Terra è Ghjente d’Orezza, a lancé l’hypothèse d’un tiers-lieu de rencontre et de coworking. Alain Wagner permaculteur en maraîchage à Verdese et »entrepreneur raisonnable du rural », a démaquisé 3 hectares pour implanter sa microferme. Doria Bellache, doctorante en Anthropologie et Environnement au Muséum National d’Histoire Naturelle : « il faudrait, en premier lieu, créer le désir de revenir autrement que pour un week-end avant même de penser aux conditions de ce retour…Ces zones à l’accès difficile et dépourvues de services manquent d’habitants pour reprendre la main. »          

Claude Puaud, Architecte Enseignant ENSA-Nantes confirme: « ce parcours Hors-les-Murs conduit à des hypothèses, des lectures des paysages et des villages. Au sein des écoles d’architecture, la ruralité intéresse énormément les étudiants, comme un nouveau besoin prioritaire sur la problématique urbaine. Nos étudiants veulent comprendre comment la ruralité se construit ou se reconstruit? Selon quelles chaînes des possibles ? C’est un voyage humain pour écouter et propulser des idées, la différence entre une maison préfabriquée et le travail d’un architecte, en dialogue direct avec l’habitant. » Dotés d’une capacité d’écoute remarquable, les 24 étudiants en architecture intègrent ces diagnostics pour réaliser leurs projets de fin d’études autour d’un plan-guide global, sur lequel se greffe un projet des enseignants pour un label Territoire d’Innovation Environnement.

Liliane Vittori