La victoire d’Emmanuel Macron à la présidentielle et la razzia que La République En Marche effectua lors des élections législatives fit entrer une grande partie du monde politique français dans une nouvelle phase. Aujourd’hui chacun veut la réussite du « roi » et de son gouvernement. La présidence est-elle royale de par son action ou de par la considération qu'on lui porte ?
Nombreux sont ceux qui soutiennent l’ « action présidentielle » et la « réussite du quinquennat ». L’attitude de Stéphane le Foll au cours des douze derniers mois est significative. Lui, le pur hollandais, annonçait soutenir Hamon tout en précisant qu’il pourrait voter Macron. Il fut aussi de ceux qui souhaitaient la réussite de la majorité. Au final, simplement en fonction de ses intérêts propres, son discours changea. En effet celui-ci est candidat à la direction du Parti socialiste. Pour servir cet objectif il a récemment déclaré que pour lui, Emmanuel Macron était un « président de droite ». Le Foll est sans doute cette exception qui va confirmer la nouvelle règle politique qu'est le soutien au « roi ». Un absolutisme de circonstance se développe dans l’arène républicaine.
Intrigues de cour républicaine
Aujourd’hui il est bien vu que de soutenir l’effort national et donc de soutenir le pouvoir macroniste. Même si certains sont contraints à ce soutien de par leur parcours et leur situation. Le meilleur des cas est celui de Manuel Valls. Celui-ci pensait posséder une route toute tracée qui le mènerait vers l’Elysée. Lui et Emmanuel Macron connurent ensemble ce qui fut nommé « les frondeurs ». Cette gauche qui les rejetait. Il est intéressant d’observer les termes qui se recoupent à travers l’Histoire. Louis XIV avant de devenir le roi absolu des livres d'histoire, connu les humiliations de la Fronde (1648-1653) durant son enfance. Cette révolte de la noblesse qui mit à mal le pouvoir royal grandissant (sous Henri IV et Louis XIII).
Son frère, Philippe, le Duc d’Orléans, cette Fronde, l'a connu tout autant. Cette fronde canalisa l’obsession du roi soleil vis-à-vis de la noblesse. Il fallait pour lui, la tenir, la rendre dépendante de son pouvoir. C’est ainsi qu’était née l’idée consistant à réunir les nobles autour du roi, à Versailles. La Cour itinérante prenait alors fin. Une Cour centralisatrice tout comme l'appareil qu'est devenu le parti présidentiel, sous la coupe de Christophe Castaner (délégué général de La République en marche!).

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Macron par son action semble ressentir les mêmes craintes politiques que l’ancien roi absolu. Cette gauche qui pourrait faire vaciller son autorité dans les bancs de l’hémicycle sont ces nobles qui, établis dans leurs régions respectives, loin de l'autorité centrale, pouvaient remettre en cause le pouvoir royal. Manuel Valls depuis son « Duché » d’Evry pensait ravir la couronne. Au final tout comme le Duc d’Orléans il reste dans l’ombre. Philippe d’Orléans qui malgré quelques succès militaires lors de la Guerre de Hollande (1672-1678) ne put être autre chose que le frère du roi. Par jalousie et sûrement par crainte de voir la popularité de son jeune frère surpasser la sienne, Louis XIV éloigna celui-ci de tout pouvoir.
Emmanuel Macron fit de même, tout en acceptant la fidélité et les services de Valls, il fait en sorte de l’éloigner de toute responsabilité. En témoigne aujourd’hui, la situation du député d’Evry, qui reste « apparenté » au groupe de La République En Marche, ce qui ne fait toujours pas de lui un membre à part entière. L'éducation que reçut Philippe d'Orléans qui consistait à l'infantiliser et à le féminiser est comparable au comportement qu'adoptait Valls envers son ministre de l'économie. Mazarin ou cardinal Mazarin (principal ministre d'état de Louis XIII, le père de Louis XIV) donna cette éducation au frère du dauphin afin de faciliter l'arrivée au pouvoir du futur Louis XIV. Manuel Valls , pour sa part, surnommait Macron « le microbe ». Ce traitement n'aura pas suffit.
« Le Roi est mort ! Vive le Roi ! »
Alors ministre de l’économie sous Hollande, l’actuel président de la république fut décrit comme un « tribun au populisme désinvolte ». L’auteur de cette saillie n’est autre que le premier ministre actuel de notre pays, Edouard Philippe. Membre de Les Républicains, celui-ci était dans le cercle des plus influents juppéistes du parti. En effet, alors maire du Havre, bien qu’inconnu du grand public, il était une des valeurs sûres de l’entourage d’Alain Juppé. Ce dernier devait être le champion de la droite pour 2017. L’histoire en décida autrement. C’est ainsi qu’Edouard Philippe dût se tourner vers le dauphin de sa ligne politique, le futur président de la république. Le « roi » sut récompenser le serment de son nouveau vassal. Un titre lui fut donc accordé.

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La cour s’agrandissait pour le plus grand bonheur du pouvoir naissant tandis qu’Edouard Philippe devenait premier ministre tel un Jean-Baptiste Colbert (secrétaire d'Etat de la maison du Roi, sous Louis XIV) qui sut monter dans la hiérarchie de l’Etat grâce à ses relations. Il est amusant de se faire la réflexion suivante : il est peut-être heureux pour Manuel Valls de n’avoir pas été convié aux intrigues royales de notre gouvernement. Edouard Philippe aurait pu alors provoquer un destin semblable à celui de Nicolas Fouquet (surintendant des finances sous les ordres de Mazarin), tombé dans la disgrâce royale sous l’impulsion de Colbert. Comme tout bon sujet, celui-ci encourage l’action présidentielle mais n’abandonne pas l’idée de s’affirmer.
Tout comme le Duc d’Orléans par ses capacités militaires, Valls entend se distinguer dans son combat pour la laïcité. Cependant il ne fait rien qui pourrait remettre en cause l'autorité suprême de l'Etat, ce qui exclut toute critique direct contre le président de la République. Tant que certains aimeront un roi, celui-ci existera. Macron l’avait lui-même dit : « La France est en manque d’un roi ». La classe politique française montre plus que jamais son caractère bonapartiste, ce désir de croire en un homme providentiel, garant de la raison d'Etat.
Le Principat macroniste
Le génie d’Octave (Auguste, l'homme d'Etat romain) fut de conserver les institutions et titres républicains tout en concentrant tous les pouvoirs dans sa main. Par ce biais il ne fut jamais officiellement empereur, même s’il en possédait tous les atouts. Ainsi il créa le régime du Principat. Parfois il confiait alors des titres et fonctions à ses proches afin de se décharger officiellement du pouvoir tout en le gardant. Ainsi cet imaginaire faisait que la population pensait toujours vivre dans un régime qui n’était plus. Là se trouve le malheur politique de Laurent Wauquiez (président de Les Républicains). Celui-ci ne représente aucunement une alternative, car la ligne politique générale qu’il pourrait incarner est déjà en action. Il ne peut se différencier qu’en menant la « fronde ». C’est pour cela qu’il adopte une ligne, qui est loin de celle des Constructifs (groupe parlementaire de droite soutenant le gouvernement) à l’Assemblée Nationale. Tel Charles le Téméraire face à Louis XI, il se doit de tuer la figure du roi, s’il souhaite exister politiquement.
Les premiers vœux à la presse du président de la république furent un moment symboliquement important pour le quinquennat. C’était là une occasion de réaffirmer le pouvoir présidentiel sur la société. Beaucoup repose sur l’image de ce pouvoir, c’est sa capacité à s’imposer dans les esprits qui en découle. La première crise politique que dût affronter Macron est celle qui l’opposa à Pierre de Villiers, alors chef d’Etat-major des armées. Tout comme Louis XIV face à l’Eglise catholique, le président devait imposer sa vision et son pouvoir à une institution puissante. Ces vœux eurent alors une saveur et une disposition particulière. Ceux-ci se déroulèrent sans accorder aux journalistes présents la possibilité d’interpeller le président sur des questions d’actualité. Le président ne s’exprime que dans un cadre précis, comme lors de son interview avec Laurent Delahousse dont le caractère plus qu’indulgent était risible à plus d’un point. Ceci est un autre caractère indicateur d’un pouvoir « royalisant ». Il suffit de traverser les Pyrénées pour trouver une situation semblable. En Espagne il est interdit aux journalistes de poser des questions ou d’aborder Felipe VI, un véritable roi au plan institutionnel au contraire d’Emmanuel Macron.
Le corps du roi se veut inaccessible, en retrait du reste de la société, en dehors de la normalité. C'est la sacralisation qui s'opère à travers le corps du leader. Mais pouvons-nous imaginer un nouveau complot de Latréaumont (1674), qui visait à renverser Louis XIV afin d’instituer une république, deux cents ans avant la Révolution Française ? Par cela nous pouvons entendre une fronde de grande envergure ou une révolte parmi les vassaux marcheurs. Le socle se veut républicain mais l’image est bel et bien monarchique. Quel que soit le contexte ou l'époque : est sujet celui qui veut l'être.