Lucien Atencia

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Billet de blog 29 juin 2022

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La cohérence de Fabien Roussel.

On imagine très bien quelle surprise et quelle émotion ont ressenti les communistes qui avaient vu et entendu Fabien Roussel à l'issue de sa rencontre avec Emmanuel Macron.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Tout ce que je vais écrire ici est vérifiable si on a le courage de remonter mon mur sur Facebook ou de consulter le présent blog. En effet, je me suis fait un devoir, à mon âge, de participer à la campagne de Fabien Roussel, candidat du PCF à l'élection présidentielle, en publiant toutes les vidéos de ses interventions avec mes commentaires. Je ne suis pas qu'un récepteur. Je crois savoir de quoi je parle et j'aurais souhaité que ce soit bien plus souvent contesté sur le fond. Dès les premières interventions de mon candidat, j'ai été intrigué par certains de ses propos qui me sont apparus comme “discursifs” du meilleur de notre tradition.

Très vite, j'ai été surpris par le nombre de micros qui se tendaient vers lui, différence considérable avec le sort habituellement réservé par les médias à un dirigeant communiste. La presse écrite aussi se montra étonnamment bienveillante, notamment le JDD qui le fut à plusieurs reprises et que je qualifie de longue date de “journal officiel du pouvoir”.

Puis vinrent, presque quotidiennement, les éloges de nombreuses personnalités de droite et d'extrême droite que les communistes trouvent toujours sur leur route pour s'opposer, en les caricaturant, à leurs convictions. Les mêmes qui alimentèrent l'odieuse campagne contre mon ami Georges Marchais, "ce sale engagé volontaire du STO". Il y en eut bien d'autres.

On les retrouve tous aujourd'hui vent debout contre la Nupes. Peu à peu, je pris conscience que Fabien Roussel ne faisait pas souvent que "déraper" mais qu'il mettait en œuvre une stratégie de campagne calculée et assumée, mais non validée par notre congrès. Chaque dérapage ou presque était suivi d'un correctif, preuve que je n'avais pas été le seul à le remarquer.

Mais les choses devinrent plus graves quand j'eus la stupeur de voir notre secrétaire national et le président de notre groupe approuver par leurs votes la gestion de la crise sanitaire du gouvernement d'Edouard Philippe. C'est cette gestion qui révéla la dramatique situation de l'hôpital public et que notre pays était en pénurie de tout. Ce qui conduisit la totalité des sénateurs et la moitié des députés communistes à voter contre. Ces votes contradictoires sont très rares dans notre parti, chacun le sait.

Il y eut aussi les épisodes trop connus de la manifestation de policiers devant l'Assemblée nationale, en compagnie du ministre de l'Intérieur qui juge molle la raciste et de députés du RN; la saillie contre les intellectuels, la loi contre le séparatisme, la chasse à l'islamo-gauchisme, la négation que des policiers commettent des crimes, la prise de position contre les immigrés déboutés du droit d'asile... Cette dernière conduisit le secrétaire de la fédération CGT des cheminots à réagir vigoureusement. La liste est très longue.

Puis vint dans le pays la nette montée de l'aspiration à éliminer la raciste dès le premier tour et obliger Macron à affronter un candidat de gauche. J'ai très vite compris qu'elle allait bénéficier d'une dynamique qui pouvait la rendre victorieuse. J'ai milité pour que mon parti, les partis de gauche et écologiste en soient partie prenante plutôt que de la combattre. J'ai proposé que Fabien Roussel prenne une initiative publique en ce sens, des dirigeants de notre parti firent la même chose dans nos instances régulières. Tous, nous n'eurent pour seule réponse que le “vote utile”, ce qui fit de Mélenchon la seule incarnation d'une aspiration majoritaire dans le peuple de gauche et au-delà !

Cela appartient au débat mais si cette explication reste la cause de ce qui nous arrive et d'un déclin qui se poursuit, nous ne sommes pas près d'en sortir. La punition sera la même que celle qui a suivi celle qui prétendait que ce dernier était dû à ne pas avoir présenté de candidat aux deux dernières élections présidentielles, préférant soutenir Mélenchon. Très vite aux yeux de beaucoup de camarades, il devint la cause de notre déclin, interprétation abondamment relayée par nos dirigeants. En vérité, c'est parce que nous étions déjà en déclin, comme les autres partis communistes dans le monde, qu'à deux reprises, nous n'avons pas présenté de candidat. Le résultat historiquement faible obtenu par Fabien Roussel, comme celui obtenu par la liste conduite par Ian Brossat aux dernières élections européennes montrent qu'il ne suffit pas de dire que leurs campagnes étaient belles et faire porter la faiblesse de leurs scores sur d'autres pour comprendre ce qui les a produits.

J'en viens à la période récente qui a vu, le 10 avril, déferler un tsunami politique qui ensuite a permis la naissance de la Nupes et modifié profondément le paysage. Je n'ai pas été le seul à constater que Fabien Roussel considérait ce qu'il avait signé comme un simple accord électoral qui permettrait d'obtenir un groupe et qu'en conséquence, il ne participait pas aux initiatives nationales de la jeune Nouvelle union populaire écologique et sociale, dont il disait du mal à chacune de ses interventions tandis que les dirigeants des autres composantes en faisaient la promotion, dans une démarche toujours unitaire.

La différence de comportement a été repérée par les millions d'électeurs qui venaient d'accorder leurs suffrages aux candidats de la Nupes, estimant que les propositions transformatrices (650) qu'ils portaient leur seraient très utiles. Peu l'ont fait en espérant que la Nupes disparaissent dès les élections passées et les groupes parlementaires obtenus.

Je pense singulièrement à ceux du Nord qui ont réélu Fabien Roussel, ce qui nous réjouit tous.

Je passe rapidement sur les belles paroles que lui ont adressées Gérald Darmanin, la première ministre et une bonne partie de la macronie extasiée et sur l'épisode qui a conduit le secrétaire national du PCF à mettre en valeur, pour la candidature à la présidence de la commission des Finances, la proposition d'une dirigeante socialiste, auréolée d'un véto mis par le premier secrétaire de son parti à sa propre candidature, pour cause de dissidence à la Nupes. Il est vrai qu'elle avait été sollicitée par Emmanuel Macron pour être première ministre.

J'en viens au post qui me vaut jusqu'à des insultes. D'abord pour présenter mes plus sincères excuses aux camarades qui ont considéré que je les incriminais. Ce n'était absolument pas mon intention mais de parler du PCF au lieu de Fabien Roussel a été plus qu'une erreur de ma part même si elle prouve aussi que je ne poursuis pas des objectifs personnels.

Ce post a été provoqué par la réaction qu'a eu Fabien Roussel à sa sortie de l'Elysée, après sa rencontre avec Emmanuel Macron. Je parle ici du direct qui en a rendu compte intégralement, pas des vidéos édulcorées qui ont suivi ni des correctifs apportés par Fabien Roussel lui-même.

Je l'ai regardée avec en tête tout ce que je viens de rappeler ici. Je n'ai donc pas été surpris mais outré de constater que notre secrétaire national osait proférer qu'il était prêt à collaborer avec le président des riches si les circonstances le permettaient et pour appuyer sa proposition, en faisant référence à l'après-guerre, au CNR et à un prétendu gouvernement d'union nationale. Celui du général de Gaulle n'en était pas un puisque les forces qui avaient collaboré avec l'ennemi en étaient exclues, tandis que le PCF pesait 28, 6 % des voix, que le programme du CNR était révolutionnaire pour l’époque. On imagine très bien quelle surprise et quelle émotion ont ressenti les communistes qui avaient vu et entendu Fabien Roussel. Très fortes, elles furent encore amplifiées quand ils apprirent que le chef de l'état n'avait pas abordé ce sujet avec les autres dirigeants de partis. Il devint l'objet de bien des conversations dans les familles de communistes. Les camarades ne parlaient plus que de ça. Nous en avons tous été témoins, la direction de notre parti aussi. Outre les tentatives de corrections de Fabien Roussel, il a fallu que le président du groupe et le directeur de "L'Humanité" viennent, avec l'autorité et la justesse nécessaires, remettre les choses à l'endroit. J'espère que ce seront leurs paroles que retiendront nos concitoyens.

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