La révolte des Métayers dans le Bas-Adour de 1919 à 1920 !
- 7 janv. 2021
- Par Marc Etxeberria Lanz
- Blog : Le blog de Marc Etxeberria Lanz
Ce premier épisode détaille le triple concours de circonstances qui va me révéler ces événements.

Indispensable pour comprendre les conditions structurelles d''asservissement des Pique Tarrocs des siècles passés !
Dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, qui date de 1755, Jean Jacques Rousseau écrit à propos du premier accapareur qui a dit : « ceci est à moi » : « Gardez-vous d'écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne.»
Et pourtant notre JJ national n'était pas un révolutionnaire loin s'en faut !
Poursuivons avec cette remarque de celui qui, à l'inverse du promeneur solitaire et herboriste genevois, est considéré comme un révolutionnaire, Maximilien Robespierre. Le 24 avril 1793, il déclare à la Convention :
«(...) il ne fallait pas une révolution sans doute pour apprendre à l'univers que l'extrême disproportion des fortunes est la source de bien des maux et de bien des crimes, mais nous n'en sommes pas moins convaincus que l'égalité des biens est une chimère.»
Ensuite il va justifier cette sentence avec tout le talent oratoire qu'on lui connaît, la défense de la Propriété ! Je laisse à chacun l'interprétation de ces écrits.
Je poursuis avec les commentaires du Camarade Jojo Darricau que j'ai piochés dans Aperçus d'histoire sociale en Aquitaine N° 75 du 4e trimestre 2004.

- Un partage outrancier des récoltes en faveur du propriétaire
- des corvées qui se traduisaient par des journées de travail gratuites toujours chez le propriétaire
- la livraison à toutes les fêtes réactionnaires de chapons, d'oies grasses, de poulardes, de jambons et j'en passe !
Avec en prime la menace perpétuelle de se faire expulser au renouvellement du bail et surtout d'être marqué au "fer rouge" en cas de velléité contestataire.
Et Jojo de conclure : " Le statut de métayage était encore en 1920 un statut de servage."
Si nous n'étions pas revenus au pays natal, je serais resté dans l'ignorance de la révolte des Piques Tarrocs. Après cette page historique, venons-en à présent au triple concours de circonstances qui m'a fait revivre cette histoire, toujours accompagné de mon sac à dos et de mon appareil photo.
Première point : mes origines familiales landaises ?
Comme j'avais eu la riche idée d'interviewer ma grand-mère landaise, Marthe Descoustey, durant plus de 3 heures, j’ai eu la réponse. À la question qui pouvait fâcher : « Alors la famille Marsacq (du nom de son père), propriétaire ou métayer ? »
Et elle m'avait répondu instantanément : « Propriétaire. Notre père était propriétaire de la ferme ! »
Puis elle m'avait raconté avec force détails toute son histoire. Avec au passage ce drôle de charançon qui avait failli ruiner son père à trop vouloir jouer avec le meunier ! La spéculation a parfois des limites naturelles à ne pas dépasser. J'avais bien aimé ce passage.
Elle m'avait aussi confirmé que les mariages de l'époque tenaient plus d'arrangements familiaux que de rencontres amoureuses. C'est ainsi que deux de ses sœurs que j'avais bien connues épousèrent des propriétaires agricoles.
Quant à la troisième, l'adorable Tatie Berthe, elle épousera un riche industriel landais qui possédait des métairies dont une dans le Sauternes. C'est peut-être la raison qui a fait que je suis passé à côté de cette histoire dans ma jeunesse révolutionnaire landaise, le Sauternes de Tatie Berthe ayant eu certainement des vertus euphorisantes ! Car elle me le servait à volonté lorsque j’avais fini de lui passer le motoculteur dans le jardin jouxtant la scierie ayant appartenu à son mari.
Seconde alerte : une manifestation ordinaire du mois de décembre 2019 allait me renvoyer vers cette mystérieuse révolte.
A cette époque de l'année, monsieur le Président de la République ou selon une appellation autre confirmée par la suite au parlement, le Sieur Pinocchio 49 - 3 s'échinait à rendre dans les années à venir les dividendes aux capitalistes qui l'avaient aidé à se hisser sur le pavois lors de son élection. Il vendait aux plus offrants une arnaque appelée réforme des retraites.
À la fin d'une dispersion d'une manifestation au milieu de Pottokak bleus blindés jusqu'aux dents, j'avais décidé de rentrer à pied de Bayonne à Tarnos en passant par le bois de Castillon.

En revanche, j'ignorais qui était Alexandre Viro. Et c'est encore Jojo Darrcau qui m'a raconté l'engagement syndical de ce personnage assez extraordinaire lors d'une réunion de l'IHS CGT à Mont de Marsan !
Et même s'il s'en défend, avec Jojo ça décoiffe tout le temps ! L'histoire sociale qu'il raconte, c'est du beau phrasé poétique, mais aussi du consistant, du lourd, de l'inconnu révélé.
La chance de le côtoyer surtout pour un apprenti historien social de retour dans les Landes !
Un discours à des années lumières de la non pensée des mulards du capitalisme toujours au taquet dans leur conception orwellienne de la vie à dix-neuf cent quatre-vingt-quatre années près !
Et qui dit mulard, dit canard gras, et qui dit canard gras, dit gavage pour ceux qui n'ont pas les codes landais de l'interprétation du capitalisme marquetée par les perroquets habituels !
Sans détailler tout ce que m'a raconté Jojo sur l'histoire d'Alexandre Viro, en voici un court résumé : ce fut un syndicaliste CGT qui devint un militant lorsque Joseph Desarménien alors responsable du syndicat CGT des Forges de l’Adour fut rappelé au front en juin 1918.
Et comme tout bon défenseur de la seule force de travail qui crée de la valeur, Alexandre Viro allait avoir les pires ennuis avec les services habituels de l'État bourgeois, j’y reviendrais dans la balade Tarnosienne qui lui est consacrée.
Mais laissons là provisoirement mes camarades CGT pour nous rendre à Saubrigues ce samedi 12 septembre 2020 !
Troisième et décisive avancée historique lors de la conférence organisée par la société de Borda. Elle relate de façon savante et passionnelle la révolte des métayers.

A la tribune devant une assemblée studieuse et masquée, chaque orateur dans son domaine, faisait revivre la lutte féroce des gens de peu contre cette caste de mestes sans foi mais forts d'une loi qui les protégeait dans le plat pays.
Certains noms de propriétaires me renvoyaient à mon enfance. Ils étaient déjà présents en 1920. Un siècle de domination ce n'est pas mal tout de même. Passons !
La dernière intervention de Vincent Sécheer fut percutante ! L' Association D'Aci Qu'em avait même converti cette révolte en pièce de théâtre vivante.


Je préfère ne pas me prononcer sur cet acte, j'ai toujours pensé que tout compromis est une victoire des dominants. On en pense ce que l'on veut, je persiste et je signe. Surtout lorsqu’on étudie de plus près la répression qui suivit chaque recul des mestes, ou plus tard des valets des capitalistes toutes castes confondues.
Malgré ces accords, le combat des métayers allait se poursuivre contre des mestes revanchards. Mais avant d'aller plus loin il faudra que je reprenne mon sac à dos en pays de Gosse ou du côté de la Chalosse pour en apprendre un peu plus.
Et pour ceux qui veulent compléter ces informations succinctes, il faut aussi étudier la loi 44-682 du 13 avril 1946 sur le statut du fermage et du métayage. Mais ceci est une autre histoire même si elle n’est que le prolongement ou l'aboutissement, diront certains, des évènements de 1919 – 1920 !
Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.