Le second billet confiné est une somme d'Imprévus
- 23 nov. 2020
- Par Marc Etxeberria Lanz
- Blog : Le blog de Marc Etxeberria Lanz

Jusque-là tout allait bien, j'avais même réussi à enlever les balais. Car il faut savoir que tout ce qui touche à la technique me donne des crises d’angoisse. Et cette angoisse se transforme parfois en panique !
Prenons cet exemple. A l’armée, j'étais pilote de char dans la 2ième DB. Je devais réaliser la vidange classique de mon char, un AMX 13 baptisé Douaumont ! Et bien ce jour-là j'avais réussi le tour de force de percer le carter d'huile blindé car je m'étais trompé de vis. Et comme j’avais forcé comme un malade à l'aide de la clé dynamométrique, j'avais flingué le carter.
Ma maladresse congénitale m'ayant évité le cachot, j'avais dû juste me rendre à Satory pour changer de moteur, comme une nouvelle guerre se préparait contre les russes ! Je vous assure, j’avais rejoué la bataille de Koursk contre les T-64 imaginés par nos stratèges allumés du côté de Carpiagne ! Je me suis aussi battu à Mourmelon contre Guderian et ses panzers et j’ai défilé avec la 2ième DB devant Giscard !
Satory est l’horrible camp où furent parqués mes Camarades communards avant leur déportation ou leur assassinat par fusillades réglementées par les Versaillais aux ordres de Thiers ! Mon compagnon de marche Élisée Reclus avait échappé à la déportation et au peloton d'exécution mais pas à l'emprisonnement du côté de Quélern !
Pour ne pas renouveler une nouvelle « Dan Carter », je restais bien concentré pour mettre les balais neufs en place. Jusqu’à ce que je tourne la tête vers la fenêtre où je venais d’apercevoir la future icône des Imprévus, Sandra. Surpris, comme si j’avais vu la Marie de Massabielle, oui, je sais elle est lourdes celle-là !, j'ai lâché la tige de fer qui attendait le balai neuf. J'ai alors lâché le bras dénudé qui est venu frapper violemment le pare-brise et le fissurer sous l'onde de choc. Direction le garage pour le changer !
Ce qui déclencha un sacré fou rire chez Sandra. Car je suppose que c'était la première fois de sa vie et peut-être la dernière, qu’elle voyait un changement de balais d'essuie-glace et une casse de pare-brise au même moment et en direct !
C'est cet incident qui fut à l’origine de la constitution d'un groupe de randonnée les Xitaké. Groupe qui ne cessera d'évoluer à cause des aléas de la vie ou au gré des différentes mutations. Bien sûr je ne vais pas détailler toutes les sorties que nous avons effectuées, je vais juste te raconter les personnages tels que je les ai perçus.
Comme je n’ai pu aller la saluer lors de cette boucle historique, je vais commencer par adresser un clin d'œil particulier à notre Gégé !


En principe on parcourt les 4 premiers kilomètres le long de la petite route, on enchaîne les 4 autres suivants au cœur du domaine dunaire le long d'un sentier encadré avant de pénétrer dans un paradis aux couleurs féeriques.
Ceci montre tout simplement que dieu et ses ténèbres ne sont là que pour soigner les névroses, certainement pas les harmonistes reclusiens pour qui dieu est juste une affabulation de type freudienne.
Or ce jour-là comme nous avons tourné à l'envers, après la longue traversée de la baie en parallèle au dune du Marquenterre, le franchissement de la dernière dune déclencha une véritable rébellion. La meneuse n'était d'autre que Gégé.
J'ai encore son regard imprimé dans une mémoire que je consacre aux traumatismes ou aux catastrophes de la vie. La violence de ses beaux yeux resteront à tout jamais dans mon cortex comme un cauchemar assuré. Bon depuis la petite s'est bien rattrapée mais mon dieu, ce regard sorti de l’enfer de Dante ! Glaçant !
Autre salut amical au général Leclerc, la seule randonneuse qui au point de rendez-vous à Domont s’est précipitée dans un hypermarché car elle avait oublié son ravitaillement. Vu l’enseigne et mon ancienne affection à la 2ième DB, son surnom était tout trouvé !
Afin de saluer le noyau dur du groupe, je m'étais programmé une balade solitaire au départ de la place des essuie-glaces au collège les Mousseaux.
Juste un petit point à propos des essuie-glaces, la dernière fois que j'ai dû les changer, comme nous étions en Haute-Vienne avec les deux autres grands-parents et les deux petits créolisés, j'ai demandé à Fred de le faire ! Nickel ! Aucun incident à signaler ; ils marchent parfaitement, merci Fred !
Derrière le collège et le lycée où ont été scolarisés Maider et Patxi, j'empruntais un joli sentier qui longe le stade. La première station se situait au collège suivant où sévissait Sandra. Le terme station est employé dans le cadre d'une randonnée harmoniste et non dans une quelconque procession. Olivier et Sandra habitaient dans ce collège. Sandra n'était autre que la célèbre Pom-Pom-Girl des Xitaké.

Eh bien Sandra a expliqué en 10 minutes qui j'étais alors que mon Coquelicot préférée n’a pas réussi à le faire en 35 ans de vie commune, continuant à mélanger l'acteur forcé par la société du spectacle capitalisée jusqu’à la mort et le citoyen du monde de confession reclusienne. Bravo Sandra ! Respect pour la justesse de ton appréciation et la découverte de ce petit transistor posé à l’intérieur de mon cerceau !
Les autres vous n’aviez qu’à être là ! Quant à la fonction de Pom-Pom-Girl des Xitaké, on la doit à mon illustre camarade de l'ACER, Georges ou Jordi pour les intimes ! Un jour que nous étions en randonnée en forêt de Chantilly, il avait entendu Sandra me vouvoyer. Et il lui avait demandé : « Je peux savoir pourquoi tu vouvoies Marco ? Tu dois être la seule en France ? ».
Non, j’en connais une autre qui me vouvoie : la dame au regard d'acier, Gégé ! Comme Sandra avais bafouillé une réponse sans queue ni tête, Georges l'avais baptisée la Pom-Pom-Girl ! Ça lui est resté, à tel point que ce matin, Kattalin m'a dit : « Tu penseras à souhaiter l'anniversaire de ta Pom-Pom-Girl ! »
Car pour moi le vouvoiement est un signe de hiérarchisation sociale qui est incompréhensible pour un harmoniste reclusien puisque 1 = 1 !
Je poursuivais ma balade historique en empruntant la nouvelle passerelle d'Holzarté pour enjamber la francilienne avant de rejoindre les champs qui jouxtent les vieux pays de Villepinte et de Tremblay ! Je l’avais baptisé ainsi car à l'époque Nelly Rolland était la maire basque légitime de Villepinte avant que l'usurpatrice style Louis XVI ne lui pique la place avec l’aide de magouilles pas très nettes d’un Front de gauche lézardé !
Pour moi Nelly sera toujours la légitime à cause de la passerelle d’Holzarté ! J'ai même fait avaler cette galéjade du nom de la passerelle à belle-maman lorsqu'elle était venue nous voir. Qu'est-ce qu'ils sont crédules ces basques dès qu'ils sortent de leur traditionnel Herriko !
J'avais rejoint le vieux pays après avoir traversé le parc du château bleu, avec l'idée de découvrir la grange dîmière et de m'arrêter sur la place Rol-Tanguy.

C'est là que se situe la deuxième station souvenirs !
Quelques années plus tôt, nous avions fêté notre délivrance ici-même avec Marie et Mikel !

« Chéri, oh, là, là, il a encore neigé, tu devrais intervenir, ça doit être très dangereux !
− Oh, oui ma mie, dès que j’en aurais terminé avec le nectar qu’Augustine m’a préparé et dégusté sa madeleine, je vais intervenir avec fermeté comme toujours lorsque il s’agit de brider les libertés publiques ! »
Du coup, on s’est retrouvés comme des cons mais nous n'étions pas les seuls dans ce cas ! Si c’est pas du floutage de gueule comme aurait pu le dire un tout petit ministre de l’intérieur ! Alors une jeune athlète se mit à enguirlander un garde qui n'y était pour rien ! Puis elles escalada la grille verglacée au risque de s'empaler ! N'importe quoi ! Nous, nous sommes rendus à la porte de la grille indiquée par le garde qui allait venir nous ouvrir. Une sacrée aventure tout de même avec Marie et Mikel. Si mes souvenirs sont bons, le petit blanc que Mikel avait emmené était un Gewurztraminer ! Il rectifiera si ce n'était pas le bon vignoble. En tous les cas il nous l'avait servi très frais !
Ces parcs du Neuf-trois, je les connaissais comme ma poche. Je montais soit par Sevran, soit par Mitry pour ensuite rejoindre le bois de Bernouille, la Dhuis où le bois de Cosette à Montfermeil et redescendre par Livry .
Mais ce jour-là sur les coteaux de l'Aulnoye, je poussais jusqu'à Coubron pour aller saluer mes amis, les de Lisboa, Martine et Yan Quidheux ! Ils habitent une espèce de château du Grand Meaulnes où nous avons fait de belles fêtes car ces aristocrates sont des gens généreux.
Mais ce jour-là la légende de Yan allait en prendre un coup. Il nous a toujours raconté qu'il bricolait comme un mallade. Tu parles, lorsque je suis arrivé monsieur le comte est venu m'ouvrir sapé comme un milord alors que madame la comtesse était sur un escabeau, habillée comme une prolétaire son pinceau à la main. Monsieur le comte s'apprêtait à aller voler avec ses amis, des bourges meldes avec qui il aime tant se commettre pour jouer les Mermoz en les faisant voler, alors que leur classe sociale a tellement l'habitude de voler qu’elle n’a pas besoin d’apprentissage pour cela !.
Reconnaissons que monsieur le comte n'est pas parti sur le champ ! Martine qui a depuis ce jour, troqué ce gros pinceau contre de fins pinceaux à aquarelle qu'elle maîtrise aujourd’hui à la perfection, m'a proposé un café.
En principe Yan Quidheux ne boit pas de café sauf s’il est arrangé comme ce jour devant le château de Pontarmé que les Jacques avaient ravagé lors de leur célèbre révolte de 1358 !
J'ai toujours bien aimé taquiner Yan Quidheux parce que c'est un homme formidable même s’il en doute !
Quant à Martine elle est loin de partager ma philosophie reclusienne. Car pour un esprit aussi cartésien que le sien, l'utopie est un non-sens. Mais elle a toujours eu le mérite de me le faire savoir ce qui est tout à son honneur.
Voilà où nous menaient ces sentiers méconnus de la Seine-Saint-Denis. J'avais fait aussi un sacré tour dans l'enfance de Mikel avec en prime cette fameuse traversée des barres derrière l'hôpital d'Aulnay où deux gamins nous voyant arrivés en tenue de randonneurs avec le sac à dos avaient dit en nous croisant : « Oh, t'as vu des explorateurs ! »
En rentrant, je ne me suis pas arrêté chez la Jonquille et chez Fred car j'aurais longuement l'occasion de raconter notre complicité dans le prochain épisode de la trilogie qui se passe chez aux au pied de la montagne pelée.

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