Agrandissement : Illustration 1
Depuis plus de deux siècles, nous avons été habitués à penser la politique comme une scène divisée en deux camps. À gauche, l’émancipation, l’égalité, la promesse d’un monde nouveau. À droite,l’ordre, la tradition, la stabilité des héritages. Ce clivage a donné du sens aux conflits sociaux, il a canalisé les passions et offert aux citoyens un rôle dans un récit collectif. Mais ce récit appartient désormais au passé.
Dans les démocraties contemporaines, la partisanerie ressemble de plus en plus à une cérémonie sans substance ,on s’affronte sur des postures, on brandit des slogans, mais les choix réels sont dictés ailleurs, par les contraintes économiques, les institutions technocratiques, ou encore les lobbies invisibles. La pièce continue d’être jouée, mais le texte n’est plus celui qu’on croit. L’illusion est entretenue ,voter à gauche ou à droite donnerait encore le sentiment de choisir. Pourtant, quand un gouvernement dit de gauche et un gouvernement dit de droite appliquent les
mêmes réformes de retraite, les mêmes politiques migratoires ou les mêmes ajustements budgétaires, que reste-t-il du camp auquel on croyait appartenir ? Comme le disait déjà Guy Debord, « le spectacle est le capital à un tel degré d’accumulation qu’il devient image » ,la partisanerie est devenue spectacle, image, rituel creux.
Comment donc comprendre l’épuisement du clivage gauche/droite devenu spectacle à l’ère d’une technocratie de plus en plus efficace et de clivages transversaux (écologie, technique, géopolitique, rythme de vie) qui traversent tous les camps ?
Pour y répondre, on montrera d’abord que la partisanerie fonctionne comme une illusion héritée qui survit à sa substance , puis que le pouvoir réel s’est déplacé vers une technocratie et une gouvernance invisible qui court-circuitent l’arène partisane ,avant d’identifier les nouveaux clivages transversaux qui réorganisent la vie politique au-delà des camps .
La partisanerie comme illusion héritée:
La division gauche/droite, héritée de la Révolution française lorsque les députés siégeaient d’un côté ou de l’autre de l’Assemblée, a longtemps servi de grammaire politique. Elle donnait une lisibilité aux conflits sociaux, une cartographie des antagonismes. Mais ce clivage est moins une essence qu’une construction historique, façonnée par les contextes. Claude Lefort rappelait que la
démocratie moderne repose sur une indétermination constitutive ,il n’y a pas de place fixe du pouvoir, seulement des luttes pour l’occuper. Le clivage gauche/droite a figé cette indétermination en un théâtre binaire, rassurant par sa simplicité, mais profondément illusoire.
L’anthropologie politique montre bien que toute société a besoin de représentations pour symboliser ses divisions. Marcel Mauss parlait de la « fonction politique du rite » ,la partisanerie est en ce sens un rite moderne, une liturgie où l’on rejoue l’opposition structurante entre tradition et progrès, autorité et liberté. Or, comme tous les rites, elle peut survivre à sa substance. Aujourd’hui, ce clivage fonctionne comme un simulacre. Comme le rappelle l’article 4 de la Constitution de 1958, « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage », mais ce rôle se limite à l’organisation du vote, non à la définition d’une vision politique structurante ,la partisanerie est donc reconnue juridiquement comme un simple canal électoral, et non comme une source de vérité
idéologique.
La littérature avait anticipé cette vacuité. Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Marx note que l’histoire se répète toujours deux fois, la première comme tragédie, la seconde comme farce. Le combat gauche/droite fut d’abord tragique Révolution Commune, guerres sociales puis il est devenu une farce ,une répétition creuse où les gouvernements, qu’ils soient socialistes ou conservateurs, appliquent des politiques presque identiques. François Hollande promettait de s’attaquer à la finance ; il a fini par gouverner avec les mêmes instruments que Nicolas Sarkozy.
Emmanuel Macron, se disant « ni de droite ni de gauche», a démontré par sa présidence que cette distinction n’était plus opérante ,la réforme des retraites ou la loi travail auraient pu être signées par n’importe quel exécutif des vingt dernières années.
Pierre Rosanvallon parle d’une « démocratie d’intermédiation affaiblie » ,les partis ne représentent
plus des blocs sociaux structurés, mais des clientèles volatiles. Le clivage gauche/droite se maintient surtout comme outil rhétorique pour mobiliser les affects, mais non comme instrument de différenciation réelle des politiques publiques. Guy Debord, dans La Société du spectacle, avait pressenti ce glissement , « tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans une représentation ».
La partisanerie est devenue cette représentation, ce spectacle qui nous détourne de la réalité desrapports de force économiques et géopolitiques. Georges Burdeau soulignait déjà que « la démocratie moderne est celle où le peuple ne gouverne pas, mais où il choisit ses gouvernants
» ,voter pour un camp ne modifie pas la nature des politiques, seulement l’identité de ceux qui les
appliquent.
Historiquement, on peut donner des exemples précis ,la construction européenne a vu gauche et droite françaises voter ensemble Maastricht en 1992, alors même que ce traité engageait une vision monétaire et budgétaire contraignante. En Allemagne, la grande coalition CDU-SPD a gouverné pendant des années sans que la ligne économique fondamentale change. Aux États-Unis, républicains et démocrates s’opposent violemment dans le discours, mais ont maintenu ensemble le socle néolibéral depuis Reagan et Clinton. Ces convergences ne sont pas accidentelles, elles révèlent que la partisanerie n’est plus qu’un masque identitaire, une loyauté affective, alors que le contenu programmatique se dissout.
Jacques Rancière souligne que la politique véritable est ce qui perturbe l’ordre établi, alors que ce qu’on appelle aujourd’hui « politique » est souvent une simple « police », c’est-à-dire l’organisation de la gestion. La partisanerie est cette police ,une répartition des rôles qui donne l’impression de conflit, mais où chacun joue sa place dans un ordre prévisible. Nietzsche, déjà, dénonçait la «
comédie des convictions » ,derrière les discours partisans, ce sont toujours des forces de puissance qui cherchent à s’imposer, peu importe les drapeaux.
Julien Gracq écrivait que la politique moderne ressemblait à une « procession de fantômes », où les idéaux du XIXᵉ siècle continuaient de défiler alors que le monde avait changé de décor. De fait, s’identifier aujourd’hui à la gauche ou à la droite, c’est continuer une procession de spectres ,on rejoue la lutte des classes dans un monde financiarisé, on invoque la tradition dans un monde globalisé. La partisanerie fonctionne comme une survivance, un rituel vidé, une répétition incantatoire qui masque la crise profonde de la représentation. Si le théâtre partisan tourne à vide, c’est que la mise en scène masque un autre lieu de décision ,le hors-scènetechnocratique où s’écrit désormais l’essentiel.
Le vrai pouvoir entre technocratie et gouvernance invisible:
Si la partisanerie est devenue un théâtre vide, c’est parce que le pouvoir s’exerce désormais ailleurs. La modernité politique a vu se déplacer le centre de gravité de la décision, non plus dans l’arène publique où s’affrontaient des camps, mais dans les zones grises d’une technocratie administrative et d’une gouvernance sans visage. Michel Foucault parlait déjà, dans ses cours au Collège de France, du passage d’un pouvoir souverain, qui tranche et se montre, à un pouvoir biopolitique, qui administre les corps et les flux de manière diffuse. La politique contemporaine illustre ce basculement, on ne gouverne plus par la loi, mais par des normes, des indicateurs, des budgets. L’article 49, alinéa 3 de la Constitution formalise cette incantation politique ,« Le Premier ministre peut, après délibération du Conseil des ministres, engager la responsabilité du Gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte. » La loi naît alors non d’un vote, mais d’un rituel institutionnel qui court-circuite le débat parlementaire.
La technocratie, c’est cette figure du « gouvernement des experts », où la légitimité ne vient plus du suffrage, mais de la compétence supposée. Pierre Bourdieu l’avait bien vu lorsqu’il décrivait la montée des « énarques » et des grands corps de l’État en France ,la décision politique se confond avec la reproduction d’une élite administrative qui parle le langage de l’économie et du droit, un
langage volontairement opaque pour le citoyen.Ce pouvoir est redoutable parce qu’il se dit neutre.
En 2013, Mario Monti, ancien commissaire européen, pouvait gouverner l’Italie sans élection, au nom de la gestion rationnelle des comptes publics. En France, les ministres passent, mais les directeurs du Trésor ou du Budget restent ,ce sont eux qui assurent la continuité des choix, indépendamment des alternances partisanes. Les faits confirment cette confiscation silencieuse. En 2020, la crise du Covid a vu la plupart des décisions prises en Conseil de défense sanitaire, instance normalement réservée à la sécurité militaire, dont les délibérations sont couvertes par le secret-défense. Ce choix, inédit, a permis d’échapper au contrôle parlementaire, réduisant la République à une loge fermée où quelques initiés fixaient les règles du confinement ou de la vaccination. Ce n’est pas un accident, mais un symptôme ,l’État moderne, au nom de l’urgence et de la rationalité, se réserve des espaces occultes d’où il gouverne.
Les cabinets de conseil privés, comme McKinsey en France, accentuent ce phénomène. Leur influence sur la stratégie vaccinale ou fiscale a révélé une gouvernance externalisée, où la décision est rédigée par des acteurs invisibles, sans responsabilité démocratique. Hannah Arendt distinguait la puissance, qui naît de l’action collective, et la violence, qui surgit quand la légitimité manque. La technocratie, en ce sens, est une forme douce de violence ,elle prive le citoyen de la puissance d’agir en déplaçant la décision dans des bureaux fermés. Dans une décision du 23 août 1985, le Conseil constitutionnel a rappelé que l’usage du 49.3 n’est soumis à aucune autre condition que celles prévues par la Constitution, consacrant ainsi la possibilité pour l’exécutif d’imposer son texte sans contre-pouvoir effectif. Le Conseil d’État lui-même, dans son rapport de 2021, a reconnu que
la gestion de la crise sanitaire par le Conseil de défense avait engendré un « déficit de transparence », révélant l’existence d’un espace décisionnel échappant au contrôle démocratique.
Déjà au XIXᵉ siècle, Tocqueville craignait que la démocratie française, obsédée par l’égalité, n’accouche d’un pouvoir administratif centralisé, « immense et tutélaire », qui s’occupe de tout à la place des individus. Ce pronostic est devenu réalité ,l’État technocratique prend en charge la vie sociale, mais en échange, il infantilise le citoyen, réduit à l’état de spectateur.
La gouvernance invisible ne se limite pas à l’État ,elle s’étend aux institutions supranationales.
L’Union européenne en est l’exemple paradigmatique ,Commission, Banque centrale européenne, Cour de justice imposent des cadres contraignants aux États, tandis que les débats nationaux se réduisent à discuter de marges infimes. En Grèce, en 2015, Alexis Tsipras avait été élu sur la promesse de rompre avec l’austérité; il a dû, quelques mois plus tard, appliquer un plan dicté par la
Troïka. Voilà le visage de la gouvernance invisible,un pouvoir réel qui se tient hors de portée du citoyen. La Cour de justice de l’Union européenne, dans l’arrêt Pringle (2012), a validé la légalité du Mécanisme européen de stabilité, même lorsqu’il imposait des programmes d’austérité drastiques ,preuve que la souveraineté économique des États peut être sacrifiée à une logique technocratique supérieure. Dans 1984, Orwell décrit un pouvoir sans visage, qui se maintient par le contrôle des flux d’information plus que par l’affrontement militaire. Dans La Société ouverte et ses ennemis, Karl Popper dénonçait les systèmes clos qui privent l’individu de son jugement. Nous sommes entrés dans une ère où les institutions démocratiques subsistent comme façades, tandis que les décisions cruciales relèvent d’une « police des flux » flux financiers, flux numériques, flux humains administrée par des organes invisibles.
Le citoyen se retrouve donc face à une double illusion ,croire encore au clivage gauche/droite, et croire encore que le Parlement décide. En réalité, la souveraineté s’exerce par des instruments discrets décrets, normes budgétaires, algorithmes de gestion dont la logique échappe à l’électeur.
Giorgio Agamben parle à ce sujet d’« état d’exception permanent » ,nous vivons dans une
démocratie où le gouvernement se réserve le droit de suspendre les règles, sous couvert de
rationalité technique.
La gouvernance invisible, enfin, ne serait rien sans son habillage médiatique. Les grands médias rejouent le conflit partisan, mais ils couvrent peu la machinerie administrative et financière qui produit le réel. Là encore, Debord reste d’une actualité saisissante ,le spectacle politique détourne le regard du spectateur, tandis que la technocratie agit dans l’ombre.
Or le vide des camps et la montée de la gouvernance cachée n’abolissent pas les vraies lignes de
fracture ,elles réapparaissent ailleurs, en travers des anciennes frontières.
Les nouveaux clivages transversaux:
Si le vieux théâtre de la partisanerie s’effondre et que la technocratie occupe les coulisses, il reste à penser où se trouvent les lignes de fracture réelles de notre temps. Car les sociétés ne cessent jamais d’être traversées par des divisions, mais ces divisions ne se superposent plus aux anciennes cartes.
Elles s’imposent désormais de manière transversale, coupant à la fois la gauche et la droite, brouillant les fidélités anciennes.
Le premier grand clivage est celui de l’écologie. Ce n’est pas un clivage idéologique, mais existentiel. Bruno Latour l’avait bien vu ,la question n’est plus de savoir qui possède les moyens de production, mais sur quelle planète nous voulons habiter. « Faire de la politique », écrivait-il, c’est désormais « atterrir », c’est-à-dire choisir un mode de vie soutenable ou destructeur. Or, cette ligne
ne sépare pas gauche et droite ,on trouve des écologistes radicaux dans des traditions libertaires comme dans des courants conservateurs attachés à la terre et au local. Inversement, on trouve des productivistes dans les deux camps. La Charte de l’environnement de 2004, intégrée au bloc de constitutionnalité, proclame en son article 1 ,« Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » Ce droit ne relève ni de la gauche ni de la droite ,il constitue un horizon transversal qui oblige l’ensemble des politiques publiques. La crise climatique déchire le tissu partisan et impose une nouvelle frontière ,celle entre les partisans de la décélération et ceux de l’accélération. Le Conseil constitutionnel, saisi en 2020 dans l’affaire de la commune de Grande-Synthe, a reconnu que l’État français avait l’obligation d’agir contre le réchauffement climatique ,la question écologique devient ainsi une exigence constitutionnelle, dépassant les clivages partisans.
Le deuxième clivage est celui du rapport à la technique et à l’intelligence artificielle. La Convention européenne des droits de l’homme, en son article 8, garantit à chacun le droit au respect de sa vie privée et familiale ,un principe directement mis en tension par les projets de reconnaissance faciale ou de collecte massive de données. Bernard Stiegler rappelait que la technique n’est jamais neutre, qu’elle reconfigure notre rapport au temps, à l’éducation, à la mémoire. La fracture contemporaine
oppose ceux qui embrassent la logique de l’innovation sans limite, au nom de la compétitivité, et ceux qui s’inquiètent d’une dépossession de l’humain. Ce clivage traverse tous les partis ,aux États-Unis, on trouve des démocrates comme des républicains fascinés par la Silicon Valley, et d’autres qui prônent des régulations fortes. En France, le débat sur la reconnaissance faciale ou la régulation de l’IA met face à face des camps qui ne se définissent plus comme gauche ou droite, mais comme
technophiles ou humanistes.
Un troisième clivage majeur est géopolitique. Nous vivons dans un monde multipolaire où l’ordre occidental ne va plus de soi. Les guerres en Ukraine ou à Gaza, la montée de la Chine, la fragmentation des blocs rappellent que la souveraineté n’est pas une donnée abstraite mais une
condition de survie. Ici encore, la division passe à travers les camps , certains prônent un alignement atlantiste absolu, d’autres défendent une Europe indépendante, d’autres encore un repli souverainiste national. Ces visions se retrouvent aussi bien dans certains segments de la gauche que
de la droite.
À ces clivages planétaires s’ajoute une fracture plus intime, anthropologique ,celle du rapport au rythme de la vie. Byung-Chul Han décrit dans La Société de la fatigue une humanité épuisée par l’injonction à la performance. Certains veulent ralentir, redonner place au soin, à la communauté, à la lenteur. D’autres au contraire veulent pousser l’accélération jusqu’à ses limites, dans une logique quasi transhumaniste. Ce partage traverse toutes les appartenances partisanes et devient sans doute
le nœud du XXIᵉ siècle , voulons-nous rester humains, ou accepter une mutation qui dissout notre condition ?
Face à ces fractures réelles, la partisanerie est une distraction. Elle ne fait que maintenir les citoyens
dans un rôle de supporters d’équipes obsolètes. Le vrai enjeu, comme le disait Cornelius Castoriadis, est la capacité d’une société à « s’auto-instituer », à reconnaître ses propres clivages et à les assumer lucidement. Il ne s’agit plus d’élire une couleur contre une autre, mais de développer une conscience critique transversale, capable de choisir et de juger sans loyauté aveugle.
Les exemples récents abondent. Le mouvement des Gilets jaunes en France a rassemblé des citoyens venus de tous horizons, incapables de se définir par le clivage gauche/droite, mais unis par une critique de l’injustice fiscale et sociale. En Allemagne, le débat sur l’énergie oppose écologistes pro-nucléaire et anti-nucléaire, au-delà de toute ligne partisane classique. Aux États-Unis, l’IA
générative suscite à la fois l’enthousiasme des libertariens de la tech et les inquiétudes des progressistes du travail, mais aussi de certains conservateurs religieux. Ces exemples montrent que la pensée critique n’est plus alignée sur des camps, mais sur des axes nouveaux, beaucoup plus complexes.
C’est là la véritable tâche du citoyen moderne, non pas choisir une appartenance partisane comme on choisit un drapeau, mais redevenir un sujet pensant, capable d’accepter la nuance, d’exercer son jugement. Montaigne, déjà, écrivait ,« Il vaut mieux une tête bien faite qu’une tête bien pleine. »
Dans l’âge des crises globales, cela signifie ,mieux vaut un citoyen libre et lucide qu’un partisan discipliné. L’avenir démocratique ne réside pas dans la fidélité à des camps, mais dans la capacité à lire les fractures réelles et à agir en conséquence. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 rappelle en son article 21 que « la volonté du peuple est le fondement de l’autorité des
pouvoirs publics ». Mais pour que cette volonté soit authentique aujourd’hui, elle doit se libérer de
la fidélité aveugle aux camps et s’exercer dans une conscience critique transversale.
En conclusion ce qui s’effondre aujourd’hui, ce n’est pas seulement le clivage gauche/droite, mais l’idée même qu’un camp partisan puisse porter une vérité durable. Les enjeux qui décident de notre avenir crise climatique, révolution numérique, recomposition géopolitique ne se laissent plus réduire à deux cases opposées. Ils exigent des réponses transversales, mêlant écologie et souveraineté, innovation et justice sociale, prudence et courage.
Être partisan, c’est s’enfermer dans un réflexe identitaire. Être citoyen, aujourd’hui, c’est accepter d’être transversal et critique, capable de soutenir une mesure juste d’où qu’elle vienne, et de dénoncer une injustice, même si elle est portée par son propre camp.
L’histoire montre que les clivages politiques sont éphémères ,hier monarchistes contre républicains,
hier encore communistes contre gaullistes, aujourd’hui gauche contre droite. Demain, ce seront d’autres lignes de fracture. Mais ce qui demeure, c’est la nécessité de voir clair dans le spectacle, et de ne pas confondre l’ombre des camps avec la réalité du pouvoir.
Peut-être faut-il relire Simone Weil, qui écrivait en 1943 ,« Les partis politiques sont une machine à fabriquer de la passion collective, mais non de la pensée. » Tant que nous resterons prisonniers de la passion partisane, nous serons manipulés par ceux qui tirent les ficelles. L’exemple des grandes réformes imposées sous des gouvernements pourtant “opposés” comme la réforme des retraites,
soutenue aussi bien par la droite que par la gauche lorsqu’elle était au pouvoir prouve que la politique contemporaine a besoin moins de camps que de clarté.