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Billet de blog 7 févr. 2023

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Se Dirige-t-on Vraiment vers une Libéralisation des Mœurs ?

Au cœur de la disciplinarisation systémique des sociétés, n’avons-nous pas dans le même temps l’impression d’une libéralisation des mœurs, d’une société individualiste et d’un lien social confus…Un paradoxe plus qu’inquiétant.

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Illustration 1
Gargantua, caricature de Louis-Philippe (1831) © Honoré Daumier

Il y a près de 50 ans Michel Foucault faisait le constat d’une société de plus en plus disciplinée : la société de surveillance. Aujourd'hui la disciplinarisation des corps, des âmes et des cœurs systématique pose une question essentielle : sommes nous entrainés vers un infini assujettissement ? 

La disciplinarisation portée par un paradoxe

 Il est clair qu’en même temps, nous vivons dans une société apparemment libéralisée. Société dans laquelle les mœurs ne sont plus et où les valeurs fondamentales disparaissent au fils de l’individualisme. Fini le temps de la valorisation du groupe, est venu le temps de l’élévation du soi ! Le capitalisme a fini de conclure ce vers quoi il tendait naturellement : la pénétration des valeurs entrepreneuriales au sein des âmes jusqu’au infinitésimaux liens qui les relient à l’Intemporel, Dieu. L'individu est dorénavant relié à autre chose : l'éreintante course au profit et à la reconnaissance individuelle. Il est relié à lui-même. Si le Coaching de développement personnel prospère à travers d’innombrables séminaires et formations couteuses, c'est car il surf sur cette tendance qui ne s'épuise pas. En réalité le business du bonheur n’entretient que ce qu’il rejette : le malheur des êtres au profit du bonheur des banques, par l'introspection de liens rompus.

Un processus aux différents paradigmes 

Certes, ce processus est le fruit de la tendance à la vie nomade déracinant l’individu des liens familiaux et traditionnels. Fruit également de la société sans classe apparente : elles ont été remplacées par les ménages faisant des unités de consommation leurres seules aspirations. Les considérations individuelles ont pris le pas sur les valeurs citoyennes, mais ce n’est pas un problème : l'assujettissement de l'individu aux "réalités économiques" est la seule boussole du Capitalisme. Ce qui importe est le calcul bénéfice/risque ; temps gagné/temps perdu.

La religion Capitaliste à remettre en cause 

L’individu est éduqué à satisfaire les exigences disciplinaires du Capitalisme et du marché du travail. Le capitalisme est en tant que dieu réclamateur, il implore des sacrifices : travailler plus intensément et plus longtemps, être mieux discipliné, améliorer son employabilité : bref, "fournir des efforts" comme aiment à le répéter les politiques. Autrement, nous serions punis par la faillite, la crise économique, le chômage. Il est un dieu jaloux : rien ne peut le contredire et il est impossible d'exister hors de lui. Tout ce qui lui échappe est irrationnel, car il n'y a que la réalité des marchés qui valent. Sa parole "divine" se perpétue au travers d'économistes, de politiques se prévalant du pragmatisme et disqualifiant toutes oppositions, car après tout, on ne remet pas en question l'existence de dieu. Sa transmission est faite au travers de lieux sacrés : l’heure n’est plus à se rendre à l’église mais à l'école dans laquelle on œuvre à l'orientation de l'élève. Ecole dans laquelle est invoqué quelques grands principes : la miséricorde et la générosité ont été remplacé par le productivisme et le mythe du progrès. Les seules disciplines qui valent sont celles incarnant les habitudes promptes aux marchés, celles dont l'objet est l'intériorisation de ce système. Jeune, l'individu n'a comme liberté que le cadre qui lui est offert. Discipliné au bâton, il ne sait négocier un sortir du capitalisme. Toutes les mesures de progrès social ne sont qu'illusoire tandis que l'assujettissement se poursuit.  

Un paradoxe favorisant le communautarisme et l'extrême droite 

Pendant ce temps, l’impression d’une libéralisation des mœurs infuse dans la société. Peut-être que les nombreuses revendications identitaires en sont les conséquences. Ne pourrait on pas dresser un lien entre individualisme, capitalisme et revendications identitaires ? En effet, le capitalisme provoquant chez l'Homme un repli sur soi, ce dernier ne cherche t'il pas à s'en évader et/ou se reconnaitre en une multiplicité plus grande que le bout de son nez ? Le capitalisme éveille l'individualisme et l'essentialisation des êtres - notamment par la démocratisation des disciplines. Ainsi, le communautarisme apparait en tant que réaction à ce dernier . Par ailleurs, l'être individualisé, les mœurs qui le composent et qui font l'unité du groupe social importent moins. Elles sont donc reléguées au profit des seules disciplines capitalistes. 

Tandis que le gouvernement poursuit son assujettissement aux exigences du marché en entamant la réforme des retraites et en réduisant les cotisations des entreprises - ce qu’il appelle "charges", or qu’elles sont les bâtisseurs de la cohésion sociale,  il profite à l'extrême droite. Ce processus est le résultat d’un rejet frontale avec d'une part le communautarisme, et d'autre part la perte des mœurs au profit de l'essentialisme et de la mondialisation. Elle demande un retour au protectionnisme, à la discipline, à l’autorité, à une justice plus ferme, bref à l’autoritarisme. 

Quel paradoxe inquiétant...De la disciplinarisation capitaliste inconsciente, pénétrée d’une prétendue libéralisation politique… le Capitalisme a réussi dans tout ce qu’il a de plus vicieux : notre soumission tout en « regardant ailleurs » ! Pire encore, il a créé une demande de re-disciplinarisation alors qu’en fait il n’a fait à présent qu’asservir, asservir, et encore asservir ! 

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