Combien de routes bloquées ? Combien de raffineries à l’arrêt ? Combien d’écoles et de crèches fermées ? Dans le bras de fer engagé depuis plusieurs semaines par le peuple français contre la réforme des retraites, les lieux de luttes se multiplient, touchant différents types de travailleuses et de travailleurs, qui clament ensemble : « Nous sommes tous et toutes concernés ». Oui, la prouesse de cette réforme tient dans son incroyable capacité à souder tout un monde contre elle. Evidemment, certains discours la défendent encore car elle serait « indispensable ». Selon eux, la France serait au bord de la banqueroute, noyée sous un océan de dettes auxquelles elle ne saurait répondre. Il suffit de jeter un oeil sur les bénéfices record du CAC 40 pour se rassurer : il reste quelques pièces par-ci par-là. Sauf aux yeux d’une toute petite minorité qui réclame toujours plus de « réformes » pour alléger un coût du travail toujours trop haut pour leur insatiable faim de profit.
Si la plupart des secteurs productifs ont perçu l’injustice de la réforme actuelle et se mobilisent, certains manquent encore à l’appel alors qu’ils pourraient être de formidables porte-voix. C’est le cas du monde du sport et des arts. Bien sûr une prise de parole de la part de celles et de ceux qui travaillent dans ces domaines, d’autant plus lorsque ce sont des célébrités, serait tout de suite critiquée. Pourtant elle serait tout à fait logique. Une grande partie des sportifs de haut niveau et des artistes professionnels sont issus des classes populaires ou moyennes, donc de ces mondes qui vivent par leur travail et qui, parfois, en meurent. Combien d’enfants de maçons, d’assistantes maternelles, d’infirmières, d’ouvriers, de petits commerçants ou d’éducateurs sportifs sont acclamés toutes les semaines dans des stades, des gymnases, des salles de spectacle ou des studios ? Combien ont grandi au contact de ces gens qui vont perdre deux ans de tranquillité sans aucune raison autre que l’idéologie bornée de leurs gouvernants ? Certains ont pu, nous imaginons, s’assurer une sécurité financière pour le restant de leurs jours, mais combien vont devoir multiplier les emplois et les missions à la fin de leur carrière pour arriver à survivre et vont donc subir comme toutes les autres professions cette réforme ? Et puis, en se décentrant de leur propre existence, qui sont ces gens qui les suivent et les soutiennent à chaque match, combat, performance, sortie d’album ou de film ? Des employés et des chômeurs, des ouvriers et des cadres, toute la panoplie du monde du travail qui ne supporte plus les injustices à son encontre. Alors pour une fois c’est lui, ce monde du travail, qui attend votre soutien et votre enthousiasme.
Ici, il ne vous est pas demandé d’adhérer à un parti ou un syndicat mais de vous positionner sur une question très simple : alors qu’une minorité a engrangé des bénéfices record ces dernières années en partie grâce à de l’argent public, est-il logique de demander à la majorité de la population de travailler plus pour renflouer le trou laissé par cette sortie d’argent ?
Car il est bon de rappeler encore et toujours que le financement du régime des retraites n’est pas en danger et que les économies espérées avec cette réforme visent à équilibrer le budget global de l’Etat. Et de toute manière, ne laissez pas les faux moralistes vous faire encore une fois la leçon comme quoi le sport ou l’art n’est pas politique. Ce sont les mêmes qui vous ont applaudi lorsque vous avez écrit une tribune entre les deux tours de l’élection présidentielle de mai dernier et qui militent pour que les sportifs russes n’aient plus accès aux compétitions internationales. Le sport et les arts sont politiques. Vous existez médiatiquement et vos paroles sont publiques. Elles ont du sens et une portée. Elles sont entendues et débattues. Alors pour le monde du travail qui vous côtoie, vous soutient et vous applaudit, prenez position car pour une fois, c’est lui qui a besoin de vous.
Citoyen.nes mobilisé.es
