Mathilde Mathieu
Journaliste à Mediapart
Journaliste à Mediapart

50 Billets

2 Éditions

Billet de blog 16 octobre 2009

Mathilde Mathieu
Journaliste à Mediapart
Journaliste à Mediapart

Présidence de l'Epad: le jour où Devedjian a (presque) sauvé sa tête

Si Jean Sarkozy (23 ans) peut lorgner sur la présidence du conseil d'administration de l'Epad (l'établissement public d'aménagement de la Défense), c'est parce que Patrick Devedjian, élu à ce poste en 2007, a dû céder la place, atteint par la limite d'âge (à 65 ans). Mais le patron du conseil général des Hauts-de-Seine aura tout tenté pour s'incruster.

Mathilde Mathieu
Journaliste à Mediapart
Journaliste à Mediapart

Si Jean Sarkozy (23 ans) peut lorgner sur la présidence du conseil d'administration de l'Epad (l'établissement public d'aménagement de la Défense), c'est parce que Patrick Devedjian, élu à ce poste en 2007, a dû céder la place, atteint par la limite d'âge (à 65 ans). Mais le patron du conseil général des Hauts-de-Seine aura tout tenté pour s'incruster.

Comme l'a révélé le Canard Enchaîné, il avait ainsi obtenu, le 23 janvier dernier, dans la plus grande discrétion, que le Sénat vote un amendement repoussant l'âge couperet à 70 ans -une mesure glissée dans «le projet de loi d'accélération des programmes de construction et d'investissement»... Dans la foulée, cet amendement avait été confirmé par la Commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs, chargés d'harmoniser les points de vue des deux chambres). Malheureusement pour Patrick Devedjian, le Conseil constitutionnel l'a ensuite censuré, le 12 février, jugeant qu'il s'agissait d'un «cavalier», sans rapport avec le fond du texte...

La retranscription de cette séance du 23 janvier mérite le détour. À l'époque, la discussion était restée ultra-codée, indéchiffrable pour le commun des mortels. Les termes «Epad» ou «La Défense» n'avaient pas été prononcés. Aucun socialiste n'avait réagi, d'ailleurs; seul le Vert Jean Desessard avait pris la parole pour contester cet amendement... sans en avoir saisi les enjeux réels (selon sa déclaration à Mediapart). Une fois de plus, l'hémicycle avait voté à l'aveugle, sans maîtriser les tenants et aboutissants. Le Parlement, chambre d'enregistrement?

Voici en tous cas le compte-rendu officiel de la séance. Avec le recul, ça ne manque pas de sel.

Ce jour-là, Patrick Devedjian est assis au banc du gouvernement, en tant que ministre chargé du plan de relance. Soudain, il tend l'oreille: le président de séance annonce l'amendement n°90 rectifié (rédigé par Dominique Leclerc et présenté par Michel Guerry, tous deux UMP):

M. Michel Guerry: Cet amendement permet de repousser la limite d'âge des présidents de conseil d'administration des établissements publics de l'État à soixante-dix ans. (Pas un mot sur l'Epad, bizarrement...)

M. le président de séance: Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur du projet de loi (UMP): À première vue, cet amendement pose un certain nombre de difficultés. Pourquoi faire un sort différent aux présidents de conseil d'administration des établissements publics de l'État et à leurs directeurs généraux ou directeurs? Quelle disposition s'appliquera à un président de conseil d'administration qui serait en même temps directeur général, par exemple? La commission souhaite, sur cet amendement, entendre l'avis du Gouvernement. (La sénatrice montre un certain agacement, mais n'ose pas mettre les pieds dans le plat; en novlangue parlementaire, elle annonce qu'elle s'en remet au gouvernement)

M. le président de séance: Quel est l'avis du Gouvernement? (C'est-à-dire du ministre présent au banc..)

M. Patrick Devedjian: Favorable. (Tiens donc...)

M. le président: La parole est à M. Jean Desessard [élu Vert], pour explication de vote.

M. Jean Desessard: Monsieur le ministre, j'aimerais savoir si le fait de repousser la limite d'âge des présidents de conseil d'administration jusqu'à 70 ans concerne plutôt l'accélération des programmes de construction ou bien celle des programmes d'investissement... (Il ironise sur l'aspect «hors-sujet» de l'amendement, mais n'a pas compris l'enjeu réel, selon ses déclarations de ce vendredi)

M. Patrick Devedjian: Disons que cela entre dans la démarche de simplification!

M. Jean Desessard: Donc, à partir de maintenant, monsieur le ministre, les Verts pourront déposer des amendements sur tout, à tout moment, dans toutes les lois!

M. Patrick Devedjian: C'est un peu ce que vous faites déjà!

M. Jean Desessard: (...) Franchement, monsieur le ministre, je ne comprends pas pourquoi vous êtes favorable à un tel amendement. C'est même incroyable! La disposition qui nous est soumise n'a rien à voir avec le plan de relance et vous l'acceptez, comme cela, un vendredi en fin d'après-midi! (Dans un hémicycle quasi vide, sans un journaliste en tribune presse...)

La question mériterait d'être discutée de façon plus générale. (...) Dans la même semaine, le monde entier fête l'accession à la présidence des États-Unis d'un jeune Américain représentant la diversité et, ici, pour aller de l'avant, on prolonge l'activité des plus vieux! Est-ce votre conception de la relance?

Ça y est, on a découvert l'origine de l'atonie de notre économie! Les présidents des conseils d'administration des établissements publics étaient trop jeunes! La relance est maintenant assurée!

Il est tout de même très bizarre de voir un tel amendement dans ce projet de loi! (Toujours pas un mot sur l'Epad...)

M. Charles Pasqua (82 ans): Travailler plus longtemps!

M. le président de séance: Je mets aux voix l'amendement n°90 rectifié. (On ne va tout de même pas y passer 2 heures...) Il est adopté.

Vendredi, sur la page d'accueil du site de Dominique Leclerc, le sénateur UMP serviable qui s'était chargé de déposer l'amendement, on trouvait encore ceci:

A n'en pas douter.

L’auteur n’a pas autorisé les commentaires sur ce billet

Bienvenue dans Le Club de Mediapart

Tout·e abonné·e à Mediapart dispose d’un blog et peut exercer sa liberté d’expression dans le respect de notre charte de participation.

Les textes ne sont ni validés, ni modérés en amont de leur publication.

Voir notre charte