Le « Fonds » vient d’admettre qu’il a gravement sous-estimé les effets néfastes des cures d’austérité qu’il préconise en se trompant de deux à trois fois plus dans le calcul des multiplicateurs de dépense publique et de croissance. Cette erreur irresponsable a déjà des conséquences dévastatrices sur les États européens les plus endettés, tout particulièrement la Grèce, le Portugal, l’Espagne et par ricochet Chypre. Ceci n’est pas sans rappeler son comportement déstabilisateur lors de la crise argentine (1999 - 2003)
Le Fonds s’est trompé dans le calcul des multiplicateurs de dépense publique et de croissance
Olivier Blanchard, le directeur du département Recherche du Fonds Monétaire International, vient de reconnaître dans un rapport du 3 janvier 2013 que le FMI [1] - et avec lui, l’ensemble des dirigeants européens, ministres des finances, Banques centrales, Commission européenne… – s’est trompé dans le calcul de deux coefficients bien connus des économistes : les multiplicateurs de dépense publique et de croissance -. Toutes ces institutions agissant de concert ont donc gravement sous-estimé les effets néfastes des politiques d’austérité infligées aux États les plus endettés de l’Europe du Sud et ceci quatre ans seulement après le déclenchement d’une crise qui, de l’avis de tous les experts, est la plus violente et la plus grave depuis 1929.
De 1970 à 2007, le FMI avait constaté que 1% de dépense publique en moins – ou d’impôt en plus – entraînait une diminution de la croissance dans les pays avancés d’une moyenne de 0,5%. Aussi, un multiplicateur de cet ordre a été appliqué dans les travaux préparatoires aux plans d’aide à la Grèce et au Portugal. Malheureusement, le contexte très difficile de la crise de la dette et son lot d’incertitudes a perturbé le comportement des consommateurs, faussant toutes ces estimations.
La demande intérieure a plongé deux à trois fois plus vite que prévu
Le « Fonds » a convenu - dans son « Panorama de l’économie mondiale » publié en octobre 2012 - que les multiplicateurs actuels pouvaient être compris entre 0,9 et 1,7 soit deux à trois fois plus qu’on ne le supposait ! En obligeant les gouvernements d’Europe du Sud à réduire drastiquement les salaires des fonctionnaires et les pensions des retraités, une erreur aux conséquences abyssales a été commise faisant plonger la demande intérieure deux à trois fois plus vite que prévu… Avec les résultats catastrophiques que nous connaissons : faillites en série, croissance nulle ou négative, explosion du chômage, privatisations massives et brutales (ports, autoroutes, chemins de fers, etc.), dégradation des services publiques – éducation et santé en tête - et manifestations monstres dans les rues d’Athènes, Lisbonne, Madrid et Nicosie.
Récession argentine : même comportement du FMI
Ceci n’est pas sans rappeler les programmes déstabilisateurs que cette vénérable institution a mis en place fin 1999 lors de son intervention dans la récession argentine. Elle avait alors conditionné un prêt de 10 milliards de dollars - finançant les dettes de ce pays - à l’application d’un nouveau programme d’austérité de grande ampleur se traduisant en mars 2000 par une hausse des taxes et des impôts, la réduction des dépenses fédérales en faveur des provinces, l’assouplissement de la législation sur le travail, le démantèlement du système public de sécurité sociale, la libéralisation de ce secteur ainsi que ceux des télécommunications et de l’énergie, de même que la réduction des salaires et des pensions des fonctionnaires. Trois plans de rigueur budgétaire de plus en plus drastiques s’ensuivirent. Le deuxième en novembre 2000, le troisième en janvier 2001 et le quatrième au premier semestre 2001. Ce dernier fut rejeté en bloc par la population et ne put être mis en application en raison de son interdiction par le parlement.
Aussi, suite au sommet de Gênes du G-7 de juillet 2001, il fut décidé d’une restructuration partielle de la dette fédérale alors de 132 milliards de dollars en octobre de cette même année devant déboucher sur le sauvetage de l'économie du pays. Ceci devait aboutir le 24 janvier 2003 à un accord transitoire entre le FMI et l’Argentine permettant le rééchelonnement de son emprunt. Cet accord fut entériné les 20 et 22 septembre 2003 avec un plan de restructuration équivalent à une réduction de 75% du stock de cette créance.Maxence DAGHER
[1] La page 6 du guide « qu’est-ce-que le Fond Monétaire International » du site officiel stipule que le FMI est une institution internationale regroupant 188 pays, dont le rôle est de « promouvoir la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière, de faciliter les échanges internationaux, de contribuer à un niveau élevé d’emploi, à la stabilité économique et de faire reculer la pauvreté ». Le FMI a ainsi pour fonction d'assurer la stabilité du système monétaire international (SMI) et la gestion des crises monétaires et financières. Pour cela, il fournit des crédits aux pays qui connaissent des difficultés financières mettant en péril l'organisation gouvernementale du pays, la stabilité de son système financier (banques, marchés financiers) ou les flux d'échanges de commerce international avec les autres pays. Lors d'une crise financière, pour éviter qu’un pays ne fasse « défaut » (c’est-à-dire que ce pays ne puisse plus rembourser ses créanciers, voire ne plus payer ses dépenses courantes), le FMI lui prête de l’argent le temps que la confiance des agents économiques revienne. Le FMI conditionne l’obtention de prêts à la mise en place de certaines réformes économiques visant de manière générale à améliorer la gestion des finances publiques et une croissance économique équilibrée à long terme. (Source : Wikipedia)