
Parce qu'une fraude électorale entache son élection
Le Conseil constitutionnel a établi l'irrégularité de 66 votes exprimés en faveur de Manuel Valls aux législatives de 2017, mais précise : « Ces suffrages irréguliers restant en nombre inférieur à l'écart de voix entre les deux candidats du second tour, cette irrégularité ne saurait conduire à l'annulation des opérations électorales. » Dans cette belle République universaliste vantée par les vallsistes, on peut tricher, tant qu'on ne triche pas trop. Je me propose donc de suggérer à mes élèves de frauder au bac de français à la question sur le corpus (qui compte quatre points sur vingt) et de faire valoir, s'ils et elles sont pris-es, que cette partie de l'épreuve est notée trop faiblement pour impacter le résultat global qui ne saurait être entachée d'une petite fraude. On appellerait cela la « défense Valls » qui deviendrait le nouveau modèle de moralité pour les décennies à venir.
Parce qu'il ne fait pas le travail pour lequel il est payé
Une fois élu grâce à des votes irréguliers, Valls n'a pas fait le travail. Le site nosdeputes.fr qui centralise l'activité parlementaire (voir ici les méthodes employées) est très clair sur l'absentéisme parlementaire en hémicycle et en commission de l'ancien premier ministre. On notera par exemple qu'il a déserté l'Assemblée nationale en mai 2018, les trois semaines qui ont précédé la pause estivale et tout le mois de septembre. Il n'est pas plus présent dans sa circonscription. Il n'a proposé aucun amendement aux lois discutées, n'a cosigné qu'un amendement : il ne participe donc pas à la fabrique législative.

Ce n'est que mardi dernier, quand il a officialisé sa candidature à la mairie de Barcelone, que Valls a annoncé quitter ses fonctions. Il était pourtant officieusement en campagne, comme en attestent de nombreux articles de presse. Payé pour être député en France, alors qu'il était candidat pour une mairie en Espagne : c'est une façon originale de faire l'Europe.
Parce que la trahison est inhérente à sa pratique politique
Manuel Valls trahit son électorat. Ministre de Hollande, puis chef de son gouvernement, il contribuera au reniement des promesses de campagne du PS, soit en faisant l'inverse de ce qui avait été promis (renoncer à ouvrir la PMA aux couples de femmes, diminuer les moyens dévolus à la lutte contre le sida dans le monde, démanteler l'éducation prioritaire, etc.), soit en mettant en place des réformes qui n'étaient pas au programme socialiste : la loi renseignement, une des plus liberticides jamais conçue, la loi Macron entamant le démantèlement des droits des salarié-es, etc. Député, il trahit encore son électorat en ne siégeant pas et en allant voir ailleurs.
Manuel Valls trahit ses proches et son parti. Il a renié les engagements qu'il avait signés lors de l'organisation des primaires « de la gauche », en soutenant Macron.
Manuel Valls trahit le peuple de Nouvelle-Calédonie. Il démissionne en effet à un mois d'un référendum crucial, abandonnant la présidence d'une mission parlementaire sur la question, la rare activité parlementaire qu'il pouvait faire valoir :
Parce qu'il est le responsable des pires atteintes à la laïcité
Présenté par ses soutiens (Laurent Bouvet, Caroline Fourest, Gilles Clavreul, etc.) comme un héros de la laïcité, Manuel Valls a à plusieurs reprises piétiné les principes et les lois laïques.
C'est depuis le Vatican que le premier ministre d'alors annonçait en avril 2014 que le gouvernement ne mettrait pas en place la PMA pour les couples de femmes. L'annonce d'une trahison des promesses électorales depuis l'Etat du pape est du jamais-vu depuis 1905. Symboliquement, c'est un retour à l'ultra-montanisme, une façon de dire que l'avis du pape influence la politique française.
Quelques mois plus tard, le premier ministre, son ministre de l’Éducation nationale Benoit Hamon et sa secrétaire d'Etat aux droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem renonçaient à étendre les ABCD de l'égalité, ces outils pédagogiques fondées sur les études scientifiques en genre, et visant à lutter contre le sexisme, les LGBTQI-phobies, etc. Cette mesure visait à calmer les lobbys religieux réactionnaires qui menaient une campagne de diffamation contre cet outil. Censurer une ressource pédagogique pour plaire à des forces religieuses ne s'était pas vu depuis la fin du dix-neuvième siècle.
Inversement, Manuel Valls a porté atteinte à la liberté de conscience des musulman-es, et notamment des femmes portant le voile. Ce fut le cas lorsqu'il soutint les arrêtés municipaux racistes qui ont eu pour effet de priver certaines de ses femmes et leur famille de plage. Manuel Valls regretta même que le droit laïque, par une décision du Conseil d’État, invalide ces pratiques discriminatoires.
Parce qu'il a mené une politique raciste
La falsification de la laïcité à des fins islamophobes a été une composante importante, mais pas unique, de la politique raciste qu'il a menée. On a peut-être oublié ses anciennes déclarations soutenant avec la droite au pouvoir le principe d'une immigration « choisie ». Tout le monde a en tête ses déclarations sur les « blancos » à Evry, que l'intéressé assume totalement, ou sur les rroms qui auraient « vocation à retourner en Roumanie », réactivant un des plus vieux clichés racistes et insinuant que « l'intégration » en France serait impossible en fonction de l'origine. Cette déclaration s'est traduite dans une politique hostile aux rroms, où des textes réglementaires furent ignorés par les préfectures. Le durcissement de cette politique a eu des conséquences dans la scolarité des enfants rroms, que j'ai rappelées dans ce fil :
Mais la politique raciste de Valls s'est aussi traduite par toujours plus d'expulsions de sans-papiers, des milliers de morts en Méditerranée, l'enfermement d'enfants, des familles brisées, l'expulsion de malades dans des pays où ils et elles ne pourront se soigner, la persécution de musulman-es sous couvert de lutte contre le terrorisme, ou encore l'ouverture d'un débat sur la déchéance de nationalité, mesure-phare du Front national.
Médiapart a montré comment Valls s'alliait avec une partie de l'extrême-droite pour sa candidature à Barcelone. En matière de racisme, cela ne le dépaysera pas trop. En matière de dignité et de droits des personnes LGBT non plus.
Parce qu'il a mené une politique homophobe et sexiste
Premier ministre, Valls a refusé d'honorer les promesses électorales socialistes concernant la PMA ou le changement d'état civil des personnes trans. Le renoncement aux ABCD de l'égalité à l'école est aussi le signe que la sécurité, l'égalité, la dignité des femmes et des personnes LGBTQI passaient après la paix sociale menacée par des réactionnaires religieux-ses. Ministre de l'Intérieur, Valls a refusé de recevoir les associations LGBT ou de lutte contre le sida sur la situation des sans-papiers homos ou vivant avec le VIH, alors qu'il s'est entretenu avec la Manif pour tous à plusieurs reprises, même après des appels au sang de Frigide Barjot (« Hollande veut du sang. Il en aura » n'a pas été condamnée par Valls).
Il n'a rien fait pour endiguer les agressions homophobes qui ont explosé lors des débats autour du mariage. Pour les primaires, son programme en matière de droit des personnes LGBT était le moins avancé selon la comparaison établie par Homosexualités et socialisme.
Parce qu'il a mené une politique antisociale et antidémocratique
La hiérarchisation raciste, sexiste et homophobe n'est qu'un aspect des inégalités que Valls a aggravées, et qui se croisent avec les inégalités de classe. François Hollande avait promis de combattre la finance. Valls a été son bras droit, très droit, et très volontaire pour trahir cette promesse, notamment avec la loi Macron. Préfigurant les pratiques politiques d'En Marche, dont il a servi le lancement, Valls a utilisé l'anti-démocratique 49-3 à six reprises, a réprimé les mouvements d'opposition et les manifestations, là encore sous couvert de lutte contre le terrorisme. Il a maintenu l'état d'urgence pendant des mois, fragilisant ainsi les institutions qu'il est censé défendre, en suggérant qu'on ne pourrait pas lutter contre le terrorisme sans un renoncement aux libertés individuelles et publiques, en opposant donc sécurité et libertés. Il a détourné l'état d'urgence pour en faire une arme contre les syndicats et les manifestant-es. Il a défendu de nombreuses mesures anti-pauvres, anti-SDF, anti-chômeurs anti-malade. Il a démantelé les services public, creusé les inégalités à l'école en supprimant le label ZEP des lycées, à l'hôpital et dans le secteur de la santé.
Parce qu'il est obscurantiste
Le renoncement aux ABCD de l'égalité était déjà le signe que le savoir scientifique est de peu de poids pour Manuel Valls. Le contexte post-attentat a accéléré cette tendance. « J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s’est passé », a-t-il déclaré en novembre 2015. Or, comme le rappelaient les auteurs d'un rapport sur les recherches autour de la radicalisation remis au gouvernement quelques mois après, « Les enseignements des sciences sociales sont la meilleure façon de lutter efficacement contre toutes les formes de terrorisme. Leurs analyses et explications proposées par les chercheurs qui se consacrent à ce domaine sont essentielles à cet égard. Connaître les causes d’une menace est la première condition pour s’en protéger. »
En associant connaissance des causes des attentats et complaisance envers le terrorisme, Valls ne faisait pas qu’œuvre obscurantiste. Il donnait précisément aux terroristes ce qu'ils voulaient : la sidération, la bêtise simpliste, la réaction binaire et réflexe, la disparition des débats et du pluralisme – qui sont les effets voulus et théorisés par Daesh.
Depuis plusieurs mois, une réaction fréquente à la candidature espagnole de Valls est de plaisanter sur le mode « bon débarras ». Pour ma part, je ne souhaite pas cette nuisance aux Barcelonais-es et les alerte sur le danger moral, éthique, politique, économique et social que représente cet homme.
Si jamais des personnes peuvent et veulent traduire ce texte en espagnol / catalan, n'hésitez pas. Il est en licence Creative Commons - Paternité (comme tous mes textes d'ailleurs).