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retraité de l'ingénierie informatique et aéronautique et de l'enseignement dit supérieur (anglais de spécialité), écrivain et esprit curieux

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Billet de blog 4 juin 2023

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Comment la classe ouvrière argentine est devenue péroniste (1/3)

Cette courte série de billets s'appuie principalement sur un des grands classiques de la sociologie marxiste argentine "Estudios sobre los origines del peronismo" de Miguel Murmis et Juan Carlos Portantiero, complété par quelques annotations personnelles.

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Introduction

Cet ouvrage publié en 1971 et réédité plusieurs fois, combine deux études développées séparément quelques années auparavant, l'une sur le système d'alliance des classes dominantes, l'autre sur la classe ouvrière et les syndicats.

Murmis, d'origine socialiste, et Portantiero, d'origine communiste, ne se satisfaisaient pas de l'interprétation qui dominait alors à gauche pour expliquer le succès du péronisme auprès de la classe ouvrière et ils se sont appuyés  pour les réfuter sur une analyse historique démarrant bien en amont et sur des données statistiques.

Selon la thèse dominante à Gauche dans les années 1955-65, le succès du péronisme s'expliquait par sa capacité à séduire avec un discours émotionnel et nationaliste des populations ouvrières d'origine rurale arrivées récemment dans les grands centres industriels sans expérience de la lutte syndicale et sans conscience de classe et donc incapables de s'impliquer dans un projet d'autonomie politique de la classe ouvrière. Dans cette vision, les travailleurs constituaient un troupeau sans repères historiques indépendants de l'idéologie dominante, et ainsi facilement manipulable par la démagogie péroniste.

Les deux auteurs montrent que cette thèse simpliste ne résiste pas à une analyse rigoureuse et mènent une passionnante réflexion sur les raisons de l'adhésion des classes populaires au péronisme. Leurs analyses remontent à plus d'un demi-siècle, mais elle mérite qu'on s'y arrête, en un temps ou le Rassemblement National est devenu en France le premier parti dans l'électorat populaire au détriment des partis de la Gauche parlementaire, et où l'adhésion des couches populaires hongroises ou polonaises à leurs dirigeants nationalistes autoritaires reste solide, cependant que l'extrême-droite nationale-populiste progresse un peu partout en Europe et aux Amériques.

Tous deux étaient de formation marxiste et leurs analyses s'inspirent des réflexions de Gramsci (le chapitre qu'ils consacrent au rôle de l'Etat s'intitule "Alliance de classes et hégémonie") et aussi des travaux de Poulantzas (en reprenant sa conceptualisation en termes de couches et de fractions de classe; pour une description rapide de ces notions illustrée par quelques exemples pris dans la France du début du 20ème siècle, se reporter à: https://blogs.mediapart.fr/michel-delarche/blog/031220/le-social-nationalisme-francais-24-boulangisme-et-structure-de-classes

La première partie de l'ouvrage de Murmis et Portantiero est consacrée à l'analyse des transformations socio-économiques de l'Argentine des années 1930 et des reconfigurations du système d'alliance des classes dominantes.

Ce sera l'objet de ce premier billet. Un second billet sera consacré à l'évolution du rôle de l'Etat dans la période 1930-1945 et un troisième et dernier billet discutera de la structure de la classe ouvrière et de l'attitude de ses organisations face au péronisme et réfléchira aux conclusions que l'on peut en tirer pour notre propre avenir.

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