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Billet de blog 2 juin 2009

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La ligne de l'Atlantique Sud

« Coupons moteur arrière droit… » Il est 10 heures 47 quand parvient ce 7 décembre 1936, le dernier message de « La Croix du Sud ». L’appareil piloté par Jean Mermoz ne donnera plus signe de vie. Par delà quelques modestes décennies, malgré l’extraordinaire progression des techniques aéronautiques, la disparition aussi brutale du vol AF 447 vient cruellement rappeler que « la ligne de l’Atlantique Sud » reste, finalement, un exploit quotidien.

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« Coupons moteur arrière droit… » Il est 10 heures 47 quand parvient ce 7 décembre 1936, le dernier message de « La Croix du Sud ». L’appareil piloté par Jean Mermoz ne donnera plus signe de vie. Par delà quelques modestes décennies, malgré l’extraordinaire progression des techniques aéronautiques, la disparition aussi brutale du vol AF 447 vient cruellement rappeler que « la ligne de l’Atlantique Sud » reste, finalement, un exploit quotidien. « En deux jours, Henri Guillaumet tint l’air pendant 26 heures au dessus de l’Océan à la recherche de Mermoz »(1) Mais on ne retrouva pas trace de l’équipage composé outre de Mermoz, d’Alexandre Pichodou (co-pilote), Jean Lavidalie (mécanicien), Henri Ezan (navigateur) et Edgar Cruveilher (radio). Heureusement, à l’époque, l’hydravion n’embarquait pas encore des centaines de passagers.

Aujourd’hui, la ligne aérienne qui relie la France au Brésil est devenu banale. On prend l’avion comme le métro, en faisant une confiance justifiée à l’ingéniosité des concepteurs d’aéronefs et à leurs pilotes : mais, on n’oublie que les « plus lourds que l’air » peuvent rencontrer des problèmes tout à fait imprévus, comme ce fut le cas dans le désastre du crash du Concorde. On n’oublie également que tout aéronef est un véhicule soumis aux caprices de l’air. La météorologie a certes fait, elle aussi, des progrès immenses depuis le temps de l’Aéropostale, mais dame nature peut être cruelle. Les marins le savent. Les pilotes aussi. Et les savants nous disent leurs relatives ignorances face aux évolutions des manifestations météorologiques en période de bouleversement climatique. Entre la France et le Brésil, les pilotes de Didier Daurat, « patron » de l’Aéropostale eurent à vaincre de nombreux caprices de la nature : les Pyrénées, tout de suite après leur décollage de Toulouse : la Sierra qui plonge dans la Méditerrannée à Benidorm au nord d’Alicante qui pouvait d’après Saint-Exupéry (2) constituer un redoutable obstacle en cas de brouillard, les tempètes de sable de la Mauritanie et, finalement ; le plus effrayant, ce pot au noir, qui stationne sur l’Atlantique Sud. « Vers 18 heures, nous avons appris, toujours par la T.S.F. la situation géographique du pot au noir que nous devions inévitablement rencontrer. » raconte Mermoz dans son livre « Mes vols »(3). « Au Sénégal et au Brésil, des marins me confièrent souvent toute leur frayeur éprouvée dans le fameux pot au noir. Pour eux les nuages très compacts et noirs couvrent la surface de l’eau et y adhèrent. Donc nous savions quelle lutte nous aurions à mener pour passer cette zone de dépression.Comme nous étions partis à 11heures 30 GMT pour arriver de jour à Natal (Brésil) nous abordames le pot au noir au début de la chute du jour.Tout l’horizon était noir, une sorte de mur gigantesque paraissait barrer notre route. Que faire ? Prendre de l’altitude, il ne fallait pas y penser : nous ne connaissions qu’approximativement l’épaisseur de cette masse nuageuse. 5000 mètres environ, nous ne pouvions perdre du temps ni gacher de l’essence dans une entreprise aléatoire.Instinctivement je descendis de 150 mètres à 50 mètres afin de voir s’il n’y aurait pas un petit couloir pour nous faufiler.A 50 mètres d’altitude nous nous trouvions entre deux nuages aussi noirs et aussi épais l’un que l’autre…/… Notre éclairage de bord fonctionnait . En revanche Gimié (ndlr : le radio de bord) se trouva dans l’impossibilité absolue de recevoir des renseignements des bateaux de la Compagnie Générale Aéropostale ; ou des postes terrestres…/…Nous n’avions pu éviter des grains d’une violence inouie qui dégageaient une chaleur encore plus intense que les bains de vapeur. Tout à coup , sans que nous ayons pu nous méfier, notre cabine de l’avant à l’arrière baigna dans l’eau , nous étions inondés…/… »Michel PuechTous droits réservés pour le texte et les photographies. La reproduction intégrale sur tous supports est formellement interditeSources(1) « Henri Guillaumet » de Marcel Migeo Ed. Artaud (1949)(2) « Courrier Sud » d’Antoine de Saint Exupéry Ed Gallimard (1929)(3) « Mes Vols » de Jean Mermoz page 54 in Ed. Ernest Flammarion (1942)

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