À propos du Concordat et du régime des cultes en Alsace et Moselle.
Le terme « concordataire » est trop souvent utilisé abusivement pour la totalité du régime des cultes, voire pour d’autres régimes dérogatoires d’Alsace et de Moselle.
Le Concordat proprement dit ne concerne que l’Église catholique.
Sur les 17 articles de ce traité, moins de la moitié est encore plus ou moins réellement en vigueur :
Certains articles n’avaient pour but que de solder le conflit de la période révolutionnaire (nouvelle circonscriptions par exemple)
D’autres sont tombés en désuétude (serment, prière…)
Les articles encore en vigueur ne concernent plus que le principe du financement, les édifices destinés au culte et la nomination des évêques (ce dernier point fut d’ailleurs fortement contesté par les milieux cléricaux lors de la récente nomination de l’évêque de Metz)
Le Concordat fixait deux principes : l’État rémunère l’Église catholique et la contrôle … aujourd’hui seul le premier terme demeure d’actualité...
Tous les autres éléments du régime du culte catholique et, bien évidemment, aussi des régimes des cultes des Églises protestantes et du culte israélite, relèvent du domaine réglementaire :
Les divers Articles Organiques,
Le décret de 1809 sur les fabriques
L’ordonnance de 1844 sur le culte israélite
Divers textes de l’époque de l’annexion allemande
Le décret du 10/01/2001 relatif aux régimes des cultes …
Le Concordat, et les textes réglementaires cités ci-dessus, n’évoquent nullement les autres aspects de la place du fait religieux dans l’espace public
L’enseignement religieux à l’École publique, fondé sur un assemblage confus de textes ambigus (français et allemands) adoptés depuis le milieu du XIXe siècle
Les facultés de théologie, création de l’Empire allemand
Le délit de blasphème, élément du Code Pénal allemand
Certains jours fériés, éléments du Code du Travail introduits par une ordonnance du chancelier von Bismarck
Tous ces éléments (enseignement, facultés, blasphème…) n’ont aucun lien juridique entre-eux. On peut noter seulement, pour l’enseignement religieux à l’École publique, un rapprochement de facto : n’interviennent à l’école que les représentants des cultes « reconnus », l’Église catholique concordataire, les cultes luthériens et réformés, le culte israélite
À fortiori, les divers régimes dérogatoires évoqués ci-dessus n’ont absolument aucun lien juridique avec tous les autres éléments de ce que l’on appelle « le droit local d’Alsace et de Moselle » … sauf si l’on veut absolument en trouver un, ce sera une proximité textuelle : la Loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle fait figurer à son article 7 la liste des régimes provisoirement dérogatoires après le retour des 3 départements à la République française. Et « La législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses » y figure en 13ème position (sur les 15 termes cités).
Rapide état des lieux du régime des cultes actuel
Pour mémoire, l’État rémunère les ministres des cultes. Mais les collectivités locales sont également mises à contribution (état non exhaustif) : le Code général des collectivités territoriales inscrit parmi les dépenses « obligatoires … en cas d'insuffisance des revenus des fabriques, des conseils presbytéraux et des consistoires, justifiée par leurs comptes et budgets, les frais des cultes dont les ministres sont salariés par l'État.
Il est également obligatoire de mettre à disposition des curés et desservants un presbytère ou au moins un logement. Il en va de même pour les autres cultes reconnus. À défaut, il leur sera versé une indemnité de logement.
Les dépenses d’entretien de ces presbytères ou logements de fonction sont à la charge des établissements publics du culte, et subsidiairement par les communes.
Les ministres du culte, notamment catholique, on droit à une indemnité dite de « binage » c'est-à-dire une indemnité de déplacement lorsqu’ils sont amenés à célébrer un office le même jour dans deux églises différentes.
Les établissements publics du culte sont propriété ou des communes ou des établissements publics des cultes. Leur entretien est à la charge de ces derniers. Mais là encore, si les moyens de l’établissement sont insuffisants, cela devient une dépense obligatoire pour la commune.
LE CONCORDAT du 15 juillet 1801
Convention entre le Gouvernement français et Sa Sainteté Pie VII.
Texte intégral
Le gouvernement de la république française reconnaît que la religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la grande majorité des Français. Sa Sainteté reconnaît également que cette même religion a retiré et attend encore, en ce moment, le plus grand bien et le plus grand éclat de l'établissement du culte catholique en France, et de la profession particulière qu'en font les consuls de la république. En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure, ils sont convenus de ce qui suit :
ARTICLE 1er. La religion catholique, apostolique et romaine, sera librement exercée en France; son culte sera public, en se conformant aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour la tranquillité publique.
ARTICLE 2. Il sera fait par le Saint-Siège, de concert avec le gouvernement, une nouvelle circonscription des diocèses français.
ARTICLE 3. Sa Sainteté déclarera aux titulaires des évêchés français qu'elle attend d'eux avec une entière confiance, pour le bien de la paix et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges. D'après cette exhortation, s'ils se refusaient à ce sacrifice commandé pour le bien de l'Église (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend pas), il sera pourvu, par de nouveaux titulaires, au gouvernement des évêchés de la circonscription nouvelle, de la manière suivante :
ARTICLE 4. Le premier consul de la république nommera, dans les trois mois qui suivront la publication de la bulle de Sa Sainteté, aux archevêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera l'institution canonique suivant les formes établies par rapport à la France, avant le changement de gouvernement.
ARTICLE 5. Les nominations aux évêchés, qui vaqueront dans la suite, seront également faites par le premier consul et l'institution canonique sera donnée par le Saint-Siège en conformité de l'article précédent.
ARTICLE 6. Les évêques, avant d'entrer en fonctions, prêteront directement, entre les mains du premier consul, le serment de fidélité qui était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans les termes suivants :
« Je jure et promets à Dieu, sur les saints Évangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la constitution de la république française; je promets aussi de n'avoir aucune intelligence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité publique; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'État, je le ferai savoir au gouvernement. »
ARTICLE 7. Les ecclésiastiques de second ordre prêteront le même serment entre les mains des autorités civiles désignées par le gouvernement.
ARTICLE 8. La formule de prière suivante sera récitée à la fin de l'office divin, dans toutes les églises catholiques de France : « Domine, salvam fac Rempublicam ; Domine, salvos fac Consules »..
ARTICLE 9. Les évêques feront une nouvelle circonscription des paroisses de leurs diocèses, qui n'aura d'effet que d'après le consentement du gouvernement.
ARTICLE 10. Les évêques nommeront aux cures; leur choix ne pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement.
ARTICLE 11. Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur cathédrale, et un séminaire dans leur diocèse, sans que le gouvernement s'engage à les doter.
ARTICLE 12. Toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres non aliénées, nécessaires au culte, seront remises à la disposition des évêques.
ARTICLE 13. Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux rétablissement de la religion catholique , déclare que ni elle, ni ses successeurs, ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureront incommutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause.
ARTICLE 14. Le gouvernement assurera un traitement convenable aux évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle.
ARTICLE 15. Le gouvernement prendra également des mesures pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire, en faveur des églises, des fondations.
ARTICLE 16. Sa Sainteté reconnaît dans le premier consul de la république française les mêmes droits et prérogatives dont jouissait près d'elle l'ancien gouvernement.
ARTICLE 17. Il est convenu entre les parties contractantes que, dans le cas où quelqu'un des successeurs du premier consul actuel ne serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'article ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par rapport à lui, par une nouvelle convention.
Les ratifications seront échangées à Paris dans l'espace de quarante jours.
Fait à Paris, le 26 messidor an 11.
Loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (JORF 3 juin 1924 – version consolidée).
TITRE Ier.
Art. 1er. Est mis en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, à partir du 1er du septième mois qui suivra la promulgation de la présente loi et sauf les exceptions indiquées ci-après, l'ensemble de la législation civile française, notamment :
……….
Art. 7.
Continuent à être appliquées, telles qu'elles sont encore en vigueur dans les trois départements, à la date fixée à l'article 1er, même en tant qu'elles contiennent des règles de droit civil, les lois locales suivantes :
1° Les lois locales sur la chasse et la pêche, notamment les articles 835 du Code civil local et 16 à 36 de la loi d'exécution de ce code en Alsace-Lorraine;
2° Le Code professionnel, sauf les articles 11 a, 105, 113, 114, 115 à 119 a et la loi du 20 décembre 1911 sur le travail à domicile;
3° La législation locale des assurances sociales;
4° La législation des mines;
5° La législation relative aux cours d'eau navigables ou flottables et celle régissant les droits de gage sur les bateaux;
6° La législation sur les sociétés coopératives;
7° La loi du 19 juin 1906 sur le certificat en vue de la cession d'une partie d'un fonds comme libérée de toutes charges;
8° (8° implicitement abrogé, V. L. n° 85-1496, 31 déc. 1985, art. 18-IV );
9° Les articles 21 à 79 du Code civil local, ainsi que toutes autres dispositions sur les associations;
10° Les articles 80 à 88 du Code civil local et les articles 7, 7 a, 7 b de la loi d'exécution relatifs aux fondations, sous les réserves contenues à l'article 8 de la présente loi;
11° Les articles 565 et 570 du Code civil local sur les baux;
12° Les articles 616 à 629 du Code civil local sur le louage des services ; les articles 3 à 9 de la loi du 26 juillet 1903 sur les rapports entre maîtres et domestiques;
13° La législation locale sur les cultes et les congrégations religieuses;
14° Les articles 86 de la loi d'introduction du Code civil local et 6 de la loi d'exécution du même code, en ce qui concerne les communes, les établissements publics communaux, les établissements publics du culte et les personnes juridiques privées;
15° La loi municipale du 6 juin 1895 et plus généralement toutes les lois administratives;
16° Les textes particuliers expressément maintenus en vigueur par la législation postérieure au 6 décembre 1918, mais sous réserve de toutes les limitations (de temps ou autres) apportées par cette législation à leur maintien en vigueur.