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Briller comme un lampadaire. Elle y est parvenue. Avec brio. Bardée de diplômes et occupant un très haut poste. Une femme écoutée, applaudie, enviée, respectée, admirée, etc. En plus donnée en exemple car née sans carnet d’adresses. Un parcours parfait de battante. Sans oublier une jolie vie de famille. A 37 ans, elle a réussi. Sa réussite en vitrine.
À l’intérieur, un vide. Comme une espèce de question en suspens. Elle qui a habituellement réponse à tout et un temps record. Rien. Plus la moindre formule cinglante pour lui venir en aide. Incapable de savoir ce qui se passe en elle. Son talent d'oratrice et sa brillance devenus inutiles. Voire pathétiques. Face à un regard. Celui d’une petite fille.
Tu veux faire quoi plus tard ? Une question vieille comme le monde. Être un phare. La réponse de la petite fille avait fait sourire. Puis la conversation avait continué. Revenant à des « choses sérieuses ». Personne ne l’avait prise au sérieuse ; sauf une grande tante. J’ai envie de marcher un peu. Tu m’accompagnes. Elles étaient sorties du jardin. La tante, sans un mot, avait dirigé leur pas vers un banc. Face au phare du port.
Pourquoi tu rêves de devenir un phare? La petite fille à pointé son index dans la nuit. Pour guider l’autre et monde. Éviter la rencontre avec des récifs. Empêcher l’humanité de se fracasser contre les rochers. Elle a perdu les mots de la petite fille. Parlant et pensant désormais avec celle d’une femme de pouvoir. Mais elle sait que c’est ça que voulait la petite fille bavardant avec une vieille femme. Éclairer.
Tout s’est enchaîné très vite. Votre fille est très douée. Elle ira loin. Faut pas gâcher tout son potentiel. Cette gosse est très intelligente. Il faut absolument qu’elle fasse des études. Pour ça, elle doit quitter ici et aller en ville. Je suis prête à lui payer des études et à régler tous ses frais. Même la prendre à la maison. Les parents se sont regardés. Stupéfaits par la proposition. Une bouche de moins à nourrir, se sont-ils dit sans parler. Avec aussi peut-être le désir inconscient de se débarrasser d’une petite fille qu’ils ne comprenaient pas. Très différente de ses frères et sœurs. Ils ont accepté. Elle a fait son sac.
Pour se retrouver aujourd’hui sur le bord d’une nationale. Avec un autre sac. Et sans une vieille femme pour la guider. « Je pars. Besoin de retrouver une petite fille perdue. Pour lui faire un cadeau: devenir la femme qu'elle voulait être. Ne t’inquiète pas pour moi. Pas mon genre de me mettre en danger. Nulle inquiétude de ce côté là. Tu le sais bien, tu en as souffert ; je m'aime plus que tout au monde. Je t’enverrai un texto « je suis en vie » de temps en temps. Occupe bien de notre fils et de toi. Je reviendrai si je reviens.Ne m’attends pas. ». Elle marche. Solitude passante. Dans quelle direction ?
Vers son phare.