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Mouloud Akkouche

Auteur de romans, nouvelles, pièces radiophoniques, animateur d'ateliers d'écriture...

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Billet de blog 8 juin 2023

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Ce matin, la nuit est tombée

Sidération. Des enfants attaqués dans un parc. Ce matin, la nuit est tombée sur leur enfance. Une nuit de sang. Leur histoire déchirée en deux. Même si, espérons, le temps épongera leurs souffrances. Pour tenter de continuer. Peut-être réussir à s’évader mentalement de ce parc meurtrier. Habiter du moins mal possible leur après. Survivre.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

               Sidération. Face à une telle horreur. Des enfants attaqués dans un parc. Attaque furtive d'un avion  passant très haut dans le ciel ? Un missile venu semer la terreur ? Une mort et des blessures sans regard comme souvent dans les guerres ? Non. Ici, le tueur a un visage. Les enfants ont dû le voir. Les adultes avec eux aussi. L’assassin est un semblable. Comme de nombreux autres passants.  Mais lui vient de détruire plusieurs êtres. Ceux touchés dans leur chair. Dont trois enfants désormais entre la vie et la mort. Et il y a leurs proches atteints. Rien de pire pour un père, une mère de perdre son enfant. Ou de le voir blessé à vie. Pareille pour un frère ou une sœur. Et leur reste de la famille, les amis. En colère ? Non. Beaucoup plus. Dans une profonde rage. Face à un homme sorti de l’humanité. Personne  ne pourra leur rendre ce qu'il leur a arraché. Jamais.

       Et il y a nous. Tous ces millions de regards impuissants alertés très vite par les signaux numériques. Son geste sanguinaire nous atteint aussi. Certes pas aussi violemment que les victimes et leurs proches. Mais nous sommes concernés. Ne serait-ce que par empathie. Loin et proches. Pensant à ces gosses aux vies massacrées un matin de printemps. Même en survivant, ils sont en partie déjà morts. Leur enfance a été détruite à coups de couteau. Ravagée. Une destruction au milieu d' arbres en fleurs. Peut-être même quelques dernières cerises à cueillir. Sous un ciel plein de promesses de rires à venir dans les vagues, de glaces, de course du regard pour attraper une étoile filante… Les vacances détruites. Sûrement  la destruction d'autres saisons de leur histoire. Ces gosses croiront-ils à nouveau au printemps ?

       Ce matin du 8 juin, la nuit est tombée sur leur enfance. Une nuit de sang. Leur histoire déchirée en deux. Avec un avant et un après. Même si, espérons, le temps épongera leurs souffrances visibles et indicibles. Pour tenter de continuer d'avancer. Peut-être réussir à s’évader mentalement de ce parc meurtrier. Habiter du moins mal possible leur après. Avec sans doute toujours revenant une ombre, celle d’une bête féroce nommée homme, ayant soudain bondi sur leur enfance. Pour la réduire en pièces. Leur histoire soudain éparpillée comme un puzzle. Des pièces leur manqueront à perpétuité. Mais ils ne se retrouveront plus seuls face au monstre ; rien à voir avec celui des contes et autres fictions des jeux vidéos sur écran: un monstre en chair et en os, sorti d’un ventre. Et avec du vrai sang qui a coulé sur le sol. Leur sang. Et celui des victimes adultes. Des mains les aideront à se relever. Elles leur proposeront des outils pour se reconstruire. Revenir sur la rive des vivants. Retrouver le goût d'être.

         Parler du tueur ? D’autres s’en chargeront. Certains pour engranger des voix dans les urnes. Des comptables de l’horreur cherchant à obtenir un gain. Pendant ce temps, des mains gantées, doigts de chirurgiens et d’infirmières, tentent de sauver le plus de vie possible. Sans essayer d’obtenir un gain ; excepté, celui de soustraire à la mort? les victimes de cet acte meurtrier. D’autres essayeront de trouver des circonstances atténuantes au tueur. Pour ma part, je ne lui en trouve pas. Ou plutôt je ne cherche pas à lui en trouver. Préférant me concentrer sur ces gosses massacrés. Cet homme, après avoir visiblement fui la mort, est venu la donner ailleurs; c est bien le signe qu’il ressemble aux bourreaux de son peuple. Mais je ne suis pas juge, ni procureur ou avocat. Et sûrement que des choses m'échappent. Un billet écrit très à chaud. Sans tous les éléments  de ce carnage.

    À l’opposé des comptables sans scrupules engrangeant sur le sang des victimes, d’autre paroles. Comme après chaque horreur commise par un métèque, des voix s’élèvent contre les amalgames. Ce tueur a la même nationalité, le même teint de peau, la même religion, la même langue, que des dizaines de millions d’autres sur la planète. Mais eux n’ont pas donné le moindre coup de couteau dans un parc. Sans parmi eux des milliers indignés et en colère contre un homme issu du même pays qu’eux. C’est lui le tueur. Personne d’autre. Mais allez expliquer ça à des gosses et un adulte lardés de coups de couteau. L’amalgame est déjà dans l’air. Irrationnel et contre productif- sauf pour les diviseurs et jeteurs d’huile sur le feu déjà bouillant. Toutefois, s’inquiéter de l’amalgame est beaucoup moins urgent que les chairs blessées. Dont trois en sursis. Prioritaires.

       Que rajouter ? En avoir trop dit ? Pas assez ? Dans tous les cas, les mots, les minutes de silence, ne pourront arrêter la main tueuse. Trop tard. Juste là pour constater, s’indigner, se foutre en colère… Encore une fois. Énième fois. Comme à chaque fois. En se répétant que l’homme est le pire animal de cette planète. Se replonger dans la lucidité carnivore. L’horreur ne finira jamais. Qu’elle soit à l’arme blanche ou avec des instruments de mort ultra perfectionnées. Putain d’espèce humaine ! Putain de monde ! Pourquoi le soleil ne nous dévore-t-il pas plus vite. On ne sert qu’à véhiculer l’horreur sur toute la surface du globe. Faut en finir avec l’espèce humaine. Définitivement. Terminus humanité, tout le monde disparaît. L'humain est un récidiviste, répétant les mêmes saloperies depuis des siècles. Empêchons-le de continuer son carnage. Finissons avec notre sale espèce. Définitivement.

          Et eux, tu y penses ? Qui ? Les enfants entre la vie et la mort. Et leurs copains blessés mais dont la vie n’est pas en suspens. Ainsi que l’adulte. Rien que pour eux, il faut s’obliger à y croire. Obligé. Malgré la lucidité et l’impression de remonter sans cesse un caillou nommé terre. Plus jamais ça… Et vlan. Chaque fois retombant dans la boue et dans le sang. Pourtant pour eux, les enfants du square, les autres massacrés partout sur la planète, les femmes et les hommes détruits ; il va falloir mettre notre pessimisme sous notre mouchoir. Pour retourner sur le terrain. Chacun chacune à sa façon. À son petit ou grand niveau. Faire ce qu’on sait et peut faire. Pourquoi ? Pour participer à un vaste chantier. Lequel ? Que la terre soit un vaste parc où tous les gosses puissent jouer. Sans avoir peur du ciel chargé de bombe ou d’un monstre armé d’un couteau. Ici ou là, certains rêvent de vengeance ou de retour de la peine de mort. Réflexe sans doute naturel. Mais la force, la plus grande force, serait de sortir de l’émotion. Tenter de revenir à la raison. Plus facile à dire qu’à faire, quand on a perdu un proche, surtout un gosse.  Plongé dans la pire souffrance. Une solitude inconsolable. Tout ça à cause d’un monstre portant un masque d’humain. Venant de poignarder l’humanité tout entière.

         Du pain sur la planche planétaire. Mais nous le devons à ces enfances détruites. Dans ce parc et ailleurs. Ne suffit pas de jouer le voyeur en colère derrière son écran, écrire quelques mots inutiles sur un blog, s’indigner sur les ondes, hurler face caméra… Certes, c’est mieux que rien. Mais nous devons aller plus loin. Du bas en haut de l’échelle. Sans pouvoir ou puissant. Pour trouver ou retrouver des armes pour combattre toutes les horreurs. Même si c’est illusoire de penser réussir à transformer les huit milliards de passagers de la planète. Ce qui n’empêche pas, avec toutes sortes d’outils, d’éviter de fabriquer de nouveaux monstres. Comme celui de ce matin dans un parc. Qu’il s’agisse de monstre avec bouton nucléaire ou couteau dans un parc. Tout aussi dangereux. Combien d’enfance massacrées en Ukraine, au Yémen… par des monstres officiels ? Mêmes scènes d'horreur récurrente ici ou .  Le chantier de l’horreur reste ouvert non-stop sur toute la planète. Comment le fermer ?

         Pour conclure, laissons la parole à quelqu’un ayant réussi à remonter le rocher à une très grande hauteur. Pourtant, ce n'était pas un combat gagné d'avance. Même si, après la mort de ce grand combattant, nombre de rochers redescendent, remontent, redescendent… Cet homme proposait une arme. Sans doute qu’elle n’est pas la seule ( des flics ont interpellé le tueur du parc). Mais elle reste une des plus essentielles. Utopiste, naïf, bisounours, etc. Sans doute vrai. Quitte à être impuissant, autant miser sur l’espoir. Ça ne coute rien. En plus, sait on jamais. Et l'aube a besoin de l'espoir pour revenir. Nous sortir des griffes de certaines nuits. Affaires du monde à suivre...

      «  L’éducation est l’arme la plus puissante qu’on puisse utiliser pour changer le monde. »

Nelson Mandela

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