Merci à Pascal le pêcheur
.
Des hommes et des femmes arrivent.
Sourires plein leurs regards.
Sourcils concentrés.
Fronts intelligents.
Il parle.
Elle parle.
De belles phrases,
de beaux mots.
Il sait,
elle aussi.
Demain ne sera pas comme hier,
ni comme aujourd’hui.
Communication parfaite.
Langue de passage.
D’autres hommes et femmes vont prendre leur place.
Il va parler.
Elle aussi.
D’autres mots :
très beaux,
très forts.
Tout sera meilleur.
La nouvelle langue d’en haut l’a dit.
C’est du sérieux.
Elle ne ment pas.
Rien à voir avec la langue d’avant.
Cette fois,
c’est la bonne fois.
Les beaux mots d’hier font leurs cartons.
D’autres les défont.
Prendre la place de la langue qui s’éloigne.
De nouveaux hommes et nouvelles femmes sur nos écrans.
Nos oreilles nourris par des mots nouveaux.
Les mêmes avec un emballage différent.
Nouvelle arnaque ?
Arnaque nouvelle ?
La lucidité se pose des questions.
Ses fins de mois aussi.
Que faire pour ne pas désespérer ?
Sortir la dernière illusion de son congelo.
Celle gardée pour la grande faim.
Son illusion tant qu’on est vivant.
Et à laisser pour ses gosses,
les générations futures.
Pourquoi léguer une illusion ?
Pour ne jamais laisser se refermer le chantier.
Rester dans le sens de la vie.
Pas d'autre plan que le plan E.
Espoir.
On ouvre encore la porte du congelo.
Elle est là.
Plus qu’elle.
Dernière illusion.
La dilapider encore une fois ?
Laisser l’illusion dans son habit de glace
Hésitation.
« Plutôt naïf que déjà mort dedans».
On l’a sort de la glace.
En ayant oublié la magie du geste.
Décongeler la dernière illusion
fait naître une autre.
La voilà au menu du jour.
Et on y retourne.
Croire encore en une langue.
Comme des gosses au Père Noël,
des fidèles en leur religion.
La parole nouvelle est là.
« Mais il me semble que… Je l’ai déjà entendue. Pas en train de me raconter le même baratin ?
Faire taire la petite voix en soi.
Pas décongeler l’illusion pour rien.
On écoute.
Plus ou moins,
selon le taux de désillusions
dans le sang
depuis des générations.
Il parle.
Elle parle.
Nous écoutons.
Il se tait.
Elle se tait.
Silence pendant le changement de micro.
Interlude avant la langue nouvelle. .
L’illusion déjà recyclée en désillusion
dans le compost républicain.
Cette fois,
c’est la dernière fois.
L’illusion restera congelée.
La langue nouvelle insiste.
Elle réussit à nous convaincre.
On rouvre la congélo.
La langue nous applaudit.
De bons citoyens,
de bonnes citoyennes.
La langue parle.
Elle nous aime.
On y croit.
Elle a un projet pour demain.
On rêve.
La langue s’arrête.
Fin de sa saison de parole.
Avant d’être remplacée.
La langue passe.
Les maux restent.