Racisé. Étrange terme. Racisé comme une sorte de handicap à vie ? Une affichette qui serait collée sur sa face, jusqu’à son dernier souffle ? Mohamed Djoubar: Né racisé à Ivry, mort racisé à Dublin. Étiqueté de la naissance à la mort. Le maghrébin, le noir de tel ou tel pays, l’Asiatique, colonisé jusqu’à la fin de son existence ? Le jeune d’origine d’ailleurs immigrisé à perpétuité ? Nulle échappatoire. Même pas racisable: un individu susceptible d’être victime de racisme. Non. D’emblée racisé, victime même sans acte raciste. Lié en quelque sorte à son bourreau potentiel. Contraint à endosser ce rôle ? Non. Une auto-stigmatisation. Quelle est la différence entre la victime et le bourreau potentiel ? Le raciste peut évoluer et ne plus l’être. Pas le racisé.
Le racisme existe. Nul ne peut le nier. Sauf certains racistes et aveugles ou sourds. Toutefois le terme racisé insinue que l’autre, l’individu blanc, devient potentiellement raciste. Le confiner lui aussi dans un rôle négatif. Sans se soucier de son assignation de fait à la posture du bourreau potentiel du racisé. C’est là où le bât blesse. Comme certains et certaines affirmant que tout homme est potentiellement un féminicideur et violeur. Tandis que d’autres ressassent que tout Arabe est un terroriste potentiel ou voleur. On sait où ce genre de raccourci peuvent mener… Se battre contre le racisme n’est pas enfermer un individu dans le corset d’une victime potentielle. Tous les déplacements ou relations d’un racisés sont de fait dangereuses. Que faire pour se protéger de cette racisation permanente? Rester entre soi, sous les mêmes toits. Pourtant souvent là où l’on risque d’être assassiné. Surtout les femmes. Sans oublier non plus les incestes
Tous les habitants et habitantes du pays logés à la même enseigne républicaine ? Non. On a pas la même vie selon son adresse. Plus facile pour moi, vivant loin des zones urbaines, sans capuche sur mes cheveux blancs. Pas autant contrôlés que les jeunes des quartiers populaires. Pour ça qu'il est important de rappeler haut et fort que certaines populations- souvent jeunes et non blanches-sont le plus souvent victimes de discriminations de la part de certains membres des forces de l’ordre. Suffit de regarder la tête des contrôlés dans l'espace public. Une population jeune cumulant les discriminations.
Rappeler aussi que la haine des blancs est aussi une réalité. Bien sûr pas dans les mêmes proportions que celle contre les basanés. Et elle est très récente. Ne pas oublier non plus que la majorité de blancs est dominée par une minorité de blancs. Une guerre contre les blancs attisée par quelques apprentis sorciers-sorcières avides de divisions pour mieux régner ? En attendant, la violence de certains (pas tous les flics comme pensent certains docteurs es raccourcis) gardiens de la paix préfèrent plutôt s'exercer sur les peaux de couleur sombre. Suffit d'ouvrir les yeux dans les transports en commun, les rues, pour s'en rendre compte. Un raccourci d'écrire ça ? Quelle proportion de blancs parmi les individus victimes de discriminations au faciès ?
Dans certains milieux et les quartiers huppés, la couleur ou ses origines d'ailleurs sont beaucoup moins un problème. Très rares les contrôles d'identité dans ces belles avenues de la Capitale et autres centres de grandes villes. Quel flic irait contrôler au faciès notre ministre de l'Éducation nationale ou de la Culture ? Aucun. Ils sont même chargés de leur protection. Comme ils protègent les familles de certains princes du désert massacrant le peuple yéménite. La rue au quotidien n'est n’est pas tout à fait la même selon les quartiers. Les flics demanderaient plutôt un selfie à Omar Sy que sa pièce d’identité ? Indéniable que tous les métèques du monde ne vivent pas de la même manière. Pas le même traitement selon leur statut social. Certains flics préfèrent harceler la couleur pauvre ?
Un homme, une femme, un enfant, quelle que soient ses origines, ne se résume pas uniquement à sa douleur. Ni à celles de ses ascendants. Fort heureusement, sinon la planète serait une vallée de larmes. Toutefois indéniable que ses blessures et celles de ses ascendants pèsent sur l’existence de n’importe quel individu. Sa chair a bien entendu des racines dans des chairs du passé. Donc une mémoire de douleurs en héritage visible ou invisible. Rares les êtres échappant complètements aux ombres dans le sillage d’une histoire familiale et parfois de tout un peuple ayant subi les pires horreurs. Que cette mémoire douloureuse en bandoulière de son identité du jour ?
Espérons que l’histoire présente de chacun et chacune recèle d’autres éléments que le pire de l’humain du passé. Même si nos parents, grands-parents, nos autres proches, ont vécu de terribles violences. Nous ne sommes pas que cet héritage plus ou moins douloureux. Ni assigné à être les ambassadeurs des ombres. Même si on peut vouloir perpétuer la mémoire des horreurs pour que, entre autres, elles ne se répétent pas à l’infini. Ne pas oublier. Sans pour autant être enfermé à jamais dans cette mémoire à travers nos moindres pensées et gestes. De quoi notre histoire individuelle est-elle aussi constituée ? L’amour, la joie, la connerie, le doute, la contradiction, le sexe, le rire, etc. Tous ces éléments en mouvement constituant la somme d’un individu. Perfectible passager de la planète. Une solitude en orbite autour d'autres solitudes.
Sept milliards de racisés ? En tout cas, selon les dires d'un homme blanc du siècle dernier. Comme d’autres personnalités de son époque, il a eu quelques propos antisémites. Encore un penseur, issu d'une époque engluée dans la haine du juif, qui a évolué. Comme Émile Zola et d'autres. Ce personnage devenant au fil du temps un grand humanisme. Homme politique dont un discours a marqué fortement le début du siècle dernier. Pour lui ; il n’y a qu’une seule race : la race humaine. Toutes et tous racisés ? Qui était cet homme ne considérant l’existence que d’une seule race sur la planète ? Jean Jaurès.
Ni racisé, ni raciste.
NB : Des amis pensent que le terme « racisé » a du sens. Ce sont des militants antiracistes de longue date. Et beaucoup sur le terrain. D’accord avec eux sur le fond, pas sur le terme.
