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Dans le camp, avec les SS c’est toujours schnell, schnell, ( vite ,rapide ), avec ces loups, il faut toujours faire vite. Une seconde d’inattention, un geste maladroit, une parole de trop, et c’est les coups de matraques ( courrier d’un instituteur juif 1943 ).
La lenteur nous rend à nous-mêmes, elle nous réapprend à regarder, à écouter, à sentir. Elle nous rappelle que le plaisir différé n’est pas un plaisir perdu, mais un plaisir amplifié.Mon séjour au Maroc me rappel à quel point il est devenu urgent de quitter l’immédiateté, et de retrouver le temps de faire les choses tranquillement, lentement, paisiblement. Sans doute que l’écriture de mon dernier roman y est pour quelque chose. J’ai pris mon temps. Chaque réflexion , chaque phrase ont été passé au scalpel.
La stratégie capitaliste s’appuie dorénavant sur l’immédiateté, je, nous , nous voulons tout tout de suite. Surtout ne pas attendre quatre jours alors qu’Amazon nous livre en 24 h et à la maison. Vous avez deux paires de lunette de vue chez Action pour 1,50 cs , pas moins de 4,70 une sur Amazon qui, de plus, fait tout pour vous en vendre 4 en même temps. Ou est le gain ? Le bus à 5 minutes de retard et c’est l’angoisse. le café que j’ai commandé n’est pas prés, il en met du temps ce serveur... Quoi ! Je dois attendre onze jours pour disposer de ma voiture neuve ?..Vite, c'est le black friday.
Freud avait raison, nous ne savons pas différé le plaisir, cette société fait de nous des éjaculateurs précoces, des gamins névrosés . Le capitalisme en fait sa richesse. Il nous aliène encore plus. Ici au Maroc, j’ai retrouvé le gout de la lenteur. Je sillonne doucement les routes, je regarde les tanneurs, les femmes qui lavent leur linge dans l’Oued, les gamins qui portent des bidons d’eau en riant. Encore une fois, j’ai l’impression que les poisons capitalistes suintent par tous les pores de ma peau. Une bonne douche au cul de la voiture avec trois litre d’eau et je serais même propre de l’intérieur. Alors oui, il y a une vérité que le capitalisme ne peut acheter : la beauté du temps.
La lenteur doit devenir une insurrection.Quitter l’immédiateté, c’est aussi réapprendre à habiter le présent. Nous avons confondu vitesse et progrès, accumulation et richesse, alors que la vraie abondance se trouve dans la lenteur, dans l’attention portée aux gestes simples.Le capitalisme nous a appris à mesurer le temps en productivité, mais le temps n’est pas une marchandise. Il est une matière vivante, une respiration. Ici, au Maroc, chaque sourire échangé, chaque pas dans les ruelles, chaque parfum d’épices me rappelle que la lenteur n’est pas une perte, mais une conquête.
Nous avons besoin de réhabiliter l’attente, de redonner au désir sa profondeur. Car un plaisir différé n’est pas un plaisir amputé : c’est un plaisir amplifié. La lenteur est un hymne, une manière de dire non à l’instantané, non à l’obsolescence programmée de nos vies. Et si la véritable révolution n’était pas technologique, mais temporelle ? Reprendre le temps, c’est reprendre le pouvoir. C’est se laver des poisons invisibles, non pas avec trois litres d’eau, mais avec une conscience renouvelée.