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Billet de blog 13 octobre 2009

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Montedidio, roman éternel d'Erri De Luca.

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"La journée est une bouchée"

Hors du temps médiatique et des rentrées littéraires qui font pleuvoir les livres comme pour annoncer l'automne et ses feuilles bientôt mortes, j'ai choisi de lire un roman défunt, prix fémina étranger 2002, Montedidio, celui de cet écrivain italien déjà adoré, Erri De Lucca.

Un roman de songes, ceux d'un jeune Napolitain de 13 ans qui nous les raconte en italien, même si « L'italien est une langue sans salive, le napolitain au contraire garde un crachat dans la bouche qui fait bien tenir les mots entre eux », c'est celle des déchus de cette colline qui domine Naples dans les années cinquante. C'est la langue simple de gens qui pleurent, « Les yeux ont besoin de larmes pour y voir », celle qui n'offre qu'un seul mot « suonno » pour sommeil et songe, « là où en italien il en existe deux » comme si le dialecte n'osait pas s'offrir ce luxe.

Un roman initiatique, tout en retenue comme ce « boumeran » en acacia, cadeau du père, enfoui dans la poche du héros qui attend son envol ultime, comme un voyage de l'enfance à la maturité, le temps de laisser mûrir les mots, la voix et le corps, le temps de laisser mourir la mère, de laisser naître un amour. Le temps de l'adolescence, l'éveil de la conscience, un entre-deux: « Mon oeil gauche est droit, rapide, il comprend au vol, il est napolitain. Le droit est lent, il ne met rien au point. A la place des nuages, il voit les flocons épars du matelassier quand , dans la rue, sur un drap tendu, il peigne et retourne la laine pour en faire des flocons ».

Dieu est vivant chez Erri De Lucca, « il est contraint d'exister à force de prières... »Il s'est fait ange pour mieux protéger ces enfants de la rue. Il a acquis la complicité silencieuse de Don Rafaniello, un cordonnier juif et bossu " qui fait la charité aux pieds des pauvres" qu'il ne fait pas payer et attend de déployer un jour les ailes de sa bosse pour se rendre à Jérusalem. Il chante

le désespoir des survivants de la shoah pour redonner l'espérance: « ...il faut chanter pour donner de l'air aux pensées, sinon, enfermées dans la bouche, elles moisissent ».

Et nous nous arrêtons, dans cette ville « pleine de noces » pour célébrer cet « ammour » qui est « une alliance, une force de combat » , cette alliance entre la langue des Napolitains et l'écriture italienne d'Erri de Lucca qui nous donne si bien à vivre ceux qu'il a aimés.

C'est le roman des gens pauvres, un roman éternel.

« Ce sont les larmes qui permettent de voir »

Montedidio, Erri De Lucca, Gallimard/folio, 2003, 230 p.

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