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Billet de blog 22 novembre 2020

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Le COVID 19 en Afrique: des pistes à explorer...

Entre 2015 et 2020, l’Afrique a dû faire face à plus de 500 épidémies. Ainsi depuis le début de l’urgence de la COVID 19, les femmes et les hommes de 47 pays luttent contre plus de 118 épidémies, dans le contexte de 12 crises humanitaires majeures.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

   Tous les états d’Afrique sont touchés par la COVID 19, alors même qu’ils sont moins de 15 % atteints par la Rougeole, la Poliomyélite ou le Choléra pendant cette même période. 

   La situation entre le 9 au 15 novembre 2020, y est évidemment très différente selon les territoires, mais reste globalement bien meilleure que celle vécue dans beaucoup d’autres régions du monde : seulement 1 % de nouveaux cas de décès en Afrique sont liés à la COVID 19. 

   Depuis le début de l’épidémie, l’Afrique a compté 1 398 935 cas confirmés et 31,450 décès et le pic de l’épidémie atteint en juillet 2020 ; soit une moyenne de 28 décès par millions d’habitants, bien inférieure à titre de comparaison, aux 673 décès par millions d’habitants en France ; pour donner une image de la situation, si la France était dans la moyenne des pays africains, elle ne cumulerait actuellement que 2 000 morts imputés à la COVID 19 en lieu et place des 47 000 vies disparues aujourd’hui à ce titre.

   L’Afrique du Sud totalise à l’heure actuelle un nombre beaucoup plus élevé de victimes que tous les autres pays du continent, avec 341 décès/millions d’habitants attribués à la pandémie COVID 19 ; elle fait figure d’exception notoire, mais ce chiffre même ne représente que la moitié des décès comptabilisés en France.

   De surcroit ces chiffres ne semblent pas évoluer vers une forte aggravation. Dans la semaine du 9 au 15 novembre, le nombre de décès liés à la COVID 19 dans les pays où la mortalité est la plus considérable en Afrique, souffre pour autant d’une mortalité bien plus faible que le reste du monde, et que l’Europe en particulier. En effet, les pays les plus touchés comme l’Afrique du Sud ne comptabilisent que 7 nouveaux décès/millions d’habitants, l’Algérie et le Kenya par exemple 3 nouveaux décès par millions d’habitants.

   On peut certes imputer une partie de cette différence abyssale entre les ravages de la COVID 19 en France et en Afrique, par plusieurs facteurs épidémiologiques ; ceci reste à analyser dans le cadre d’études indépendantes, mais plusieurs pistes sont à explorer en détail : 

1/ L’âge est, évidemment, un facteur prépondérant : seulement 3 % de la population en Afrique est âgée de plus de 65 ans, alors qu’en France les plus de 65 ans sont environ 20 %. Pour autant, 82 % des cas confirmés en Afrique ont entre 20 et 59 ans. Une population plus jeune est moins sujette à développer des formes graves de maladies même si la santé des populations même jeune en Afrique n’est pas comparable à celle de jeunes en France.

2/ L’Afrique est un continent moins exposé aux flux migratoires intensifs de voyageurs et de marchandises. La propagation du virus est ralentie à la fois par le manque amer d’infrastructures routières et ferroviaires et de par les restrictions imposées pendant cette période au continent. 
Dans un contexte inverse, dans des pays comme la France, le manque cruel de protection des populations migrantes est la cause de nombreux décès répertoriés et cela même dans des populations jeunes : les populations expatriées, qu’elles soient en Seine–Saint-Denis ou à Singapour, sont les plus durement touchées par l’épidémie.

3/ Pour les pays africains ayant accès à des ressources alimentaires suffisantes, les modes de vie sont plus sains et la nature de l’alimentation pourrait jouer un rôle non négligeable. L’alimentation en Afrique est plus proche des produits naturels, elle inclut proportionnellement plus de fruits et légumes et moins de viande, l’accès à une nourriture transformée (alimentation et boisson) contenant des sucres et des actifs chimiques y est plus difficile que dans des pays industrialisés. 
L’eau, la ressource la plus fondamentale à la vie et la lutte contre les maladies des mains sales, si difficilement accessibles dans de nombreuses régions d’Afrique, ne semble pour autant pas être voir été un facteur aggravant pour la COVID 19. Inversement, en France, il est reconnu que le traitement de l’eau par chloration (avec des dosages de plus en plus forts) est une cause directe de l’affaiblissement de nos systèmes immunitaires et pourrait y être une des raisons majeures du nombre de cas graves de la COVID 19.

4/ Le climat et l’environnement sont des facteurs évoqués régulièrement, comme la chaleur et l’humidité, ou le fait d’avoir une peau moins couverte et donc un apport en vitamine D plus conséquent. Pour expliquer les différences importantes entre les villes et les zones rurales, la pollution des environnements ou plus précisément l’exposition continue à des substances chimiques plus ou moins nocives et plus ou moins mélangées sont admises. La pollution de l’air et de l’eau est l’une des sources principales de l’affaiblissement des systèmes immunitaires et donc des fragilités des organismes vis-à-vis des maladies infectieuses.

5/ La création d’une immunité protectrice dans les populations africaines est évoquée par certains auteurs ; cette immunité pourrait être liée au développement d’anticorps dans les populations soumises de manière intensive aux pandémies virales, mais aussi à des facteurs génétiques ou le vaccin du BCG : en effet, la vaccination à un jeune âge du BCG (réalisée à la naissance dans la plupart des pays africains) permettrait une meilleure résistance face à la COVID 19. Alors que le vaccin du BCG est injecté en France depuis des générations,  pourquoi les données ne sont elles pas identiques à l’Afrique ?

6/ La santé mentale est un facteur important de morbidité, identifié en tant que tel dans de nombreuses études. En Afrique, la solidarité entre les générations, les groupes et les familles est plus présente ; une attention plus forte est notable vis-à-vis des ainés. Ceci est un des éléments fondamentaux pour le maintien en bonne santé d’un individu. Finalement, les populations africaines sont-elles plus résilientes face à la maladie et gèrent-elles plus facilement leurs peurs et angoisses?

  Mais à l’inverse, d’autres facteurs, notamment la supposée excellence de système de soin en France, auraient pu laisser penser un rapport inverse entre le taux de décès liés à la COVID 19 en France et le taux de décès liés à la COVID 19 en Afrique… l’analyse des actions mises en place et celles qui contribuent à expliquer ce très faible taux relatif d’incidence et de mortalité de la COVID 19.

1/ La première raison avancée par les experts et épidémiologistes dont ceux de l’OMS sont le niveau de préparation des états et des organisations continentales pour réagir et gérer une nouvelle épidémie. 

   Grâce aux retours d’expériences, et principalement à celles des luttes passées contre Ebola, les responsabilités et les modes actions de prévention et de gestion ont su mettre en place très rapidement des organisations locales avec des référents communautaires et des médiateurs en santé.

   Les patients pris en charge au niveau local permettent que le plan d’urgence soit rapidement mis en œuvre.

   La décentralisation de la décision au niveau local est une preuve de bon sens, car une épidémie à l’échelle d’un continent ou d’un pays n’est autre que la somme des multiples et spécifiques épidémies locales. Chaque plan d’action est unique et qui doit être lancé dès les premiers cas.

   Dans cette situation, les responsables locaux connus et reconnus, référents communautaires ou médiateurs en santé, inspirent confiance ; ce qui favorise aussi l’acceptation des mesures sanitaires prises par les populations. L’engagement des populations est renforcé grâce aux actions locales de sensibilisation, aux unités de dépistages fixes et mobiles, au suivi régulier de la performance des actions menées et à la diffusion transparente des informations et des reportings.

   Le confinement total ou partiel entre le 1 et le 19 avril 2020 des pays africains a été l’occasion pour les responsables de la gestion de l’épidémie de prendre le temps de réfléchir à d’autres modes d’actions, et en particulier au déploiement des tests de diagnostic. En Afrique, à la mi-avril 2020, 94 % des pays peuvent tester les populations et 100 % à la fin du mois de juin grâce à la mise en réseau de 790 laboratoires.

2/ L’information des professionnels en Afrique y a été primordiale.

   La formation, mais aussi l’accompagnement et la protection des professionnels de santé y ont été des priorités absolues : pour éviter les écueils des précédentes épidémies, l’accent été mis dès le départ un programme spécifique et des outils de protection des personnels de santé : les infections des effectifs de santé en Afrique sont relativement basses avec seulement 44 556 contagions d’agents de santé répartis dans 42 pays soir 3,5 % des cas grâce dès le départ pour protéger les effectifs de santé.

   La plateforme en ligne de l’OMS disponible pour 33 pays en Afrique, mais aussi en Italie, en Inde et à Madagascar a formé à distance les agents de santé aussi bien sur la gestion des déchets infectés qu’à l’utilisation des équipements respiratoires. 

   Pour accompagner aux quotidiens les équipes, une plateforme de gestion des incidents mise en place depuis 2017 a permis de répondre en 7 langues différentes à plus de 20 000 demandes et de réunir plus de 3000 membres des services des ministères de la Santé et de l’OMS.

3/ Pour faire face aux difficultés rencontrées pour obtenir les moyens et les ressources nécessaires pour lutter contre la COVID 19, les états africains ont fonctionné en réseau.

   Les forces des différents pays du continent mutualisées favorisent les échanges et les soutiens pour la réalisation des tests ; avec des moyennes oscillantes entre 3 à 10 tests pour 10 000 habitants selon les pays. De même, pour faire face aux cas les plus graves, un réseau de 3097 lits est réservé aux malades du COVID 19.

   L’objectif de ce bref résumé de différentes conférences de l’OMS Afrique n’est ni un travail académique, ni l’occasion de donner des bons points aux uns et aux autres, mais un travail issu de la volonté d’offrir un autre regard sur la crise que nous vivons.

   Finalement, en synthèse, le plus important facteur de protection de la COVID 19 n’est-il pas lié à nos modes de vie et d’organisation de notre société, directement issue des valeurs de la République Française:

   Liberté de soin au niveau local, pour individualiser la réponse vis-à-vis du virus,

   Égalité des chances dans l’accès aux soins sur tous les territoires pour ne pas laisser les plus âgés et les plus pauvres sur le bord de la route,

  Fraternité, le socle de tout, qui inclus une transparence dans le système de soin, mais également des rapports humains différents et des relations différentes tant entre les continents, les états, les régions, les communes qu’entre les hommes.

Apprenons toujours plus à écouter et à échanger de manière bienveillante avec les autres.

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