Agrandissement : Illustration 1
Une déferlante de bonnes intentions se déverse dans ma tasse.
Il faut sauver… mais qui ? Moi ? Eux ? La planète ? Les autres ? Lesquels ?
Qu’est-ce que « moi » représente sur l’échiquier du cosmos ?
Le tenancier saupoudre mon cappuccino d’idéologies vertes, roses, blanches, noires, violettes, arc-en-ciel… Je n’ai même pas encore ouvert le journal 24 heures, mon disque dur est déjà saturé.
A travers ces circonvolutions pathologiques, je ne suis plus maître de ma destinée.
Les dés du jeu des circonstances sont pipés par des agences de communication. La modélisation du réel a pris le contrôle de mes états émotionnels.
Avant, j’avais un esprit en paix et rêveur,
Maintenant, j’ai un esprit qui ne m’appartient plus.
On me dit que je suis connecté.
Oui, pour sûr, avec ou sans mon consentement, je le suis.
Mais à quoi ? Et à qui ?
Le tsunami d’infos a arraché mes amarres.
Mes yeux sont rivés à mon écran.
Sans raison aucune, je ne peux les décoller.
Je n’ai plus la force de lutter.
Isolé de mes racines, je suis un corps à la dérive.
Dans mon champ des possibles en friche, je suis une légumineuse insipide.
A travers les terminaux à haut débit, ma capacité de réflexion s’est fait la malle.
Des millions d’individus me font la nique.
Les clichés du bout du monde me parviennent en 4 D.
Ne plus m’appartenir, oublier la densité du réel,
Effacer les contraintes et les obstacles de ma mémoire,
Le poids du travail, de l’histoire et de la culture.
C’est si bon de se sentir vivant devant un cappuccino matinal.