« Les hommes font l’histoire, et l’histoire les emporte » Fernand Braudel
Apocalypse
Année après année, le chaos du monde s’étend, du nord au sud, d’est en ouest, balayant au gré de vents toujours plus monstrueux la vie des humbles, des malchanceux, vies fragiles, éphémères, coquilles de noix légères ballottées puis englouties aux profondeurs de l’oubli par les flots déchaînés de mers toutes-puissantes sous des cieux en proie au hasard malfaisant, désertés par les dieux, de toute éternité aveugles au destin des humains qui cherchent pourtant à lire dans le cosmos un sens.
Hantée par les malheurs accumulés depuis la nuit des temps, me voici à jamais atteinte par la blessure suprême, le coup fatal, l’effondrement de cinquante années de mon passé, la désintégration de tous liens humains les plus chers, les plus sacrés, l’anéantissement de l’amour fou qui fut ma raison de vivre, la révélation de l’image vraie de celui en qui je croyais de toute mon âme alors que, faisant semblant, il mimait depuis toujours un personnage qui n’exista jamais.
Mes poèmes d’amour n’avaient donc été que fleurs de la passion dispersées en vain parmi les astres lointains, grains de poussière virevoltant sans raison dans la lumière. Alors, vieille dame esseulée au milieu du désastre, j’attends que s’éteignent enfin les battements d’un cœur dédaigné qui n’a que trop rêvé et trop pleuré.
31 mai 2022 Aimée Saint-Laurent ©