Reliques de notre amour
L’image de Toi en notre jeunesse, si douce, si tendre, si élégante, si séduisante, si enivrante, ma mémoire l’a enchâssée depuis tant d’années au plus profond de ses secrets qu’elle ne peut l’effacer. Et malgré la duplicité insoupçonnée dont tu as fait montre, malgré ta folie d’un hiver, ta cruauté envers celle, chancelante, qui n’a cessé de t’aimer plus que tout au monde, malgré ton abandon soudain, c’est cette image de notre amour partagé des premiers jours qui surgit, l’image de nous qu’après ton père, ta merveilleuse mère a aussi emportée dans la tombe, si claire, si lumineuse et non celle que tu viens de révéler, l’image sombre d’un être impitoyable, maléfique et calculateur qui m’a ignoblement jetée au bûcher de l’oubli et du désespoir.
Prélude à cette journée de juillet où nous aurions dû célébrer le souvenir de nos noces lointaines, la nuit dernière m’a envoyé un rêve de toi où nous joignions nos lèvres avec ferveur comme aux premiers temps de la rencontre sublime. Mon réveil fut secoué par le chagrin de ton absence, la condamnation à la souffrance que tu m’as infligée.
Pendant cinquante ans, mon cœur n’avait su que t’attendre, toi qui fus l’Aimé absolu, mais aussi l’éternel Absent dont chaque retour le gonflait d’espérance, comme sous la brise rafraîchissante d’un jour éblouissant les voiles blanches du navire d’Yseult toujours prêt à voguer vers toi sur les eaux du monde.
Tu ne m’as pas assez souvent prise dans tes bras quand tu franchissais la porte, pas assez longuement bercée contre ton corps de dieu. Je ne connaîtrai plus ces instants précieux qui m’étaient consolation, par ta présence charnelle et ta parole, de tous les malheurs du monde. Je ne connaîtrai plus la joie immense dont ton arrivée faisait vibrer toutes mes fibres comme les cordes d’un violon enchanté.
Tu es maintenant pour moi destination impossible, contrée interdite, entre nous tu as élevé une frontière infranchissable. Au-delà du présent de mon exil, ma solitude s’étend maintenant en silence à l’infini.
3 juillet 2022 Aimée Saint-Laurent ©