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Billet de blog 1 juin 2024

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Se faire évaluer en tant que manager...

Il n'y a pas de raison pour que les managers ne se fassent pas évaluer par les administrés dont ils ont la charge; quelque soit notre fonction dans un système, celui qui "juge, estime, apprécie la valeur de quelque chose ou de quelqu'un" doit accepter qu'une même procédure lui soit appliquée. Il en va du respect mutuel des parties qui concourent à la réussite d'un projet collectif.

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SE FAIRE EVALUER EN TANT QUE MANAGER : UNE NECESSITE QUI N’EST PAS UNE SIMPLE INVITATION PHILOSOPHIQUE

Il y a dans le concept de management deux sens qui peuvent être différenciés selon l’orientation que chacun veut donner à sa fonction. Parfois, il faut bien le reconnaitre, les hommes n’ont pas le choix, c’est l’organisme qui les emploie qui définit l’objectif à atteindre et les méthodes qui pourr

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Norbert Krantz © Norbert Krantz

ont ou devront être employées. Et le risque peut être grand, dans certains cas, que les salariés servent de variable d’ajustement à un système qui ne conçoit que le produit fini ; peu importe au fond la façon de s’y prendre. « L’autre » est considéré dans ce contexte comme une simple main d’œuvre.

Pour certains, la mission va donc, par nécessité ou par philosophie (on ne peut pas évacuer cette hypothèse) s’inscrire dans « un ensemble de techniques de direction, d’organisation et de gestion d’entreprise… manager c’est alors : organiser, gérer quelque chose, diriger une affaire, un service, etc. » (définition du Larousse) ; on pourrait qualifier ce point de vue de fonctionnaliste, voire de productiviste. Pour d’autres, il n’est pas possible d’envisager la production de biens et/ou de services sans prendre en considération, de façon concomitante, le bien être de ceux qui sont, de façon parfois tout à faite concrète, à la manœuvre. La façon dont ces derniers entrevoient leur mission parait de ce fait un peu plus complexe, puisqu’elle se nourrit -tout en la nourrissant- de l’épanouissement des salariés, et de la façon dont ils vont bien pouvoir cheminer ensemble. En faisant de chacun d’eux un partenaire tout à la fois intéressé, responsable et considéré à sa juste valeur.

Dans ce cadre là, qui respecte ou qui prend en compte les individus en tant que tels, ce sont les acteurs qui deviennent tout à la fois les sujets et l’objet -non exclusif- des transformations attendues. Le manager se veut alors un coordinateur de forces vives, entouré de collaborateurs dont l’objet est de vivre pleinement la dynamique de l’entreprise et de concourir à la réussite du projet qui aura été partagé. Je ne m’étendrai pas davantage sur la définition et la conception de cette vision humaniste -notion de management participatif – non seulement parce que d’autres l’ont fait bien mieux que moi mais également parce que je me suis déjà exprimé à ce sujet dans d’autres colonnes. Pour moi, manager c’est « aimer » les autres, c’est être capable de mettre au service d’un bien commun, l’ensemble des points de vue et des compétences que chacun développe ou aura développé durant sa vie et de façon singulière. C’est aussi, mettre en confiance les acteurs et considérer les trajectoires individuelles ; manager c’est enfin, encourager le respect d’un certain nombre de valeurs.

UN REGARD PORTE SUR SOI-MÊME

L’objet de cette réflexion, c’est d’étendre la vision du management des autres, à celle de son propre management. Comment peut-on imaginer que chacun occupant cette fonction ne s’interpelle pas, dans le bon sens du terme, sur la façon dont il conduit non seulement les dossiers et les hommes mais également comment il se conduit lui-même ! Comme si la fonction exercée dans ce domaine devait conduire le manager à faire l’économie d’un regard porté sur l’implication de ses décisions et de ses actes dans le fonctionnement du système. De façon un peu succincte, je dirais qu’il parait normal que celui qui évalue puisse être évalué en retour. Soit on considère, qu’il doit rester extérieur, pour des raisons que je peux éventuellement entendre ; soit on considère qu’il fait partie entièrement de la scène.

MA POSITION

Je souhaite relater à titre d’exemple, la façon dont j’ai conduit mes affaires à ce sujet. Il n’a jamais été question pour moi durant toutes mes années professionnelles de faire fi de l’avis de mes collègues. Bien au contraire, les évaluations que je me suis imposées, bien que représentant un risque certain (tout le monde comprendra pourquoi ?) m’ont toujours paru nécessaires parce qu’elles renvoient au regard porté par les autres sur votre propre fonctionnement. Parce qu’elles apportent l’objectivité nécessaire aux remises en question et parce qu’elles désignent ce qu’il reste à chacun, à accomplir comme progrès. Ce genre de pratique n’est hélas pas très répandue ! Beaucoup de ceux que j’ai côtoyé et qui ont occupé le même genre de poste que moi auraient pu l’adopter. Il m’a été reproché de rechercher l’affection de mes collègues ; c’est un procès que l’on fait souvent à tous ceux qui sont attentifs au ressenti de leurs collaborateurs -souvent par des managers qui ne veulent pas voir la réalité en face et/ou qui craignent de se trouver confronté à la véritable image qu’ils renvoient. A ces mêmes, je leur fais remarquer qu’ils confondent l’intention première et le résultat final : la considération ou l’estime que peuvent nous porter certains de nos collègues ne constitue pas un but en soi mais s’avère la conséquence du soin apporté par certains managers à cheminer avec les siens - à leurs côtés.

UN OUTIL SIMPLE

L’outil que j’ai utilisé dans le cadre de l’exercice de ma dernière fonction de manager dans le monde du sport de haut niveau (nov. 2022) reposait sur la mise en place d’un sondage au caractère anonyme. Voilà comment en quelques termes, je présentais « l’Ethique et la prise de risque » associés au fait de se faire évaluer par ses propres administrés : 

  • Tout manager qui évalue doit accepter d’être à son tour évalué;
  • La sanction en retour peut être sévère, tout à la fois juste et injuste, justifiée et injustifiée, contextuelle et conjoncturelle … liée à la nature profonde des rapports humains;
  • Mais le principe s’inscrit dans l’ordre des choses, parce qu’il n’y a point d’adhésion profonde et sincère des hommes autour d’un projet sans confiance, respect et estime vis-à-vis de celui qui en assure la coordination et d’une certaine façon la vision.

Méthodologie de recueil : 

  • Enquête portée par la société SURVIO;
  • Qui assure l’anonymat des retours;
  • Au total: 8 questions ou items de traitement relatifs à des attributs qui paraissent fondamentaux dans l’exercice du métier de manager (issus de la littérature);
  • Les traitements statistiques sont assurés de façon automatique par le serveur; ils sont consultables par tous et chacun.

20 cadres techniques de haut niveau et 60 sportifs médaillables ont répondu aux questions suivantes ; évaluez par une note de 1 à 10 :

  1. Le niveau de satisfaction global que vous éprouvez vis-à-vis de la prestation offerte par le manager de la haute performance durant la saison 2021-2022 ;
  2. Son niveau de disponibilité ;
  3. Son niveau d’écoute;
  4. Sa capacité à trouver des réponses aux problèmes posés ;
  5. Sa capacité à gérer des conflits;
  6. La capacité du manager à motiver et réconforter les acteurs de la performance;
  7. La capacité du manager à gérer le stress lié aux enjeux de compétition;
  8. Le manager de la haute performance vous inspire-t-il confiance et force?

Il n’est pas question de revenir ici sur l’analyse quantitative et qualitative des notes ; je dirais qu’elle a exprimé à un moment donné de l’histoire de l’institution et de ma présence auprès d’eux, la perception des acteurs principaux de la performance. Bien des méthodes plus sophistiquées pourrait être proposé ; mon propos ne se situe pas à ce niveau, il se situe dans le fait de pouvoir se regarder soi-même, « agissant ». Il faut remarquer cependant que dans de nombreux cas, de façon de plus en plus fréquente, les managers se font accompagner, cela a été mon cas, ou suivent des formations pour mieux se connaitre, afin de pouvoir toujours mieux exercer leurs missions, cela a également été mon cas.

LA TRAHISON EN BOUT DE PISTE

Une petite anecdote mérite d’être comptée ; je n’en suis pas très fier parce qu’elle est indépendante de ma volonté et parce que surtout, elle déroge au principe d’anonymat que j’ai toujours respecté. Mais dans ce cas-là, ce sont les chiffres qui m’ont permis d’appréhender le positionnement « caché » ou « voilé » de celui qui serait amené à prendre ma place. Alors que j’avais établi les moyennes de toutes les évaluations, je me suis aperçu qu’il me manquait peut-être un point de vue, celui d’une personne dont la mission ne répondait pas alors et de façon tout à fait exacte aux caractéristiques de la population sondée. Immédiatement après lui avoir envoyé un courrier de rattrapage, et après qu’il ait répondu, j’ai pu reconsidérer les moyennes à la lueur des notes qu’il m’avait adjugées. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’avait été tendre avec moi, m’attribuant des notes autour de 3 sur 10 à chaque item. Je ne lui en ai pas voulu mais je me suis demandé à quelle logique, sans doute partisane, il avait obéi !

 Chacun est responsable de ce qu’il induit comme vibration(s) dans un système donné.

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