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Billet de blog 14 juin 2024

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UN CLIMAT DE FEDERATION DELETERE

Ci-joint l'enquête qu'à menée Libération (sortie le 14.6.24) pour acter le départ "forcé" de Norbert Krantz et le climat d'entre soi qui caractérise le fonctionnement de la Fédération Française Handisport. Dans tous les cas et je vous prie de me croire sur parole, je n'ai pas été respecté... et ce dès l'arrivée du nouveau DTN.

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A la Fédération française de handisport, le climat toxique d’un clan aux manettes

Illustration 1
Norbert Krantz © Norbert Krantz

Au sein de l’institution, en pleine préparation pour les Jeux paralympique de septembre à Paris, un ex-directeur technique, des employés et coachs dénoncent une atmosphère pernicieuse instaurée par la direction et qui gangrène l’instance depuis plusieurs années. Les cadres visés nient les accusations.
 

5 septembre 2021, cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Tokyo. Les pontes de la Fédération française de handisport (FFH) peuvent trinquer : avec 55 médailles contre 28 cinq ans plus tôt à Rio, le bilan de la délégation française a dépassé toutes les attentes. La contribution de la FFH aura été capitale : 43 des médailles japonaises relèvent de cette instance au poids considérable, puisqu’elle chapeaute à elle seule 11 des 22 disciplines représentées aux Jeux.

A l’œuvre dans l’ombre depuis de nombreuses années, Norbert Krantz est l’un des principaux architectes de cette réussite tokyoïte. Figure incontournable du monde de la performance et de l’encadrement, l’homme a côtoyé le milieu sportif et le haut niveau pendant quatre décennies. 
Débauché à 61 ans en 2018 de l’INSEP, la fabrique des champions à Vincennes, il a cumulé ensuite au sein de la FFH les fonctions de directeur des équipes de France, manager de la haute performance et de chef du projet intitulé «Gagner l’or» en vue des JO de Paris. Tokyo ne constituait qu’une étape de la mission pour laquelle il avait été engagé. Une mission qui a fait long feu le 31 août 2023, un an pile avant les Paralympiques de Paris, date à laquelle Krantz a acté son départ à la retraite de la FFH. «En fait, on l’a poussé dehors», corrige une proche de celui qui devait être le «monsieur médailles paralympiques» des Jeux de 2024.

«Ecœuré», Norbert Krantz dénonce un «système» fédéral vicié, qui serait aux mains d’une poignée de personnes siégeant au sein de l’équipe dirigeante de l’instance. Un cercle restreint qui prospérerait par l’«entre-soi» et «l’omerta», et n’hésiterait pas à écarter quiconque ne suit 
pas la ligne de conduite dictée par la hiérarchie. Depuis le départ de Norbert Krantz, Libération a pu recueillir une douzaine de témoignages de salariés, coachs, encadrants passés par la fédération. Certains y exercent encore. D’autres sont partis de leur plein gré ou sous la contrainte. Tous sans exception évoquent un climat pernicieux qui gangrène l’instance depuis plusieurs années.
 

Un clan qui prend «toutes les décisions»
 Ils décrivent un petit noyau de quatre à huit personnes. Des cadres techniques qui gravitent autour de l’actuel Directeur technique national (DTN), Grégory Saint-Géniès, lui-même ciblé dans les témoignages. Lorsqu’il a été nommé à son poste par la ministre des Sports, Amélie 
Oudéa-Castéra en août 2022, cet ex-skeletoneur passé par les Fédérations de sports de glace et de ski nautique est devenu le quatrième DTN de la FFH en à peine deux ans, signe d’une instabilité chronique. «On a aussitôt senti une prise de pouvoir», assure, sous couvert d’anonymat, un entraîneur qui sera présent aux Jeux. «Omnipotent», Saint-Géniès cumule aujourd’hui la fonction de DTN avec celle de directeur général. «C’est lui qui dirige tout, qui commande tout», confirme cette même source. «Il est juge et partie», résume un encadrant dans la para natation.
Dans son sillage, trois autres noms reviennent constamment au cours des discussions : ceux de Christophe Carayon, Sami El Gueddari et de Pierrick Giraudeau. Le premier est un ancien triple médaillé paralympique d’athlétisme aux Jeux de Barcelone 1992 et d’Atlanta 1996, DTN adjoint depuis 2009, responsable de plusieurs postes clés, comme la trésorerie et les ressources humaines. Sami El Gueddari, ancien nageur handi multimédaillé à l’échelon national, est celui qui a repris les attributions de Norbert Krantz. Consultant ponctuel pour France Télévisions à 
l’occasion des grandes compétitions, il est surtout connu du grand public pour avoir remporté l’édition 2019 de Danse avec les stars. Pierrick Giraudeau s’occupe, quant à lui, de l’accompagnement des athlètes de haut niveau.
Ces personnes «prennent toutes les décisions entre elles», glisse une source passée par le rugby fauteuil. Et auraient joué un rôle de premier plan dans l’éviction de Norbert Krantz et de plusieurs personnes qui «gênaient» ou n’avaient pas le même regard sur le fonctionnement de l’instance, ni sur les projets à mettre en place en vue des Jeux de Paris, d’après les témoignages recueillis par Libé.

«Celui qui ne prête pas allégeance, le clan est contre lui»
Interrogé par Libération, Grégory Saint-Geniès assure ne pas «décider de tout, bien loin de là», et met en avant un «fonctionnement hebdomadaire», rythmé par des «réunions de tous les services», ce qui représente «une quinzaine de personnes toutes les semaines». Même 
dénégation pour Sami El Gueddari : «J’ai un rôle de pilotage sur la partie performance. Après, de là à dire que les décisions se prennent tout seul, non. Chacun œuvre dans son domaine respectif, dit-il. Je suis garant de l’équilibre financier donc ça oblige faire des choix, mais ces choix sont toujours faits en concertation.»
 

Louis-Frédéric Doyez a côtoyé au quotidien le quatuor. Ex-directeur général de la fédération de natation, embauché au même poste à la FFH en 2020, l’homme a quitté ses fonctions au même moment que Norbert Krantz, à la rentrée 2023. Il décrit une «caste», au «fonctionnement 
clanique. Celui qui ne prête pas allégeance au clan, le clan est contre lui». Un engrenage implacable : «Si vous vous grattez le nez, quelqu’un va dire que vous avez fait un doigt d’honneur. Vous arrivez en omettant de dire bonjour ou merci, vous avez les uns et les autres qui vous tombent dessus. Petit à petit, vous vous retrouvez très isolé.»
 

Grégory Saint-Géniès aurait ainsi fait croire à Norbert Krantz qu’il n’était plus apprécié par les sportifs et l’encadrement. Une «campagne de dénigrement», assure un proche, contredite par un sondage anonymisé que le concerné a fait passer à ses collègues et aux athlètes. «Ça ne fait 
pas du tout partie de mes méthodes, nie Grégory Saint-Géniès. Je n’ai jamais mis en cause ses compétences professionnelles.» Ce dernier se dit, à l’instar de Sami El Gueddari, «très surpris» concernant Krantz, évoquant un simple «départ à la retraite», le DTN regrettant «une sorte de 
règlement de comptes». Egalement sollicités, Christophe Carayon et Pierrick Giraudeau n’ont pas donné suite.
 

Une méthode expéditive et solitaire
 Selon un ancien directeur général, une partie du job de Christophe Carayon, le DTN adjoint, consiste en réalité à «maintenir le clan» et pour cela «faire le tour des uns et des autres, d’aller prendre des nouvelles, de raconter des rumeurs. Il passe dans les bureaux pour recenser tout ce 
que les uns ou les autres ont supposément fait de mal». Comme dans certaines grandes entreprises quand quelqu’un gêne, une autre méthode consiste à retirer certaines prérogatives ou missions dévolues aux «rebelles». C’est ce qui s’est passé pour Norbert Krantz mais aussi pour un ancien entraîneur national. En poste pendant près de vingt ans dans une discipline grosse pourvoyeuse de médailles, l’homme avait pourtant cinq Jeux à son actif et avait coaché de nombreux médaillés. Aujourd’hui âgé de 51 ans, il raconte avoir été petit à petit «mis au placard», jusqu’à ce qu’il démissionne en 2023. Le début de son chemin de croix coïncide avec l’arrivée d’un supérieur bénéficiant du soutien inconditionnel de la hiérarchie.

«Carayon nous avait réunis. Il m’a demandé de “mettre des carrés dans des ronds”. En clair, ça voulait dire : “Tu t’écrases, tu fais ce qu’on te dit, et on n’en parle plus.” Par la suite, il a vu ses missions «disparaître les unes après les autres». Plus de budget donc plus rien à faire, pendant près de cinq ans : «Le plus clair de mon temps était de regarder une boîte mail vide et un téléphone silencieux.»
 

Mais d’autres cas ont été bien plus dévastateurs. Certains, comme Olivier Pauly, ont payé le prix fort, voyant leur carrière brisée. Entraîneur d’athlétisme, Pauly est arrivé à la FFH juste après les Jeux de Rio 2016. Devenu consultant-expert auprès de la commission para-athlétisme à partir de 2018, il est propulsé malgré lui à la tête de cette commission après la démission de son prédécesseur. Occupant cette fonction pour laquelle il n’avait pas signé au départ, Pauly se retrouve flanqué d’un manager de la performance que la FFH est allée débaucher sans le 
prévenir. Entre les deux hommes, les débuts sont très tendus. Lors d’un stage à la Réunion en décembre 2022, le ton monte à l’hôtel où loge l’équipe de la FFH. «Il me dit : “De toute manière je fais ce que je veux, je suis pote avec le DTN, tu as perdu d’avance.” J’étais sidéré», raconte Olivier Pauly, qui ajoute avoir reçu un «léger coup de poing» dans les côtes. Des faits pour lesquels il a porté plainte, que Libé a pu consulter. De retour en France, il rapporte l’incident à Grégory Saint-Géniès. Qui va régler le problème à sa manière, annonçant la promotion du manager de la performance… au poste de patron de l’athlétisme. Pour Pauly, Saint-Géniès «a mis mon agresseur en position dominante, sans consultation». Le DTN se justifiera en expliquant avoir consulté l’entraîneur qui lui aurait certifié que «les faits n’étaient pas vrais».

Expéditive et solitaire, la méthode interpelle en ce qu’elle ne respecte pas la procédure de la FFH en cas de signalement pour des faits de violence. Selon les textes, il faut commencer par entendre la victime présumée et la faire auditionner par une commission d’éthique, sans entrer 
en contact avec l’accusé avant une confrontation entre les deux parties. «Ça n’a pas été fait dans ce cadre là du tout, assure Olivier Pauly. Quand un agent est harcelé, il est expressément mentionné qu’on ne peut pas le laisser en situation d’être dominé par son agresseur.» En mars 2023, à l’occasion d’un entretien au ministère des Sports, il apprend que son contrat ne sera pas reconduit, purement et simplement. «Je me suis retrouvé face à un tribunal accusateur, sans pouvoir me défendre. Finalement, le DTN et le manager de la performance, avec la bénédiction du ministère, m’ont évacué de l’athlétisme», souffle celui qui est redevenu professeur de sport dans un lycée des Alpes-Maritimes. «Olivier Pauly est arrivé en fin de CDD. Cela a été fait selon les règles applicables, se défend aujourd’hui Christophe Saint-Géniès qui ouvre le parapluie : tout s’est passé «en lien avec le centre de gestion opérationnelle des cadres techniques du ministère». .

L’avenir de la FFH en suspens ?
 Au-delà de cet entre-soi ciblé, beaucoup souhaitent dénoncer un «système» devenu archaïque, où «copinage», cooptation et «omerta tenace» demeurent la règle. Pour comprendre pourquoi ce système perdure, il faut remonter aux années 2018-2019, quand la plupart de ces «descentes 
aux enfers» ont débuté, à l’époque du grand chambardement paralympique voulu par l’Etat, avec en toile de fond la quête de bons résultats lors des JOP de Paris. «La FFH a été invitée à aller chercher des experts en externe puisque jusqu’ici, il y avait très peu de turnovers», éclaire 
Louis-Frédéric Doyez. C’est dans ce contexte que des professionnels ont été débauchés de l’extérieur pour apporter leur expertise. «Il y a alors eu un petit côté “Fort Alamo” : on défend le handicap depuis des années et personne ne va venir nous expliquer ce qu’on doit faire parce que 
ça fait des années qu’on le fait tout seul dans notre coin», contextualise Louis-Frédéric Doyez.  Ces mises au ban successives de quelques-uns des meilleurs éléments à quelques encâblures des paralympiades inquiètent en coulisses. «C’est presque du suicide. Ils poussent vers la sortie 
les personnes qui les aident le plus», regrette Louis-Frédéric Doyez.

Beaucoup s’émeuvent de potentielles répercussions négatives sur les athlètes, et in fine sur les résultats cet été. «Ça aura forcément un impact», estime une haute gradée d’un sport présent aux Jeux. Abasourdis par l’éviction d’Olivier Pauly, plusieurs espoirs ont depuis refusé d’aller en stage et préfèrent s’entraîner de leur côté. Lui-même avait l’habitude de collaborer avec bon nombre d’entre eux. «Je travaillais par exemple depuis longtemps avec un athlète déficient visuel. Il y a plein de choses importantes, dans la communication, la façon de se comporter, la présence que vous avez construite auprès de lui. La façon dont je le guidais, dont il touchait mon coude. A quelques mois des championnats du monde, on m’enlève cette personne. C’est hallucinant.»

Ces crispations internes pourraient menacer l’avenir de la fédération, à en croire plusieurs sources à la FFH. L’instance concentre des disciplines dont certaines étaient par le passé rattachées aux fédérations valides. Rien ne dit que ce sera toujours le cas après les Jeux de Paris, si les résultats espérés ne sont pas là. «Le vrai héritage de Paris 2024, ce sera que la FFH aura perdu encore d’autres délégations, pronostique un cadre de longue date. A terme, la FFH pourrait mourir.

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