Chemin du 3 mai 2020
Le silence est d’or ...
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En moyenne montagne, le mois de mai me méduse, mais jamais au grand jamais ne me rend muet ! S’il se fait déjà muguet en plaine, porte-bonheur et immaculées clochettes, il est maillot «yaune» à mille mètres, «lemon» en secte, peloton doré, mer mordorée, houle mouvante, onde émouvante, déferlement citron, nuée safrane, coulée astrale, déluge du dieu Ra, prolifération, cataracte, tsunami, comme vous voulez, mais marée à fort coefficient de fleurs de pissenlits ...
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C’est l’or du rein !
Pardi, le baraban ou dent-de-lion est diurétique. D’où son nom commun : le pissenlit. Pas besoin de chercher loin, sans le latin, sans le latin...
Ainsi, quand le jaune est mis, près de chez moi, dans les prés alpins, ces préalpes privilégiées, je ne me sens plus, je ne me retiens plus : JE PISSE LA COPIE !
J’ai le cerveau vessie, les vaisseaux wc, j’évacue, je mouille, je fais aller, je me lâche, j’ouvre les vannes, j’ai l’alphabet fluide, l’azerty alerte, le clavier qui clique, le mulot qui claque, on ne me retient plus, je fuis, je flotte, je flippe, je flingue, je phosphore, je suis fort en métaphores, je fais des efforts sur le sonore, je flirte avec la mort...
Car elle fauche, la salope !
Et il faut faire vite avant que la prairie ne soit rendue au vert naturel, aux vers laboureurs et aux rats taupiers ...
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Un coup dans le zig, un coup dans le zag, cadrage serré, plan large, léger zoom, correction du point, je mets en boîte, en hâte, et avec diligence, depuis mon carrosse, puisque les pandores veillent, confinement oblige.
Après avoir récupéré mon «drive» à l’Intermarché, masqué et ganté, je me suis égaré en chemin, sur la route du rhume, ivre d’or, livré au grand respirateur montagnard, à l’océan jaune qui noie le massif aux dernières gelées.
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Cette année, dans le joli mai, le pays est bizarre. Les oiseaux chantent, les champs flambent, les sommets resplendissent, et l’on entend le silence. Il y a des sons, des gazouillis, le coucou, le ruisseau, l’aboiement du chevreuil, le vent puissant dans la forêt comme une mer absente, un concert d’insectes, un choeur de grillons, et puis c’est tout ...
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Mais c’est énorme !
Les moteurs ont disparu, ou presque, en bas, en haut, sur le bitume, dans l’azur. Les hommes se cachent. Quelques bipèdes tentent une sortie timide. Deux vélocipèdes déroulent au centre de la plaine.
Mais de ronflements, de rugissements, de grondements, de hurlements, point d’écho dans la combe, sous le roc, dans les gorges, entre les pics et les falaises...
Le bruit de la nature serait-il donc le silence ?
Je vous laisse réfléchir.
Bientôt, les fleurs de pissenlits se transformeront en aigrettes transparentes, en plumes aériennes, en milliers de parachutes qui descendront sur le Vercors comme autant d’espoirs et de lendemains heureux. Ami, entends-tu ?
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